Passons sur l’extrême rapidité avec laquelle un trio de ministres, l’air grave comme il se doit, a livré hier soir au public le nom du coupable dans cette pourtant méandrique affaire des vraies-fausses lasagnes de bœuf.
Réussir en si peu de temps à démêler les fils d’un écheveau aussi complexe qui s’en était allé tricoter des mois durant une maille à l’endroit au Luxembourg, une maille à l’envers à Chypre et une troisième de travers en Roumanie sans attirer l’attention des autorités, relève du grand art policier ou de l’exercice de communication de crise. Chacun se fera sa propre opinion.
Passons aussi sur le fait que Benoît Hamon, visiblement devenu juge pour l’occasion, ait rendu le verdict dans la foulée et son collègue de l’agriculture prononcé la sentence.
Depuis le début de cette histoire, la société Spanghero avait une bonne tête à chapeau, on lui en a donc attribué un. Il fallait un coupable, unique si possible, afin de ne pas remettre en cause le système qui permet à chaque intermédiaire de se sucrer grassement au passage et aux multinationales de verser de copieux dividendes à leurs actionnaires tout en refusant d’endosser la moindre responsabilité. Sans parler du consommateur ravi d’acheter des lasagnes pour moins de 3,50 euros le kg en feignant de croire que c’est là le juste prix.
Cette affaire d’escroquerie hors norme certes mais qui reste une affaire d’escroquerie – dans laquelle, rappelons-le, il n’y a eu pour le moment aucune mise en danger d’autrui – montre en tout cas à quel point la panique et l’irrationnel a gagné nos assiettes.
Depuis 1996 et la crise de la vache folle, la suspicion est là, latente. Encore exacerbée par la mondialisation de l’économie, l’agrandissement de l’Europe et la déterritorialisation du risque qu’elle induit. Par la sensation de ne plus rien maîtriser. Par la peur de l’autre aussi, notre nouveau voisin, qu’il soit équarrisseur roumain, plombier polonais ou simple concombre espagnol.
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