TOUT EST DIT

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mardi 14 janvier 2014

Monsieur le président... ? Les questions auxquelles François Hollande devrait répondre pour que sa conférence de presse puisse réellement impulser un nouveau départ pour la France


Le grand rendez-vous politique de ce début d'année se tient aujourd'hui à l'Elysée. Atlantico en profite pour poser les questions qui fâchent (vraiment) sur l'état de la France en cette année 2014. Vie privée, virage social-libéral, pacte de responsabilité, réduction des dépenses publiques et relations franco-allemandes : François Hollande n'y coupera pas.

 Le virage social-libéral annoncé lors des vœux du 31 décembre 

Christophe de Voogd : En quoi ce fameux virage s'accorde-t-il avec les mesures qui ont été votées en cette fin d'année ?
En effet, les mesures prises au niveau budgétaire ainsi que la nouvelle loi sur la création des métropoles permettent de s'interroger sur l'application d'une telle doctrine, tant sur le plan de la "simplification" que sur celui de la responsabilité fiscale en termes de réduction des impôts. Nous avons ainsi déjà eu droit à des promesses de simplification du "mille-feuilles administratif" et pourtant l'Elysée a depuis rajouté des couches sur un système déjà bien complexe. Les décisions prises sur l'année 2014 semblent effectivement, pour l'instant, se trouver à contre-courant de ce qui a été annoncé.
Jérôme Sainte-Marie : Pensez-vous que le fait de mener une politique de l’offre ne vous aliénera pas définitivement le soutien de vos propres électeurs ?
Depuis les vœux aux Français, François Hollande a pris un risque calculé, celui d’assumer publiquement une ligne politique suivie à petits pas depuis son élection. En réalité, la messe fut dite dès l’intervention télévisée du 9 septembre 2012, lorsque François Hollande se donne deux ans pour redresser l’économie du pays avant d’entreprendre les chantiers du changement social.
Une étape symbolique a cependant été franchie le 1er janvier, avec l’annonce d’un cours nouveau.  Dire que l’on souhaite la réduction du poids de l’Etat, donc de la dépense publique, et partant du nombre de fonctionnaires, n’est pas rien lorsque l’on sait que 63 % des salariés du public ont choisi François Hollande le 6 mai 2012. De la même manière, chez ceux qui dépendent peu ou prou de pensions ou aides diverses, l’inclination au vote à gauche est très nette. Ce qui oblige désormais le député Christophe Caresche a déclarer que "le parti socialiste doit mettre de côté son clientélisme électoral".
Des sondages peuvent montrer que les Français approuvent le « pacte de responsabilité » : qui serait contre le renforcement de la compétitivité des entreprises, qui plus est au nom de l’emploi ? Ceci pèsera peu lorsque des coupes franches seront opérées dans les dépenses publiques et qu’un effort accru sera demandé aux salariés. La sanction risque alors de ne pas être prioritairement dans les études d’opinion – un sondage récent montrait que si François Hollande baissait à gauche, il progressait à droite – mais dans les urnes, et ceci dès les prochaines élections municipales. 
Il est difficile aujourd’hui de ne pas songer aux propos du mentor du jeune François Hollande, Jacques Delors, lors de sa renonciation publique à l’idée d’être candidat à l’élection présidentielle, face à Anne Sinclair, le 7 décembre 1994.  Certain que même s’il était élu, il n’aurait pas une majorité pour mettre ses propres solutions à l’œuvre, il préféra se retirer du jeu.  L’actuel Président peut difficilement croire qu’il y a pour sa politique une majorité à gauche, mais a visiblement davantage foi en la liberté donnée par les institutions à celui occupant le pouvoir suprême.
Nicolas Goetzmann : Le virage social libéral, qui peut être assimilé à une politique de l'offre, est il réellement opportun alors même que le contexte macro économique démontre précisément que l'économie souffre essentiellement d'un problème de demande intérieure ? 
La politique économique européenne repose aujourd’hui sur une austérité monétaire combinée à une austérité budgétaire. Le "virage" social libéral semble confirmer cette position pour la France. Et ce, alors même que le "policy mix" le plus efficace repose clairement sur une contraction budgétaire et une relance monétaire (Etats Unis par exemple). Si la relance monétaire n'est pas mise en place, le virage social libéral ne pourra avoir à lui seul que des effets récessifs, comme cela a été le cas en Espagne par exemple.
Christophe De Voogd : Quel est concrètement le soutien politique à cette réorientation économique ?
Nous savons déjà qu'il n'existe pas de majorité au Sénat sur le sujet et il me semble difficile de faire passer un tel projet à l'Assemblée, en particulier auprès de l'aile gauche du Parti Socialiste. On peut ainsi se demander si l'exécutif ne sera pas forcé d'avoir recours aux ordonnances pour "forcer" sa majorité à marcher d'un seul pas. L'affaire ne semble pas en soi injouable puisque le timing politique joue en sa faveur : dans une conjoncture pré-électorale, M. Hollande pourrait ainsi jouer de cette "arme nucléaire" qu'est la dissolution pour dissoudre toute volonté de fronde au sein du PS. En revanche il semble logique qu'au lendemain des élections municipales et régionales, les Verts sortent de la majorité gouvernementale si ce virage social-libéral est confirmé dans les faits.

 Le respect de la vie privée 

Fabrice Epelboin : Vous avez rappelé il y a peu le principe du respect de la vie privée, à juste titre d'ailleurs. Ne faut-il pas s'inquiéter en conséquence de l'intrusion dans la vie privée de millions de Français des services de surveillance policière ?
L’intrusion dans la vie privée présidentielle commise par Closer donne l’occasion de poser sous un jour nouveau la société panoptique que nous concoctent les représentants du peuple.
Il fut un temps où les présidents pouvaient, à loisir, disposer d’une vie privée. Leurs maitresses et frasques demeuraient un secret - souvent connu d’un petit microcosme parisien - et tout le monde considérait que, comme tout citoyen, les politiques avaient droit, eux aussi, au respect de leur vie privée.
Ce temps n’est plus. A l’heure de la loi de programmation militaire - qui légalise la surveillance généralisée des citoyens français, ou de la future loi de finance - qui fiche à loisir tout ce qui touche à la gestion de patrimoine des contribuables, il serait totalement scandaleux que les politiques, premiers responsable de la fin de la vie privée, puissent bénéficier de la moindre intimité. Le citoyen ordinaire, lui, s’est vu, en moins d’une année, totalement dépouillé de toute possibilité de vie privée au regard de l’État. A moins d’instaurer la classe politique comme n’obéissant pas à aux même règles que la plèbe, il va lui falloir assumer les conséquences de l’instauration de la société de la surveillance : la sous-veillance.
La sous-veillance est la réaction - de la part de la société civile - de la surveillance mise en place par un Etat. C’est le pouvoir donné aux populations civile par les nouvelles technologies de surveiller ce que font les détenteurs du pouvoir et d’en dénoncer les moindres écarts, aussi promptement qu’un radar sur une autoroute ou la Hadopi pour un téléchargement. Surveillance et sous-veillance vont de pair, ce sont les deux faces d’une même médaille.
Faites le test : posez la question de la surveillance des population à un politique, il vous répondra par les dérives de Facebook. Comme si, inconsciemment, le politique ainsi pris en faute, accusait le camp d’en face - le citoyen ordinaire, et les méchants yankees.
La fin de la vie privée, décidée à travers de multiples lois par nos politiques, ouvre une ère où plus personne n’aura droit à la moindre vie privée, à commencer par nos politiques. Ce qui relevait des potins au sein d’un petit microcosme parisien s’étalera demain dans la presse, au pire, dans les réseaux sociaux, les circuits hermétiques où circulaient jadis ce type d’information étant désormais ouverts aux quatre vents.
La fin de la vie privée - un contrat de base dans les démocraties de la révolution industrielle, période à laquelle ce concept est apparu, signifie la mort d’une certaine forme de démocratie, mais également d’un certain type de politiques.
Vous pensiez avoir été choqué par le comportement de DSK ? Bientôt, si l’escalade continue, vous allez comprendre pourquoi celui-ci ne prenait même pas la peine de se cacher.
François Hollande, qui s’étonne de ne pas voir sa vie privée respectée, ne devrait-il pas commencer par respecter celle des français ?

 Un nouveau deal franco-allemand pour sauver l'Europe 

Nicolas Goetzmann : Pourquoi la France n'essaye-t-elle même pas de soutenir un plan de relance monétaire comme cela a été entrepris aux Etats Unis ?
D'un point de vue économique, les intérêts franco-allemands deviennent de plus en plus divergents alors que la France perd peu à peu son influence au sein de l'Union.
Depuis l'entrée en fonction de François Hollande, la France a perdu toute capacité d'initiative au plan européen. Le pacte de croissance n'a par exemple jamais vu le jour. Le moteur franco-allemand, essentiel à la construction européenne, est devenu un moteur germano-allemand, ne protégeant que les intérêts des pays du nord.
Christophe De Voogd : Dans l'état actuel d'enlisement politique et économique de l'Europe et de la France, la solution ne réside-t-elle pas  dans un nouvel accord entre Paris et Berlin ?
Cet accord pourrait reposer sur un échange de bonnes volontés, dans lequel la France promettrait d'engager enfin les réformes structurelles (responsabilité budgétaire, assouplissement du marché de l'emploi, mesures de compétitivité) attendues depuis un certain temps en dévoilant un calendrier sérieux et précis de la mise en applications de telles mesures. En échange, l'Allemagne accepterait un assouplissement de la politique monétaire mené par la BCE voire même une modification du Traité européen concernant la discipline budgétaire. Il s'agirait là d'un moyen de sortir par le haut et par l'Europe de l'ornière actuelle. Sachant que des initiatives franco-allemandes ont été annoncées pour le printemps, ce serait une excellente occasion de mettre à l'œuvre ce "new deal" européen.  

 Le pacte de responsabilité et la simplification administrative pour les entreprises 

Denis Payre : M. Hollande, vous avez promis un pacte de responsabilité afin d'alléger les charges des entreprises, comment allez-vous procéder concrètement, et avec quel calendrier ? 
Les dirigeants politiques se sont trop souvent montré légers sur leurs engagements vis-à-vis de l'emploi. Il s'agit d'établir un pacte de confiance. Le dernier sondage du Cevipf montre que pour 59 % des Français, face aux difficultés économiques, il faut que l’État fasse confiance aux entreprises et leur donne plus de liberté. Il ne s'agit plus d'être dans la parole mais dans les actes.

Vous aviez évoqué il y a 10 mois le "choc de simplification". Nous ne pouvons plus attendre car les patrons de TPE, de PME, les artisans ou les commerçants se trouvent pris à la gorge. Tous subissent le poids des normes administratives et de la complexité qui prévaut dans les décisions étatiques.

Vous avez mis en place le CICE qui n'est pas une mauvaise chose mais qui est perçu comme une usine à gaz par les principaux intéressés. Il ne faudra pas retomber dans une complexité qui tue les entreprises et les emplois.

Denis Payre : Alléger les charges c'est bien, mais pour cela il faut baisser la dépense publique pour que ces baisses ne deviennent pas des impôts supplémentaires ou plus de dette pour nos enfants. Quel est votre programme de baisse de charges ?
Pour parvenir à un niveau de prélèvements obligatoires en phase avec la moyenne européenne et ne plus voter un budget déséquilibré chaque année de façon structurelle, il faut trouver 200 Milliards d'économie sur la dépense publique, soit 17 % de son montant global toutes administrations confondues, et non pas 60 milliards comme vous l'évoquiez jusque là. Quel est votre calendrier pour y parvenir?

 

 La gestion de la crise économique 

Nicolas Goetzmann : Alors que les Etats Unis, le Japon et le Royaume-Uni ont révisé leur appréciation de la crise en lui attribuant un caractère monétaire, l'Europe persiste dans une vision budgétaire qui ne produit pas de résultat. Pourquoi ne pas remettre en cause un diagnostic de crise manifestement erroné ?
L’Europe est actuellement le dernier de la classe en termes de croissance et d'emplois. Il est frappant de constater que le diagnostic de crise européen, basé sur des problèmes budgétaires, est totalement isolé. En effet, les Etats-Unis, le Japon et le Royaume-Uni ont proposé une solution monétaire à cette crise, et les résultats sont probants en faveur de cette doctrine.

 La réduction des dépenses publiques 

Jean-Luc Bœuf : M. Hollande, dans le cadre du pacte de responsabilité, vous avez évoqué 50 milliards d'économies afin d'abaisser les charges sur les entreprises. Etant donné l'état actuel des finances publiques, comment comptez-vous opérer une telle mesure ?
Commençons par une interrogation en forme d'un court problème de feu le certificat d'études : "Imaginons une baignoire qui se remplit d'environ 400 litres par heure et qui se vide d'un peu plus de 300 litres dans le même laps de temps. Au bout de combien de temps la baignoire va-t-elle déborder ?" Il suffit de remplacer les litres par des milliards d'euros et les heures par les ans et nous avons la situation budgétaire de la France. Bien évidemment, la réponse va dépendre de la taille de la baignoire dira un esprit pragmatique !
Naturellement, à un moment donné, tout ceci va finir par provoquer une véritable inondation répondra un (autre) esprit pratique. Bien évidemment, l'Europe ne nous laissera pas tomber vont s'écrier d'autres commentateurs, selon la théorie en vogue dans l'économie que les anglais résument par "too big to fail". Dans ces conditions, il s'agit moins d'aligner les chiffres ronds et le nombre d'années que de regarder en face le mur budgétaire qui est devant la France. Ce mur budgétaire est composé essentiellement de trois éléments : premièrement, de la rémunération des agents publics de l'Etat, qu'ils soient en activité ou en retraite (plus de 80 milliards d'euros) ; deuxièmement des concours de l'Etat aux collectivités territoriales (en fonction de la comptabilisation retenue, on avoisine les 100 milliards d'euros) et, troisièmement de la charge de la dette (les intérêts) pour plus de 40 milliards d'euros. Cumulés, ces trois éléments représentent donc plus de 220 milliards d'euros par an, pour un peu plus de 300 milliards d'euros de recettes. Et encore, sans compter le capital de la dette.
Ce n'est qu'à partir du moment où l'on a posé ces grands chiffres que l'on peut examiner les 50 milliards d'euros dont a parlé le chef de l'Etat. Tout d'abord, il convient de s'interroger sur la période retenue, qui est 2017. Selon la façon dont on comptabilise, il s'agira de trouver ces 50 milliards d'euros sur 2, 3 ou 4 années, en revenant au vieux problème des intervalles : - deux ans si l'on considère que le budget 2014 est adopté et que le budget 2017 sera préparé dans la perspective de l'élection présidentielle, c'est-à-dire soucieux d'effets d'annonce flatteurs pour le contribuable ; - trois ans si l'on estime que le budget 2014 peut être resserré en cours d'année ; - quatre ans si le gouvernement veut étaler l'effort dans le temps.
Dit autrement, l'effort revient à trouver de 12,5 à 25 milliards par an. Et c'est là que ce chiffre risque de n'être que de l'effet d'annonce ! Ou alors, le gouvernement serait-il prêt à simultanément baisser les salaires de ses propres agents publics, ne pas accepter de payer une partie de la hausse (possible) des taux d'intérêt et de réduire encore plus qu'il ne l'a fait les dotations aux collectivités locales.
Jean-Luc Bœuf : Par ailleurs comment faire participer les collectivités locales à la baisse des dépenses publiques ?
Cumulés, les budgets des collectivités locales représentent plus de 220 milliards d'euros en 2014, soit près de 11% du Produit intérieur brut (PIB). Derrière ce chiffre d'ensemble se trouvent les 26 régions, 101 départements, plus de 2.600 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (dont les communautés urbaines, communautés d'agglomération et communautés de communes) et près de 37.000 communes. Aucun gouvernement, depuis la loi Marcellin de 1971 sur la fusion autoritaire des communes n'a réussi à diminuer le nombre et letype de collectivités locales. Depuis plus de 40 ans, les réformes se traduisent toujours par la création d'un type de structure. La dernière en date est la métropole. Ce qui peut changer la donne est l'approche financière. En effet, tant que l'intercommunalité était encouragée par des incitations financières, les structures se créaient somme toute assez facilement.  Depuis quelques années, une approche différente prévaut.
Rappelons que le budget des collectivités locales a la forme d'un camembert à trois parts, composé des dotations de l'Etat, de la fiscalité et de l'emprunt. La donne a changé à la fin des années 2000. Jusqu'à cette date, les budgets étaient construits à partir des dépenses  : "je veux réaliser pour 100 d'actions et jecalcule la fiscalité dont j'ai besoin, sachant que les dotations augmentent régulièrement chaque année et que l'accès à l'emprunt procure aisément les recettes complémentaires." Aujourd'hui, la fiscalité est davantage encadrée ; les dotations diminuent (légèrement) et l'accès au marché de l'emprunt n'est pas automatiquement garanti. Cet effort (non pas volontaire mais subi par les collectivités) va devoir se poursuivre par les dépenses des collectivités, en investissement et en fonctionnement. En investissement, il s'agirait de réduire les cofinancements sur les projets. En fonctionnement, la piste d'économie passe par la maîtrise des dépenses de personnel et par le peignage très fin de toutes les actions conduites par les collectivités afin de mettre fin aux doublons (de compétences, de postes, de subventions), et notamment au sein du bloc communal. C'est tout l'enjeu du prochain mandat municipal et intercommunal.

 La déflation en Europe 

Nicolas Goetzmann : Souhaitez-vous, ou non, une nouvelle politique de la Banque Centrale Européenne ?
Depuis 1983, la France est entrée dans l'ère de la désinflation compétitive; "le tournant de la rigueur" qui a ensuite été sacralisé par la BCE. Cette politique perdure depuis 30 ans et a été soutenue par l'ensemble des gouvernements depuis lors. Que pensez-vous de la poursuite d'une politique de désinflation alors même que c'est la déflation qui menace le pays ?
Le tournant de la rigueur a été utile à la France dans sa lutte contre la grande inflation qui frappait le pays au début des années 80. Mais cette politique ne correspond plus au mal qui frappe le pays. Car il a été totalement oublié de doter le pays des mécanismes permettant de lutter contre la déflation, ce qui est l'exact opposé des conditions économiques des années 80. La France est en train de geler, et nous n'avons qu'un réfrigérateur à notre disposition pour nous protéger.

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