Le projet de rénovation urbain de la capitale grecque fait les frais du plan d'austérité approuvé début mars par le gouvernement pour remédier à l'état calamiteux des finances publiques. Faute d'argent, il va falloir suivre d'autres pistes, à commencer par la lutte contre les voitures et un développement urbain chaotique.
dimanche 18 août 2013
Athènes réinventée par la crise
L’une des premières initiatives du Premier ministre grec Georges Papandréou après sa victoire électorale en octobre dernier, fut d’inviter l’architecte catalan Josep Acebillo àAthènes. Ce geste témoignait de la volonté du nouveau gouvernement socialiste de changer le modèle de développement urbain désastreux qui, après les espoirs soulevés par les Jeux olympiques de 2004, avait repris ses mauvaises habitudes : spéculation, corruption dans la concession de licences et invasion de la voiture. Cinq mois plus tard, après un plan d’austérité draconien exigé par les leaders européens pour éviter une défaut de paiement de la dette grecque, il est évident qu’il ne restera pas un centime d’euro pour mener ce projet à bien. Une énorme tache de béton blanc entre des montagnes calcinées : Athènes est la ville européenne qui offre le moins d’espaces verts. Avant la crise, elle avait déjà bien des défis à relever, entre les incendies de forêts qui ont ravagé sa banlieue et le délabrement de son centre ville. Elle paie aujourd’hui des années d’insuffisance de budgets publics et de pénurie financière dans le secteur immobilier. "Nous allons devoir réaliser des interventions sans argent”, déplore Andreas Kourkoulas, architecte du nouveau musée Benaki. Les voitures ont dévoré la ville C’est là une situation que partagent de nombreuses villes de la périphérie de l’Europe, urbanisées trop vite il y a quarante ou cinquante ans. L'objectif est loin d’être simple. Mais, paradoxalement, selon Yanis Pyrgiotis, du service public de planification urbaine, c'est peut-être une occasion de renouer avec l’esprit civique qui était apparu de façon éphémère avant les Jeux de 2004.
Mais la grande priorité est "la guerre à l’automobile", rappelle Kourkoulas. La première conséquence des années de consommation à tout va et de l'endettement des particuliers est que les voitures ont dévoré Athènes. La Grèce est le pays de l’OCDE dans lequel le parc automobile s’est le plus développé depuis une quinzaine d’années. Entre 1993 et 2006, le nombre de voitures pour 1 000 habitants a augmenté de 118 %, contre 40 % en Espagne et 24 % en Allemagne, selon l’OCDE. On ne voit pratiquement pas de vélos dans le centre d’Athènes. Et les quartiers sont étouffés par les voitures en stationnement.
"En Grèce, ce sont les mentalités qu'il faut changer" L'austérité qui est désormais de rigueur va paradoxalement permettre d'améliorer la situation, assure Pyrgiotis : "On a arrêté la construction de routes et de tunnels qui favorisait l’extension de la ville sur les campagnes." Les architectes espèrent que, lorsque la tache d’huile sera circonscrite, davantage de Grecs de la classe moyenne iront s’installer dans le centre, où de grandes concentrations d’immigrés à faibles revenus sont désormais installées. Mais "pour cela, nous devons avant tout lutter contre la dégradation de l’espace public dans le centre”, souligne-t-il. Avec près de cinq millions d’habitants – la moitié de la population de la Grèce – , Athènes ne compte que 2,5 m2 d’espace vert par habitant, soit un quart de la superficie en vigueur en Europe centrale et septentrionale. La solution en ces temps de vaches maigres : "Transformer les rues en jardins linéaires, les rendre piétonnes, aménager des espaces où on puisse jouer de la musique”, propose Kourkoulas. "Mais ce sera impossible si nous ne retirons pas les voitures stationnées dans les rues et sur les trottoirs”, ajoute-t-il.
Dans les montagnes des environs de la capitale, on a interdit toute construction au-delà des limites actuelles pour mettre le holà aux incendies que l’on soupçonne criminels pour ouvrir la voie aux promoteurs. "Vous verrez des tours de grand standing construites après l’incendie de 2007”, signale Pyrgiotis. Une chose est sûre : "En Grèce il ne suffit pas de voter une nouvelle loi pour changer quelque chose ; ce sont les mentalités qu’il faut changer”, martèle Yiannis Panaretos, vice-ministre de l’Education. Mais l'avantage d'une ville aux caisses vides, c’est que les spéculateurs n’ont pas d’argent non plus.
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