TOUT EST DIT

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dimanche 29 avril 2012

Laissons l’Allemagne commander !

Plutôt que de rêver d'une Union fédérale à la merci de pays démocratiquement et économiquement peu performants, mieux vaudrait renforcer le rôle des Etats les plus vertueux et leur confier la direction des affaires, argumente un politologue néerlandais. 

Maintenant que la crise financière en Europe semble provisoirement conjurée, les idées se libèrent prudemment sur l’avenir de l’Union européenne. En Allemagne, tout particulièrement, le débat est déjà bien engagé. Angela Merkel souhaite remplacer le traité de Lisbonne et mettre en œuvre “des réformes structurelles majeures”. Et le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, s’exprime en faveur d’une nouvelle “constitution européenne” avec des caractéristiques supranationales fortes. La députée européenne Sophie in 't Veld [membre du D66, de centre gauche néerlandais], plaide elle aussi, dans le Volkskrant, pour une “puissante union politique”, la suppression des “vetos bloquants” et un président de la Commission européenne élu au suffrage direct.
Des recettes connues, extraites de la vieille boîte à idées fédéraliste. Il est pourtant grand temps de remiser cette boîte au grenier. L’Allemagne a en effet montré pendant la crise financière que son poids économique et politique en Europe peut tourner à son avantage. Aussi, plusieurs principes sur lesquels s’est appuyée l’intégration européenne d’après-guerre sont-ils en grande partie dépassés.

L'Allemagne, longtemps trésorière de l'Europe

Cela concerne, en premier lieu, l’idée selon laquelle l’intégration européenne est nécessaire afin de maîtriser l’Allemagne. Cette motivation était sans aucun doute légitime, juste après la guerre, mais le contrôle de l’Allemagne à l’aide d’institutions européennes (supranationales) présentait avant tout un intérêt économique pour la France. Les traités européens servaient, au sein d’un marché commun, à protéger l’agriculture et l’industrie françaises du dynamisme des exportations allemandes. Pendant des décennies, une République fédérale consciente de sa faute a, sous la pression (morale) de la France, fait fonction de Zahlmeister, de trésorière pour l’Europe.
Il est ressorti très clairement du déroulement de la crise financière que ce sont les chefs de gouvernement européens qui font la pluie et le beau temps à Bruxelles. Dans la hiérarchie européenne, le Conseil européen constitue la direction de l’UE, dont Herman Van Rompuy est le secrétaire ; le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, est son assistant. Il serait donc un peu curieux d’élire ce dernier au suffrage universel, comme le souhaitent les néo-fédéralistes à Berlin et à Strasbourg. Il serait plus logique de continuer à renforcer le Conseil européen, en obtenant cependant plus de garanties pour les petits pays.
Une “union politique” peut paraître attrayante, mais elle englobera inévitablement aussi des Etats membres de l’UE plus faibles, qui ne s’illustrent pas dans des domaines comme la lutte contre la fraude, la corruption, le pluralisme, l’ouverture et la liberté de la presse. La France et l’Italie, par exemple, les deux plus grandes économies de la zone euro après l’Allemagne, passent auprès de l’ONG américaine Freedom House pour des “démocraties défectueuses” (flawed democracies), et non pour des démocraties à part entière. L’Italie, du fait du conflit d’intérêt dans le pays entre les autorités et les médias [sous Berlusconi], n’est qualifiée que de “partiellement libre” et se retrouve, avec la Bulgarie et la Roumanie, également membres de l’UE, dans la même catégorie que l’Indonésie et le Bangladesh.

“Eveil allemand”

Sur ces aspects, les Pays-Bas enregistrent un score nettement supérieur à la moyenne européenne. Ils sont, selon Freedom House, la démocratie parlementaire qui obtient les meilleurs résultats sur les dix-sept pays de la zone euro (l’évaluation a été réalisée en 2010 et elle tient par conséquent compte du soutien du populiste Geert Wilders au gouvernement). Il n’est donc pas vraiment tentant, pour les Pays-Bas, de partager le pouvoir à Bruxelles avec des pays qui, sur le plan de la démocratie et de l’exercice du pouvoir, ne sont guère performants.
Tant que l’on s’en tient au commerce et à la composition des barres de chocolat, cela n’a rien d’insurmontable. Mais il en irait tout autrement si, au sein d’une véritable union politique, des Etats membres dont les pratiques démocratiques laissent à désirer mais qui sont majoritaires, prenaient les décisions sur les impôts, le budget ou les retraites. Sans parler de l’euthanasie et d’autres sujets qui tiennent à coeur des Pays-Bas et qui pourraient faire l’objet d’un “véto bloquant”.
A Berlin, on prend à présent conscience que l’Allemagne peut et doit jouer un rôle de leader en Europe. Ulrike Guérot, du think tank European Council on Foreign Relations, parle à ce propos d’un “éveil allemand” et même d’une “catharsis”. Mais elle n’ose pas encore en tirer la conclusion logique : avec un tel leadership, il faudrait une autre organisation de la coopération européenne. Avec moins d’éléments fédéraux, et plus de place pour un rassemblement des forces des Etats européens les mieux qualifiés dans une économie mondiale ouverte.
La mise en forme politique de la future coopération européenne ne doit plus être prise en otage par le passé de l’Allemagne pendant la guerre. A Berlin et à Strasbourg, il va falloir qu’ils se réveillent pour s’en rendre compte.

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