TOUT EST DIT

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samedi 29 juin 2013

A Bruxelles, François Hollande va battre en retraite


Le Conseil européen qui s' est ouvert jeudi à Bruxelles était crucial pour la France. Les chefs d’Etats et de gouvernements  qui se réunissent doivent approuver les « recommandations » de politique économique, adressées aux pays membres, dont, évidemment celles de la France.   
Nous avions analysé  dès le 2 mai en détail la « galère » dans laquelle la commission propose d’embarquer la France en échange d’un délai de deux  ans pour ramener le déficit public sous les 3% du PIB. 

Dans ce fatras néolibéral on reconnaît sans peine toutes les lubies idéologiques de l’establishment européen : réduction des dépenses sociales, libéralisation des marchés, désendettement accéléré, etc. 

Et, bien sûr, négation absolue de la responsabilité de la politique austéritaire généralisée dans la récession qui touche la zone euro depuis deux ans ! Si le PIB plonge, c’est la faute aux retraités, aux chômeurs trop bien indemnisés, au monopole d’EDF, aux coiffeurs trop chers et aux taxis râleurs… 
  
Dans ce catalogue édité à et par Bruxelles, on trouve même quelques provocations à l’encontre d’un gouvernement élu depuis à peine un an, comme ce plan « clés en main » de la réforme des retraites, l’enjoignant de «  prendre des mesures d'ici à la fin de l'année 2013 pour équilibrer durablement le système de retraite en 2020 au plus tard, par exemple en adaptant les règles d’indexation, en augmentant encore l'âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein et en réexaminant les régimes spéciaux, tout en évitant une augmentation des cotisations sociales patronales. » Au moins deux  dispositifs (l’âge de départ et les cotisations) sont absolument contraires aux déclarations explicites du gouvernement français. 
  
Le coup est tellement rude que François Hollande  avait répliqué dès le 29 mai, l’air martial : « La commission européenne n'a pas à dicter ce que nous avons à faire. »   Le Président de la République a toujours affiché la même ligne : les réformes sont voulues et mises en œuvre par le gouvernement français, pas question donc d’apparaître comme le « petit télégraphiste » de Bruxelles au risque d’apporter du vent au moulin des « populismes ». 
  
Suivant les procédures européennes, les « recommandations pays » ont ainsi été examinées par le conseil des ministres de l’Economie et des Finances vendredi 21 juin à Luxembourg. On aurait pu s’attendre à ce qu’elles soient largement amendées, au moins dans ce qu’elles ont de plus insupportable et d’humiliant pour les gouvernements, ou que le ministre Pierre Moscovici renvoie aux auteurs une copie aussi manifestement imbécile. 

Or, de l’aveu même du commissaire Olli Rehn qui s’en est félicité, le texte est sorti très peu changé (1). Normal,  puisque le ministre et ses hauts fonctionnaires avaient préféré faire de la dentelle, en négociant le texte mot à mot, dans une autre instance, le Comité économique et financier, auquel siègent les directeurs du Trésor, dont Ramon Fernandez pour la France. 
  
Le bilan est à déchiffrer dans la version anglaise, seule disponible, datée du 17 juin. Pour les retraites, ils ont  réussi à faire remplacer l’expression « âge légal de départ » par « âge effectif de départ » (point 1). La référence aux régimes spéciaux s'évanouit. La rôle des partenaires sociaux n'apparait qu'au point 2 consacré à la nécessaire baisse des cotisations patronales. Un peu mince..Et bien sûr au point 6 sur la réforme de l’indemnisation du chômage (point 6). 
 Ouf, la République est sauve ? Non, pas tout à fait... 
Jeudi soir le président de la République va avoir juste quelques minutes pour convaincre ses 26 pairs, d’adopter officiellement les recommandations amendées. Et à ce stade, il ne sera plus question de finasser. Sa seule ambition sera de pouvoir affirmer qu’il reste le maître des réformes sociales du pays. Le minimum absolu pour ne pas sortir humilié du conseil européen. 
Le reste, tout le reste, comme l’ouverture du marché des voyageurs de la SNCF,  sera donc approuvé par le conseil européen. Et même débarrassée de ses aspects les plus provocateurs, cette couleuvre sera d’autant plus dure à avaler que la Commission, forte de l’approbation du Conseil, pourra rappeler périodiquement au gouvernement français qu’il a l’obligation de mettre en œuvre les réformes contenues dans les « recommandations », qu’il a approuvée solennellement devant ses pairs ! Avec un « gouvernement économique » européen ainsi agencé, contraignant à de telles finasseries, il sera de plus en plus difficile de prétendre au respect de la démocratie en matière de politique économique et sociale, ce qui renforcera évidemment les courants politiques anti-européens. Arnaud Montebourg avait bien vu l’enjeu en qualifiant « Monsieur Barroso (…) de carburant du Front national ». François Hollande, lui, pourrait être le pompier de l’incendie qui commence… 
(1) On trouvera sur le site contrelacour une comparaison « avant-après » sur les pièces du dossier… 
Article corrigé le 27 juin à 21h15 

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