TOUT EST DIT

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jeudi 15 novembre 2012

Préférence française pour le chômage : comment transformer la solidarité intergénérationnelle stupide en échange intergénérationnel intelligent

Nos retraites par répartition fonctionnent comme une pyramide de Ponzi : on promet monts et merveilles à ceux qui versent de l’argent au système, alors que cet argent, loin d’être investi, est intégralement dépensé au profit des retraités dans les jours qui suivent sa réception. En bonne justice, les responsables d’un tel système tiendraient compagnie en prison à Bernard Madoff.  
Cette formule absurde dans laquelle les cotisations vieillesse destinées à nos aînés sont censées nous ouvrir des droits sur nos cadets perdure (moyennant des banqueroutes partielles à répétition : en France les lois retraite de 1993, 2003 et 2010) grâce à la force de dictatures électives.
Des ultralibéraux concluent de cette analyse qu’il faut passer de la répartition à la capitalisation. Mais il s’agit là d’une position dogmatique sans rapport avec la réalité. De facto, la répartition est une forme de capitalisation qui s’ignore : chaque génération investit dans la suivante, lui permettant ainsi de se retrouver à la tête d’un important capital humain (deux à trois fois supérieur au capital physique et technologique) qui va rapporter des dividendes – les cotisations vieillesse, redevance versée par les actifs à ceux qui leur ont permis de devenir des producteurs efficients. Simplement, cette réalité économique est masquée par des constructions juridiques absurdes : pour renouer avec l’échange et la contributivité, il faut mettre le droit en accord avec les faits.
L’investissement dans la jeunesse a deux composantes : l’une est l’apport « en nature » de ceux qui mettent des enfants au monde, puis les entretiennent et essayent de les éduquer jusqu’à ce qu’ils soient capables de voler de leurs propres ailes ; l’autre est la contribution « en espèces » des cotisants et contribuables qui financent les prestations familiales, l’assurance maladie des enfants, l’aide à l’enfance, et la formation initiale. Pour passer d’un système bancal à une formule rationnelle, les droits à pension devraient être attribués au prorata de ces apports, et les cotisations vieillesse devraient devenir juridiquement ce qu’elles sont économiquement : des redevances versées par ceux qui sont porteur d’un capital humain qu’ils doivent pour une bonne part à leurs aînés.
Il serait rationnel et pratique de regrouper dans une unique contribution monétaire tout ce qui sert à l’investissement public dans la jeunesse : en France quelque 100 milliards pour la formation initiale, et 70 à 80 milliards pour les trois autres postes. La réflexion nationale sur une réforme systémique des retraites qui doit être menée en 2013, conformément à la loi retraites 2010, et les interrogations en cours concernant le financement de la protection sociale, forment un cadre intéressant pour affiner une telle proposition. Celle-ci diffère radicalement des jeux de chaises musicales entre prélèvements obligatoires imaginés par toutes sortes de sommités. Si elle aboutissait, chacun saurait que, juridiquement et individuellement aussi bien qu’économiquement et collectivement, c’est en investissant dans la jeunesse qu’il se prépare une retraite à l’abri du besoin. Au bout d’un demi-siècle, le message d’Alfred Sauvy (« nous préparons nos retraites, non par nos cotisations, mais par enfants »), porterait enfin ses fruits. Mais sachant combien il a fallu attendre pour que la rationalité héliocentrique l’emporte sur l’illusion géocentrique, la rapidité était improbable.
Le pays qui réalisera le premier sa révolution copernicienne des retraites par répartition bénéficiera d’un avantage comparatif appréciable. La protection sociale au sens large – y compris la formation initiale, qui pourrait enfin échapper à la pesante organisation étatique – entrera de plein pied dans le mode de l’échange. 170 milliards d’euros qui sont actuellement des prélèvements obligatoires sans contrepartie prendront la dimension d’une épargne à très long terme. La dimension économique de la parentalité sera enfin reconnue. Organisations professionnelles et politiciens cesseront de seriner la rengaine selon laquelle les prestations familiales sont des aides qui devraient être financées par l’impôt. La sphère de l’échange sera considérablement élargie, l’État providence reculant au profit d’un échange social en phase avec les réalités économiques. La France pourra redémarrer du bon pied, et devenir le poisson-pilote d’une révolution mondiale dans le domaine des échanges entre générations successives.

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