TOUT EST DIT

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vendredi 11 mai 2012

Le pari absurde d’une croissance sans investisseurs et sans entrepreneurs

Trois grandes entreprises viennent d'annoncer leur volonté de délocaliser leur siège social au Luxembourg. La faute à un "choc fiscal" français, absurde face à nos voisins européens, qui décourage l'investissement. Pour récupérer ses 100 000 exilés fiscaux, la France va donc devoir remettre à plat sa fiscalité.
Eurofins Scientific, leader mondial dans les services bioanalytiques, 10 000 salariés ; Sword Group, 1 300 salariés, fournisseur de services informatiques et de logiciels; Storengy, filiale stockage gaz de GDF-Suez. Ces trois sociétés viennent d’annoncer leur intention de délocaliser leur siège social au Luxembourg.
Ces délocalisations sont désastreuses pour notre économie. Les emplois perdus ne se limitent pas à quelques dirigeants. Ils concernent les fonctions "tête de groupe" (comptabilité, droit, finance, marketing), les emplois des prestataires (consultants, avocats, experts comptables) ainsi que toutes les dépenses de services (restauration, transport, immobilier, nettoyage, etc.). Quelles que soient nos professions, nous pouvons tous en être affectés.

Un choc fiscal décourageant

Nos entrepreneurs qui espéraient un choc de compétitivité, anticipent désormais un choc fiscal de 29 milliards d’euros, baptisé « réforme structurelle », pénalisant autant les entreprises (réduction des exonérations de charges salariales, hausse des cotisations retraites, hausse de la CVAE) que les investisseurs qui risquent de supporter des taux de prélèvements confiscatoires, supérieurs à leurs revenus !
En effet, si l’on combine les taux marginaux de prélèvements annoncés avec le rétablissement du barème ISF antérieur et une nouvelle tranche à 45% de l’impôt sur le revenu, on aboutit à de réelles « aberrations » fiscales pour les tranches les plus élevées, c’est-à-dire à un impôt supérieur au revenu.
Le rétablissement envisagé d’un plafonnement de l’impôt à 85% des revenus constitue la reconnaissance de ce constat attristant. Ce choc fiscal ne peut en effet qu’accélérer le mouvement d’expatriation qu’avait largement amorcé l’instauration de l’ISF.

L’ignorance absurde et dommageable de la concurrence fiscale dans une Europe ouverte

Si la Grande Bretagne baisse ses taux d’imposition, ce n’est pas seulement pour faire plaisir à ses riches, c’est aussi pour rester une place financière mondiale attractive et inviter les investisseurs à venir s’y installer. Si l’Irlande fixe un taux d’IS de 13%, ce n’est pas seulement pour faire plaisir aux patrons d’entreprises mais bien pour en capter le plus grand nombre possible sur son territoire.
Les comparaisons en Europe, quel que soit l’impôt, nous sont très défavorables. Entraînés par une dépense publique insatiable, nos dirigeants choisissent la démission : ils renoncent à l’effort et surtaxent, provoquant inexorablement un exode. Plus que jamais, notre fiscalité constitue une machine infernale à exporter les capitaux, les entreprises et les emplois. Au vu des conséquences des départs des français parmi les plus entreprenants et les plus fortunés, il s’agit d’un choc national équivalent à la révocation de l’Edit de Nantes.
Selon l’économiste Christian Saint-Etienne, l’ISF nous a coûté 0,3% de croissance annuelle depuis douze ans, ce qui représente 500 000 emplois perdus. D’après ses estimations, 20 000 chefs d’entreprise se sont expatriés sur la période 1997-2009, ce qui représente une perte de capital productif de 300 Mds€  en douze ans et ce qui explique largement notre déficit en PME.
Ces chiffres sous-estiment probablement le phénomène si l’on observe le fait que la Belgique compte environ 60 000 exilés français pour des raisons fiscales (sur 110 000 expatriés inscrits volontairement au consulat) selon le cabinet d’avocats bruxellois Dekeyser & Associés spécialisé dans les questions d’expatriation ou que sur les 5 500 fortunes étrangères imposées « au forfait » en Suisse, 2 000 sont d’origine française et que 44 exilés français figurent parmi les 300 premières fortunes suisses.
Déçus par la droite, paniqués par la gauche, entrepreneurs et investisseurs sont, on le constate, de plus en plus nombreux à s’exiler si l’on en croit la forte accélération du nombre de Français inscrits au registre consulaire en 2011 dans les pays les plus accueillants fiscalement (les inscriptions étant optionnelles, ces chiffres sous-estiment évidemment la réalité des expatriations) :
- Suisse : 155 743
- Royaume-Uni : 123 306
- Etats-Unis : 122 686
- Belgique : 109 426
- Maroc : 44 000
- Luxembourg : 22 720
Au vu de ces chiffres, on peut estimer entre 50 000 et 100 000 les français qui résideraient à l’étranger pour des raisons fiscales (qui ne peuvent être confondus avec des expatriés pour raisons professionnelles) privant ainsi notre pays de ressources, de capital et d’emplois. Si l’on fait l’hypothèse minimale d’une perte fiscale moyenne de 40 000 euros par expatrié (évaluation basse), on aboutit au total à une expatriation de recettes fiscales annuelle comprise entre 2 et 4 milliards d’euros.

Le déni stupéfiant des autorités françaises

Les autorités françaises, incapables de remettre en cause leurs mesures, ont toujours sous-estimé l’exil fiscal en ne recensant que les exils des Français redevables de l’ISF et non ceux des chefs d’entreprise propriétaires de leur outil de travail et donc non redevables de l’ISF. Pourtant, ce sont ces départs qui sont les plus pénalisants pour notre économie. L’entrepreneur qui émigre en Belgique pour bénéficier de l’absence d’impôt sur les plus-values lors de la revente de son entreprise n’est pas comptabilisé.
De la même façon, ces entrepreneurs qui créent désormais leur entreprise à l’étranger pour échapper au poids de notre fiscalité, ne sont pas reconnus alors qu’ils représentent deux expatriés sur dix selon l’enquête 2012 de Mondissimo.
Tant que la France ne se sera pas attaquée à sa dépense publique qui figure parmi les plus élevées du monde (56,6% du PIB contre 47,9% pour l’Allemagne qui bénéficie pourtant d’une qualité de services publics et administratifs au moins équivalente à la nôtre), elle sera ainsi obligée de multiplier les prélèvements sur les entrepreneurs et les investisseurs au risque de les faire fuir.
Tant qu’elle sera mue par une conception de l’égalité républicaine dévoyée, elle bridera son potentiel de création de richesse et fera la fortune de ses concurrents européens.
Avec l’annonce d’un taux d’impôt sur le revenu à 75%, la France va entrer dans une zone de turbulence, une période où les investisseurs vont avant tout se préoccuper de mettre à l’abri par tous les moyens leur capital et leurs revenus au lieu d’entreprendre et de créer de la richesse. Il faut rappeler que les 36 000 foyers les plus aisés (soit 0,1% des ménages) acquittent 14,3% de la totalité de l’impôt sur le revenu collecté alors qu’ils ne représentent que 1,9% des revenus des Français, et que ces revenus proviennent à plus de 50% du capital. Or, nous avons besoin de capital pour investir, créer des emplois, financer nos déficits publics… Faute d’entrepreneurs et d’investisseurs, ni les recettes fiscales, ni la croissance ne seront au rendez-vous.
Cette nouvelle période de turbulence doit être pour la société française l’occasion de réfléchir à une remise à plat de notre fiscalité.
Aligner l’imposition du capital sur le travail, d’accord. Mais faisons-le réellement, c’est-à-dire en intégrant :
- la dévalorisation du capital par l’inflation (pour les revenus obligataires, les plus-values mobilières et immobilières)
- le téléscopage dramatique de l’ISF avec celui de l’impôt sur le revenu en évoluant, comme aux Pays-Bas, vers un seul prélèvement fixe modéré
- le cumul de l’impôt sur les sociétés avec l’impôt sur le revenu qui nécessite une neutralisation de l’impôt sur les sociétés par un avoir fiscal à 100%
- en fixant une limite maximale aux prélèvements fiscaux, à 50% des revenus, règle qui devra être intégrée dans la Constitution pour garantir la stabilité fiscale demandée par les investisseurs et nos expatriés fiscaux.
Enfin, pour retrouver stabilité et modération fiscale nécessaire à la croissance, la France doit engager une réduction courageuse de sa dépense publique.

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