jeudi 28 juin 2012
Le destin de l'Europe est-il suspendu à l'état psychologique d'Angela Merkel ?
"Moi vivante, il n'y aura pas
d'eurobonds". La chancelière a catégoriquement rejeté mardi l'idée de
mutualisation des dettes avancée par Hollande. La politique allemande du
"nein" obsessionnel aux propositions européennes en général, et aux
propositions françaises en particulier, est-elle l'expression de la
personnalité, de ses convictions, ou simplement le reflet de la culture
allemande ?
L’intransigeance allemande, le « Nein »
obsessionnel de la Chancelière à toutes les propositions, aux
propositions Françaises en particulier, croissance, euro-bonds,
assouplissement vis-à-vis des Grecs, prennent une dimension tragique.
L’Allemagne est-elle sur le point de quitter l’Euro et l’Europe ? Le
veut-elle ? En prend-elle le risque lucidement et délibérément ? Est-ce
l’appel du vide ou la tentation d’une rupture : « du passé faisons
table rase ? ». Prétendrait-elle se débarrasser des chaines d’une
conception dépassée de l’Europe pour aller vers un futur européen riant
et heureux ?
Cette politique, est-elle,
celle personnelle, d’Angela Merkel ? La Chancelière exprimerait dans
une attitude cabrée, une personnalité, une culture et des convictions
essentielles. Ou bien, est-ce la traduction de ce que « tous les
Allemands » pensent ? Pourtant, cette expression même, « Tous les
Allemands », mérite qu’on s’interroge sur son vrai sens.
C’est
par là qu’il faut commencer pour comprendre : l’attitude de l’Allemagne
est-elle l’attitude de « tous les Allemands » ? « Tous les Allemands »
ont vécu une expérience « Union Monétaire ». Ils n’en sont pas morts,
ni ne se sont retrouvés ruinés mais la fusion des deux Allemagnes n’a
pas été un petit bout de chemin sympathique vers l’unité. Lorsque les
lumières de la fête unitaire se sont éteintes, le petit matin est
arrivé, blême et glacé.
Les Allemands de
l’Est, les «Ossi» », ont découvert un monde auquel ils ne s’attendaient
pas qui les a infériorisés et ruinés. Ils ont payé cher, moralement et
socialement, les paysages ensoleillés que leur annonçait H.Kohl. Les
Allemands de l’Ouest, les «Wessi» », quant à eux, ont payé pour
ensoleiller les paysages ! En vingt ans, 1300 milliards d’euro,
la moitié du PNB allemand de 2008, 65% de la dette publique allemande
auront été déversés sur l’Est de l’Allemagne, peuplée, aux yeux des
«Wessi» » de paresseux, d’incapables et de profiteurs. Aujourd’hui,
l’Unité allemande est faite des aigreurs de l’Est et des rancœurs de
l’Ouest.
Alors, payer pour les Grecs ? Peut-on
imaginer que les Allemands l’envisagent comme une bonne nouvelle ? Même
si l’addition est moins élevée?
Les «Ossi» ne
peuvent décemment pas prendre le problème grec à cœur. N’ont-ils pas
été, « les Grecs de l’Allemagne » ? La Chancelière Allemande est une
«Ossi». Elle a vécu cette contradiction sociale et morale : être
une «Ossi» pour qui le meilleur vient de l’Ouest et être considérée par
ses « compatriotes Wessi» comme membre d’une sous-catégorie
d’incapables et de paresseux. Par extension, la Chancelière ne
peut pas se présenter comme le défenseur d’une Europe ruinée et
malmenée. Une «Ossi» qui défendrait des frères en laxisme, laisser-aller
et amateurisme ! Y croirait-elle elle-même ? Toute attitude
compassionnelle ne lui est-elle pas interdite, à elle qui a peut-être
envie d’être réhabilitée pour devenir une authentique Allemande?
Les Allemands, «Ossi» ou «Wessi», n’ont pas envie de recommencer le film.
C’est
aussi une bonne occasion de rompre avec le passé ! Celui du poids des
responsabilités. Celui où il fallait se taire ou se limiter à dire
« oui » aux bonnes idées françaises. La Chancelière se conformant et
répercutant l’hostilité des Allemands à un nouvel effort pour une Union,
quelle qu’elle soit, leur permet de briser les chaînes de la Défaite
de 1945. La Chancelière se fait ainsi le héraut de trois
générations d’Allemands. Celle de l’après-guerre qui a dû dire pardon
pour les fautes des générations antérieures. La seconde, priée d’être
reconnaissante aux Alliés, à qui elle devait liberté et protection. La
troisième, celle de l’après Empire Soviétique, qui juge qu’elle ne doit
plus rien à personne et qui estime avoir assez payé, moralement et
économiquement pour tous. Ce n’est pas une mission difficile
pour elle : La chancelière ne doit rien aux Vieux Européens Occidentaux.
Elle n’était, pendant qu’ils construisaient l’Europe, qu’une «Ossi» » !
Cette politique de rupture que semble affectionner la
Chancelière ne serait alors que la façon nouvelle dont l’Allemagne
entend se comporter en Europe et, plus tard, dans le monde : elle
larguerait les amarres qui la retenaient encore prisonnière du passé et
appellerait les peuples et les gouvernements d’Europe à suivre l’idée
allemande, quitte à ce que cela soit dur au début et que cessent les
plaisirs de la facilité. Quand elle en appelle à davantage de
Fédéralisme, quand elle annonce que rien n’est plus possible sans Unité
renforcée, elle sait qu’elle prend à revers les Français qui ont
toujours voulu donner des leçons « d’européanisme » et les Anglais qui
n’en ont jamais voulu. Dans tous les cas, elle rompt avec les tenants d’une « vieille idée de l’Europe » comme avec ses « vieux adversaires ».
Ce
serait donc positif ? L’Allemagne, simplement, voudrait dire des choses
simples à l’Europe, pour l’Europe ! La Chancelière ne détruirait pas :
elle proposerait de construire le futur sur de nouvelles bases.
Mais
lesquelles ? Et quel futur ? La politique veut le bonheur des peuples.
Quel bonheur ? Parce que si on sait bien ce dont la Chancelière ne veut
pas et ce qu’elle ne veut plus, on ne sait pas ce qu’elle veut. Or, le
« plus de fédéralisme », ça ne se mange pas, ça ne donne pas de travail,
ça n’a jamais été une garantie de croissance économique. La Chancelière
a-t-elle seulement des idées précises sur ce que doit être l’Europe du
futur, cette « nouvelle Europe » que les Allemands appelleraient de
leurs vœux, qui serait meilleure et coûterait moins cher ?
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