TOUT EST DIT

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mardi 27 août 2013

L’Iran, la Russie, la Syrie, les Etats-Unis et les armes chimiques


Beyrouth, le 26 août 2013, minuit. Depuis les premières vidéos et les premières révélations quant à une attaque à l’arme chimique dans la Ghouta de Damas, les informations se font de plus en plus précises. Et, pour l’instant, tout semble prouver que nous ne sommes absolument pas dans le cadre d’un plan à l’américaine faisant état d’armes de destructions massives en Irak pour se donner un prétexte justifiant la guerre dans ce pays.
Médecins sans frontières (MSF), qui est l’une des rares organisations à être sur place, affirme dans un communiqué : « 355 patients présentant des symptômes neurotoxiques sont morts en Syrie dans des hôpitaux, aidés par MSF, et environ près de 3 600 personnes y sont traitées depuis le 21 août… Les symptômes qui nous ont été rapportés, le schéma épidémiologique de cet événement – caractérisé par l’afflux massif de patients dans un laps de temps très court, la provenance des patients et la contamination des secouristes et du personnel ayant fourni les premiers soins – suggèrent fortement l’exposition massive à un agent neurotoxique. »
Pour ma part, je ne doute pas un instant de la véracité de ce communiqué. Mais je peux comprendre qu’on le mette en doute. C’est pour cela que nous allons chercher dans les plis des déclarations officielles un fil d’Ariane qui nous mènera au plus près de la réalité du terrain.
Si, pour la France, l’usage des armes chimiques par le régime ne fait aucun doute, pour la Russie « les soupçons d’utilisation par les autorités syriennes d’armes chimiques sont une provocation planifiée à l’avance ».
Là, chacun est dans son rôle. La Russie en soutien indéfectible du régime, la France dans le camp adverse. Il faut donc aller chercher ailleurs. En particulier du côté de Washington et de Téhéran.
Dès les premières informations, les Américains se sont montrés d’une extrême prudence. Une prudence qui frisait le scepticisme. Disons plutôt que le syndrome « guerre du Golfe » paralysait leur réflexion et leur pouvoir de décision. L’administration Obama ne pouvait en aucun cas se permettre d’affirmer une telle énormité sans l’avoir fait vérifier et revérifier aux meilleures sources. Pourtant on a assisté – et l’on assiste encore, parce que le bras de fer entre Damas et Washington semble avoir commencé – à une sérieuse évolution de l’opinion américaine.
Après une extrême prudence – « Nous ne savons pas si cela s’est vraiment passé comme cela… Nous ne savons pas qui est la partie responsable » – les Etats-Unis accusent, certes encore avec ces formules que l’on peut encore retourner, le régime de Damas d’avoir perpétré ce crime. Mais les faits sont venus nous dire que, pour Washington, les lignes rouges ont bel et bien été franchies.
Il y a eu d’abord l’inhabituel coup de téléphone du secrétaire d’Etat Kerry à son homologue syrien, Walid Mouallem. Ce dernier annonce, dans la foulée, que le régime accepte l’envoi d’observateurs et d’enquêteurs pour étudier, faire les prélèvements nécessaires sur les lieux de l’attaque. Qu’a dit Kerry à Mouallem ? L’une de mes sources – que je qualifierais de très fiable et avec qui nous prenions un verre ce soir – m’a affirmé que Kerry aurait expliqué à Mouallem qu’il n’était pas nécessaire pour les Etats-Unis d’intervenir directement en Syrie mais que des actions ponctuelles, très douloureuses, pouvaient être ordonnées, sans aller jusqu’au modèle Kosovo comme cela se chuchote dans les rédactions. Simultanément, la flotte militaire américaine croisant en Méditerranée faisait route vers la Syrie et le Liban. D’où le changement d’attitude de Mouallem.
Nul n’a entendu les Iraniens pendant les premières heures de l’arrivée et de la diffusion des images. Après 24 heures de silence radio – je dirais même plus de 24 heures – le président iranien Hassan Rohani déclare : « La situation qui domine aujourd’hui en Syrie et la mort d’un certain nombre d’innocents provoquée par des agents chimiques sont très douloureuses… De nombreux innocents ont été blessés et ont souffert le martyre par des agents chimiques, et c’est malheureux. Nous condamnons totalement et fermement l’utilisation des armes chimiques. La République islamique conseille à la communauté internationale d’exercer toute sa puissance pour empêcher l’utilisation de ces armes où que ce soit dans le monde, et notamment en Syrie. »
Rohani ne désignera pas de coupable et c’est cela que nous devons retenir. Je n’omettrai pas de signaler que, porte-parole de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi avait déclaré jeudi que « si l’information sur l’utilisation d’armes chimiques était confirmée, les rebelles en seraient responsables ». Cela ne compte pas. Ce qui est à retenir pour l’avenir sont les propos de Rohani.
Des propos que nous devons mettre en regard avec d’autres propos que l’on peut relever chez de nombreux responsables iraniens ces dernières semaines, voire ces derniers mois : la relation privilégiée de l’Iran avec la Syrie ne mourra pas avec la chute du régime. A plus d’un signe, nous sentons que Téhéran prépare son après-Assad et ménage ses arrières…
Afin de clore mon propos, il faudrait ajouter que, depuis la révélation du massacre, la Ghouta a été sauvagement bombardée par l’aviation militaire. Est-ce pour effacer les traces et les preuves ? Mais est-ce que des bombardements, même puissants comme ceux d’hier, peuvent détruire ces preuves ? Espérons que les échantillons prélevés sur place pourront être analysés.
Et puis… Eh bien, et puis il y a eu le double attentat à la voiture piégée à Tripoli au Nord-Liban, le lendemain de la diffusion des vidéos. Qui parlait donc encore des massacres de la Ghouta à ce moment-là ? Plus personne.

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