TOUT EST DIT

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samedi 11 août 2012

Pourquoi la crise européenne n'est pas terminée

Trois risques majeures planent sur la zone euro et menacent de faire revenir avec une grande vigueur la crise européenne à la rentrée.
Les jeux olympiques, les vacances estivales et les propos, finalement jugés rassurrants, de Mario Draghi ont offert aux marchés et aux Etats de la zone euro une pause dans la crise de la dette souveraine. Mais il pourrait bien ne s'agir que d'une pause. Et d'ores et déjà, l'automne s'annonce mouvementée.
Fébrilité
On s'en convaincra aisément en observant la fébrilité des dirigeants européens qui profitent de ce début de mois d'août tranquille pour se livrer à des grandes manœuvres. Les propos de lundi dernier du président du conseil italien Mario Monti qui a cherché à faire pression sur l'Allemagne pour qu'elle cède du terrain sur le rachat des titres d'Etat par le FESF et le MES en est une preuve évidente, tout autant que ceux de Jean-Claude Juncker, le chef de l'Eurogroupe, qui a voulu relativiser les effets d'une sortie de la Grèce de la zone euro ou encore de cette information du Wall Street Journal voici quelques jours qui croyait savoir que le FMI était favorable à une nouvelle restructuration de la dette hellénique (à l'exception évidemment que celle que détient le fonds lui-même).
Les trois grands risques de la rentrée
C'est qu'en réalité, trois épées de Damoclès, pour le moins, continuent à peser au-dessus de la zone euro. Et qu'en septembre, elles pourraient bien venir à nouveau saper la fragile confiance qui règne ces jours-ci sur les marchés.
Karlsruhe
La première de ces épées est peut-être la moins dangereuse, mais elle risque d'occuper durant les dix premiers jours de septembre les esprits et rendre plus d'un opérateur et d'un politique très nerveux : c'est la décision attendue de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe sur le MES et le pacte budgétaire le 12 septembre prochain. Bundestag et Bundesrat ont eu beau adopté avec une majorité des deux tiers les deux textes le 30 juin, ils ne sont toujours pas promulgués par le président fédéral Joachim Gauck qui attend l'avis de la Cour. Celle-ci s'est déjà montrée très critique vis-à-vis de la stratégie du gouvernement fédéral et a déjà en juin exigé désormais une plus grande participation active du Bundestag à la politique européenne allemande, à la grande fureur de Mario Monti. Il est peu probable que Karlsruhe empêche in fine la promulgation des deux textes, mais elle fixera des conditions qui seront très observée. Il ne s'agira certainement pas d'un blanc-seing, car, à la surprise générale, les juges en rouge se sont donnés deux mois pour observer le texte. Et si Karlsruhe estime que les droits du parlement n'ont pas été respectés, nul ne sait quels peuvent être les conséquences d'une telle décision. Or, le temps presse : sans le Mécanisme européen de Stabilité et ses 500 milliards d'euros de fonds potentiels, l'Europe peine à disposer d'un outil pour faire face à la crise. D'autant plus que beaucoup estiment que le MES dans sa disposition actuelle est, de toutes façons, insuffisant.
La Grèce
La deuxième épée de Damoclès est récurrente. C'est celle de la situation en Grèce. On la croit disparue et elle revient toujours, faisant de la gestion de la crise un travail de Sisyphe. Certes, fin juillet, la Troïka composée du FMI, de la BCE et de la Commission, a soudainement applaudi les « efforts » d'Athènes. Mais ce changement brusque de vision, après plusieurs semaines de tensions et de déceptions, est lui-même suspect. En réalité, la situation apocalyptique de l'économie grecque laisse peu d'espoir à la stratégie définie par l'Europe et le FMI d'un retour rapide par des économies drastiques à des finances publiques saines, puis à la croissance. La succession de plans de rigueur semble n'est guère utile : ce qui en est appliqué ruine encore l'économie grecque. La logique du sauvetage de la Grèce a échoué et, à la rentrée, il faudra bien le reconnaître. C'est bien ce qu'a reconnu S&P mardi en abaissant encore la notation hellénique. L'agence s'attend à une contraction du PIB de 10 à 11 % en 2013 et 2014. Autrement dit, tout le plan européen est désormais utopique.
L'ennui, c'est que l'Europe manque de stratégie alternative sur la Grèce. La seule issue semble désormais être une sortie de la zone euro afin de redonner de l'air à l'Etat hellénique et à l'économie. Mais les conséquences de ce mouvement sont incalculables. A la rentrée, les spéculations sur un tel événement ne manqueront donc pas de revenir, comme cela a été le cas avant les élections du 17 juin. Et on se souvient de l'inquiétude qui régnait alors sur les marchés ! Car le danger restera le même : celui d'une contagion aux grandes économies du sud de l'Europe, Espagne et Italie.
Le risque italien
Et c'est là la troisième et dernière épée de Damoclès, la plus dangereuse. Alors que la situation espagnole demeure plus que préoccupante et est loin d'être réglée, l'état de l'Italie inquiète de plus en plus. La détente actuelle sur les taux ne dissipe pas le danger : la récession dans la Péninsule rend la consolidation budgétaire difficile et pourrait saper encore un peu la confiance et donc peser sur les taux italiens. D'où les pressions de Mario Monti pour que le MES et la BCE achètent des obligations d'Etat italiennes (et espagnoles) afin de réduire une prime de risque qu'il juge injustifiée. C'est du reste sur cette action elle-même que l'attention des marchés est actuellement focalisée : les effets des déclarations de Mario Draghi la semaine passée le prouvent assez. L'ennui, c'est que cette opération fait grincer beaucoup de dents dans la partie nord du continent. La Finlande et, peut-être les Pays-Bas (mais des élections y sont prévues à l'automne), refuse d'accepter un tel rachat par le FESF ou le MES et leur accord est indispensable. Concernant la BCE, l'atmosphère est chauffée à blanc en Allemagne comme jamais sur cette question. Tous les journaux dénoncent désormais à longueur de colonne la volonté de la BCE d'intervenir. La Bundesbank a sonné la charge, comme à son habitude. Mario Draghi va donc prendre un risque en intervenant : celui d'aggraver le fossé entre le nord et le sud du continent. Or, sans intervention du FESF et en l'absence du MES, la BCE devra acheter massivement des titres pour être efficace. D'autant que, comme toujours, les marchés vont tester sa détermination. Des tensions politiques majeures pourraient suivre. Si Angela Merkel semble pouvoir mettre un peu d'eau dans son vin, elle ne pourra pas, à un an des élections fédérales et compte tenu du poids croissant du Bundestag, passer outre son opinion publique et sa majorité. De façon générale, la lassitude des élites allemandes face à la crise et à l'euro est un élément qui risque de peser sur la gestion de la crise. La BCE sera donc sous le feu des critiques. Or, toute dissension inter-européenne est perçue comme un aveu de faiblesse par les marchés et entretient la crise.

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