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mardi 8 janvier 2013

Conseil constitutionnel, les fausses et les vraies questions

Conseil constitutionnel, les fausses et les vraies questions


Le chef de l’Etat vient d’annoncer sa volonté de mettre fin à la qualité de membre de droit du Conseil Constitutionnel dont bénéficient les anciens présidents de la République. Nous devons cette disposition au président René Coty, en 1958, qui l’avait suggérée à Charles de Gaulle, président du Conseil, engagé dans les travaux de rédaction de la nouvelle Constitution , future Vème République. Elle a sa cohérence et sa logique : le chef de l’Etat est avant tout, depuis 1875 et l’amendement Wallon fondateur de la IIIème République, le gardien des institutions, chargé de « veiller au respect de la Constitution ». Lorsqu’il quitte l’Elysée, la République peut avoir intérêt à mettre à profit son expérience pour siéger dans une instance dont le rôle est justement de sanctionner les manquements à la loi fondamentale. François Hollande veut mettre fin à cette particularité française.
Est-ce le véritable problème ? La vérité, c’est que le Conseil Constitutionnel s’est peu à peu imposé, depuis une quarantaine d’années, comme la pierre angulaire du fonctionnement de la République. Il a développé une jurisprudence extrêmement étendue et méticuleuse, qu’il consolide en permanence, lui donnant un pouvoir de censure considérable sur chaque réforme votée par le Parlement. La tentation naturelle est de s’en féliciter vivement quand ses décisions permettent de faire obstacle à des textes auxquels on est opposé… Mais au-delà de l’actualité, à long terme, les conséquences de ce phénomène sont considérables pour les équilibres démocratiques.
La préparation d’une loi se présente, pour les gouvernements  et les parlementaires, comme un exercice de haute voltige consistant, article par article, à essayer d’anticiper sur l’appréciation qu’en fera cette Cour suprême au regard de sa conception, non seulement du texte de la Constitution mais aussi de sa vision des  principes républicains, auxquelles elle reconnaît valeur constitutionnelle. Dès lors, la marge de manœuvre véritable de l’autorité politique, des représentants de la Nation élus au suffrage universel, se réduit comme peau de chagrin au fil du temps. La contrainte du Conseil Constitutionnel, encore renforcée par les questions prioritaires de constitutionnalités, lui ouvrant depuis 2008 la possibilité de censurer une loi même longtemps après sa promulgation, s’ajoute à l’encadrement du pouvoir législatif national par le droit européen, puisqu’une partie essentielle des lois votées par le Parlement le sont en vertu d’une simple transposition des directives européennes.
Est-ce un bien, est-ce un mal ? Le statut du Conseil Constitutionnel est des plus ambigus, sinon des plus hypocrites. S’il est une véritable juridiction indépendante, pourquoi est-il nommé par le chef de l’Etat et les présidents des deux assemblées qui, les uns après les autres, ont tendance à y désigner des personnalités politiques, partisanes, avec l’intention de peser par ce biais sur l’orientation de sa jurisprudence ? Pourquoi le président du Conseil constitutionnel est-il en général un ami politique très proche du chef de l’Etat qui l’a nommé (M. Badinter, M. Debré) ? Est-ce vraiment une juridiction ou une troisième chambre politique cooptée et toute puissante? Bref le sujet du Conseil Constitutionnel, nous amène au cœur de la question taboue de l’impuissance publique et de la crise démocratique française,  qui est, me semble-t-il la source principale des maux dont nous souffrons.
Mon sentiment est que l’on ne peut en sortir que par le haut, en réhabilitant le pouvoir du peuple, par un renouveau de l’autorité du Parlement élu. Ce qui est voté par la Nation à travers ses représentants doit s’imposer à toutes les autorités de l’Etat. A cet égard, sans doute faudrait-il en pratique, en revenant à une formule proche de celle de la IIIème République, faciliter considérablement les révisons constitutionnelles – majorité simple du Parlement, assemblée et Sénat, réuni en Congrès – ce qui permettrait aux élus nationaux de surmonter aisément l’obstacle de la jurisprudence constitutionnelle. Il convient aussi de faire du référendum une voie habituelle d’adoption des lois qui engagent l’avenir et l’équilibre de la nation, auxquelles nulle autorité surtout pas le Conseil Constitutionnel, ni aucune juridiction nationale ou européenne, ne pourra dès lors s’opposer, sauf à bafouer de plein fouet le principe d’une République démocratique.
Telles sont les vraies questions fondamentales, bien plus que la qualité de membres du Conseil constitutionnel reconnues aux anciens chefs de l’Etat. Mais parler des sujets véritables, ceux qui engagent l’avenir, n’est-il pas infiniment plus difficile que de s’appesantir sur des sujets secondaires.

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