La France a pris du retard, ma mission est de la faire avancer autant que de possible. »Ainsi s'exprimait François Hollande en introduction de son émission, dimanche 16 juin, sur M6. Cette phrase résume tout : le diagnostic, « le retard » de la France, et sa stratégie politique d'avancer « autant que de possible ». Il faut revenir sur ces deux termes, car ils éclairent la double erreur du chef de l'Etat et laissent prévoir la condamnation de la France à la stagnation.
Le retard. Certes, la France a pris du retard sur toutes ses réformes. François Hollande l'a reconnu devant la gauche allemande : Gerhard Schröder a engagé le fer de la compétitivité dix ans plus tôt. Pareil sur les retraites. Alors que s'ouvre la quatrième réforme en vingt ans, la France rétive a toujours fait « trop tard trop peu » sur ce sujet comme sur les autres et elle doit en permanence remettre l'ouvrage sur le métier au risque de faire fondre la confiance des Français dans le système. La santé idem : la Sécu est annuellement dans le trou. Les performances à l'école reculent sans émouvoir vraiment. Le logement : la pénurie n'a jamais été comblée depuis l'abbé Pierre malgré mille dispositifs, dix mille décrets, cent mille déclarations de ministres et des dépenses publiques deux à trois fois supérieures à celles des autres pays. Le déficit, justement, il comptabilise tous ces « retards » : la France ne change pas, elle maintient par la dette ses habitudes, ses rentes et ses avantages.
Hélas, il ne fait pas ce qu'il doit. Il doit plus à la France, elle doit faire plus. Pourquoi ? A cause du diagnostic du « retard » qui, sur le plan intellectuel, est à la fois incomplet et faux. L'incomplétude vient du fait que François Hollande ne s'interroge pas, en tout cas ne dit rien, sur le pourquoi du retard français. Il ne dit pas qu'il s'agit d'une bataille idéologique perdue en France à gauche comme à droite : voilà vingt ans que les beaux esprits de la « résistance » à la mondialisation ont banni comme des traîtres ceux qui prônent l'adaptation. Campant à Valmy, ils ont chanté victorieusement que l'ennemi venu de l'extérieur allait égorger « vos fils et vos compagnes », entendez allait s'en prendre à notre modèle social. La mondialisation, cette horreur « antifrançaise ».
« Retard » : diagnostic faux. Il ne s'agit en effet pas simplement d'un retard. L'adaptation de l'Etat providence passe par l'allégement des charges, on vient de le dire, mais surtout par un changement de nature. Les résistants ont raison sur l'analyse, nous sommes entrés dans l'ère schumpétérienne de la mobilité, de la précarité, de l'innovation permanente. Mais, plutôt que de rêver comme eux à un retour impossible à la stabilité d'hier, il faut doter chaque Français d'une capacité à bouger. Puisqu'on a cité de Gaulle continuons, nous sommes dans une guerre de mouvement. C'est là où le« autant que de possible » vient échouer : il ménage les intérêts quand il faudrait inventer l'offensive. Toutes les réformes engagées par François Hollande sont dès lors insuffisantes par nature. Elles laisseront toujours la France en retard.
Dernier exemple en date, l'outre-mer. Les salaires plus élevés qu'en métropole avec une productivité très inférieure font de nos îles lointaines des absurdités économiques et les condamnent au chômage croissant. Après avoir promis des remises en cause fortes, le gouvernement a décidé de juste rogner quelques millions. Que faire ? Combler le vrai déficit français qui est celui des idées. Le président de la République a écarté les refontes complètes, de la fiscalité (comme le proposait l'économiste Thomas Piketty), des retraites (modèle suédois), de la santé (comme le propose le prix Nobel Muhammad Yunus). Il aurait dû au contraire mobiliser son courage politique et le nôtre, et ouvrir sans tabou tous les chantiers d'une nouvelle France sociale, pour la projeter en avance dans le XXI e siècle.
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