TOUT EST DIT

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dimanche 4 novembre 2012

A la barre du Titanic

«  C’est comme un navire lancé à pleine vitesse », a reconnu lui-même Michel Sapin, le ministre du Travail, en commentant les épouvantables chiffres du chômage pour le mois de septembre.
Puisque la France a vu le nombre de ses demandeurs d’emploi augmenter de 46 900 en un mois. Ce qui constitue la plus forte progression depuis plus de trois ans.
Désormais, notre pays compte officiellement 3 057 900 chômeurs n’exerçant aucune activité et 4,8 millions de personnes inscrites à Pôle emploi car elles ne bénéficient que d’une activité réduite. Ce qui est le plus impressionnant, c’est que ce gouvernement, en place depuis plus de cinq mois n’ose même plus évoquer l’héritage du passé pour expliquer ces chiffres désastreux. Car ils sont pires de mois en mois. Comme si le phénomène s’accélérait. Comme si ce “bateau ivre” était effectivement “lancé à pleine vitesse”.
Personne ne peut se réjouir de l’échec du gouvernement en matière de politique de l’emploi, tant il y a de drames personnels derrière cette question du chômage, tant cette inactivité chez les jeunes participe de la déconstruction de la société, et tant notre pays semble s’enfoncer dans une horrifiante paupérisation collective. Mais comment comprendre que cette majorité socialiste qui a fait campagne, pendant des semaines, contre Nicolas Sarkozy en le dénigrant, notamment sur son bilan en matière d’emploi, n’ait pas considéré ce sujet comme une priorité ? Comment comprendre qu’au lieu de s’attaquer de front à cette plaie qu’est le chômage, le gouvernement ait préféré faire de la gesticulation sur les salaires des patrons d’entreprises publiques, mettre en chantier le mariage homosexuel, ou construire cette “usine à gaz” qu’est la Banque publique d’investissement ?
Bien sûr, il y a un mois, voyant sa popularité s’effondrer avec la fin des “cent jours”, François Hollande est venu expliquer à la télévision qu’il se fixait comme objectif d’inverser la courbe du chômage au bout d’un an. Hélas, ce pari est perdu d’avance. Car le président de la République a beau avoir été élève d’HEC et professeur d’économie à Sciences Po, il a oublié que pour qu’un pays recommence à créer de l’emploi, il lui faut d’abord faire de la croissance (au moins 1,5 à 1,7 %). Or la France affichera au mieux cette année une croissance zéro et dans le meilleur des cas l’an prochain une décroissance de 0,5 %, si l’on se fie aux estimations des économistes.
Cela signifie que non seulement les entreprises ne pourront plus créer d’emploi, car leur activité, leurs carnets de commandes et leur confiance dans l’avenir seront insuffisants. Mais surtout, les licenciements, les plans sociaux (même si ceux-ci ne représentent qu’une petite partie des emplois perdus) et le non-remplacement des personnes en retraite vont s’accélérer. La plupart des experts s’attendent à une destruction de 200 000 à 300 000 emplois supplémentaires au cours des douze mois à venir.
Ce ne sont pas les “mesurettes” annoncées par Michel Sapin qui vont changer grand-chose à ce drame du chômage de masse. D’un côté, le ministre du Travail a annoncé la création de 40 000 contrats aidés dans le secteur public (cantonniers, employés municipaux, surveillants de collèges…). Ce qui porte à 500 000 le nombre de jeunes employés de manière temporaire dans ces nouveaux “ateliers nationaux” qui coûtent très cher à l’État et aux collectivités, mais qui visent à nettoyer les statistiques de Pôle emploi. D’un autre côté, le grand projet de François Hollande – les contrats de génération consistant en l’embauche d’un jeune lié au maintien en activité d’un senior dans l’entreprise – va entrer en fonction début 2013. Mais cela ne changera rien à la dérive des chiffres de l’emploi, dans la mesure où cela va créer un effet d’aubaine pour les entreprises souhaitant titulariser des contrats à durée déterminée ou des jeunes en apprentissage.
Même François Mitterrand avait fini par comprendre, en mars 1984, après sa visite dans la Silicon Valley, qui lui a servi de “chemin de Damas”, que pour créer des emplois la meilleure solution était encore de créer des employeurs, comme le dit si bien Yvon Gattaz. Mais pour cela il faut tout faire pour faciliter la création d’entreprise, l’accès aux financements et aux investisseurs, et surtout alléger les contraintes qui pèsent sur l’emploi, et fluidifier le marché du travail.
François Hollande a préféré s’inscrire dans une démarche idéologique de dénonciation de la richesse, de taxation de toutes sortes de profit, et d’antagonisme entre ceux qui apportent le capital et ceux qui voudraient mettre leur force de travail à disposition des employeurs. Ce faisant, il a fait de l’économie française “un navire lancé à pleine vitesse”. Mais un navire sans pilote et se dirigeant tout droit vers un iceberg. Une sorte de Titanic qui aurait appareillé le 6 mai dernier. Que faudra-t-il pour ouvrir enfin les yeux du commandant et éviter un tel naufrage ?

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