TOUT EST DIT

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mardi 15 mai 2012

"La faute à Sarko !" ou comment faire durer l'antisarkozysme jusqu'aux législatives ?

D’un François, l’autre

Après la défaite de son rival, François Hollande risque d'être dépossédé de son argument fatal : l'antisarkozysme. Comment poursuivre la critique de Sarkozy, sans Sarkozy ?
On le sait depuis Machiavel : le sens de l’opportunité, la gestion de Dame Fortune, est la vertu (virtù) cardinale en politique. François Mitterrand, l’un de ses plus fidèles disciples – on connaît son surnom mérité de « Florentin » – en a donné d’innombrables preuves, lui permettant de rebondir du fin fond de l’impopularité jusqu’à la réélection triomphale et à la sanctification post-mortem.
 
Il ne serait pas très difficile de démontrer que c’est probablement un mauvais timing qui a coûté la dernière présidentielle à Nicolas Sarkozy, risque évoqué par ce blog, il y a de longs mois déjà [1].
 
Mais une chose est sûre, comme on l’avait également remarqué ici, on retrouve chez François Hollande, le remarquable sens de l’opportunité de son prédécesseur socialiste, avec lequel son mimétisme, tant cultivé et tant relevé, n’est pas que de façade… Son admirable gestion du temps, aussi bien lors des primaires que lors du débat de second tour, aura été le signe le plus éclatant de cette maîtrise qui lui aura donné la victoire [2].
 

Comment faire de « l’antisarko » sans « Sarko » ?

Oui mais voilà : comment faire maintenant ? La défaite de Nicolas Sarkozy ne retire-elle pas au nouveau président son arme fatale ? La crédibilité de François Hollande, à ce point fondée sur le rejet de son rival, ne va-t-elle pas être victime d’un formidable trou d’air ? Autrement dit, Sarkozy disparu –d’autant que son retrait de la vie politique sera pour le moins durable- que reste-t-il de l’antisarkozysme ? La médiocrité, peu relevée, des deux discours du frais élu, pourtant si bon orateur, tant à Tulle qu’à la Bastille, le soir de la victoire, ne s’explique pas autrement.
 
Comment donc rebondir, surtout quand les données têtues de l’élection et du contexte général ne laissent augurer d’aucun état de grâce ?
 
Eh bien, de la manière la plus simple et la plus logique : en prolongeant au maximum, au moins jusqu’aux législatives, le bénéfice de la ressource politique sans égale qu’est l’antisarkozysme. Un coup d’œil sur le calendrier montre clairement la stratégie qui s’amorce :
 
1 / L’audit de la Cour des comptes sur l’exécution budgétaire 2012 annoncée par François Hollande parmi ses toutes premières décisions. Dans la plus pure tradition mitterrandienne là encore  ("Commission du bilan en 1981"), le nouveau président va pouvoir continuer à blâmer la gestion de son prédécesseur en prenant l’opinion publique à témoin du "délabrement de la situation". Certes, le rapport ne sera remis que fin juin, c’est-à-dire après les législatives : mais justement la date présente un double avantage : pas de mesures impopulaires avant les élections mais –soyons en sûrs – des "révélations", plus désolantes les unes que les autres pendant la campagne…
 
2 / Le rebondissement de l’affaire Karachi : le déclassement immédiat de nombreux documents "secret défense" annoncé par François Hollande laisse présager une accélération de l’instruction confiée à un juge dont le zèle est connu. Nul doute que la polémique va repartir de plus belle et que l’amalgame aussi atterrant que constant entre l’assassinat des ingénieurs français, et le financement de la campagne d’Edouard Balladur -donc le nom de Nicolas Sarkozy- va revenir en boucle. Peu importe que sur le fond de l’affaire, il n’y ait aucun rapport logique possible entre versement éventuel de rétro-commissions et l’attentat…
 
3 / La multiplication des plans sociaux : d’Air France- KLM à Peugeot, de SFR à Carrefour, la liste est longue des plans sociaux attendus dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Accompagnée d’éléments de langage très prévisibles : on aura "dissimulé la vérité aux Français" ; on aura "retardé les plans sociaux pour des raisons purement électorales",  etc…Qu’importe, là encore, si le vrai enjeu est dans ce que nous disent ces plans sociaux sur l’état structurel de l’économie française et de son insuffisante compétitivité !
 
C’est ainsi que l’antisarkozysme pourrait avoir encore de beaux jours devant lui, même si le principal intéressé aura tout fait, par l’annonce de son retrait, pour le retirer de la problématique des législatives.
 

Quid de l’international ?

Reste un dernier défi de taille lancé par Dame Fortune à la nouvelle équipe : les grands rendez-vous européens et internationaux dont beaucoup auront lieu avant les élections : rencontre avec Madame Merkel, G8, OTAN, etc. Les analyses qui dominent actuellement sur "l’isolement de madame Merkel" ou "la bienveillance de Barack Obama", pourraient bien relever du pur wishful thinking. Et l’antisarkozysme se révéler d’un pauvre secours en la matière, le président sortant ne nous ayant pas précisément fâchés avec l’Allemagne, l’Europe et les Etats-Unis…
 
Mais sait-on jamais ? L’imagination rhétorique est sans limite et l’on trouvera bien le moyen, en cas d’échec, de l’imputer à la "dégradation de la position de la France à cause de Nicolas Sarkozy"
 
Reste encore que le président van Rompuy vient de rajouter un nouveau "mur" à cette course d’obstacles et un nouveau défi à cet arsenal d’excuses rhétoriques : sommet européen informel fin mai donc, là encore, avant les législatives. Reste surtout que la crise grecque vient de rebondir violemment le jour même de l’élection française. Décidément, Dame Fortune a décidé d’éprouver d’entrée de jeu toute la virtù de François Hollande !
 
Cet article a été préalablement publié sur le blog "Trop Libre", fondé par David Valence et Christophe de Voogd.

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