TOUT EST DIT

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mardi 10 janvier 2012

Trop petites, nos régions ?

C'est un vieux refrain. Il a repris de la vigueur récemment lors de l'élaboration du projet de réforme territoriale : les régions françaises sont trop petites face à leurs homologues européennes. Il faudrait donc en réduire le nombre pour qu'elles atteignent une mythique « taille standard européenne » leur permettant de s'affirmer. Passons de vingt-deux régions métropolitaines à quinze, disent certains ; voire à huit, disent d'autres ; et même, pourquoi pas à quatre, ajoutent les plus téméraires...

L'Ouest n'échappe pas à ce constat de faiblesse. Pour y remédier, toutes sortes de scénarios sont échafaudés : les deux Normandie pourraient fusionner ; la Loire-Atlantique rejoindre la Bretagne ; Basse-Normandie, Pays de la Loire et Bretagne ne faire plus qu'une seule région, etc. On manie les ciseaux dans tous les sens...

Mais il y a un « hic » : sur quel critère peut-on s'appuyer pour dire que nos régions de l'Ouest sont trop petites ? Leur superficie ? Non : elles supportent même plutôt bien la comparaison. La Bretagne, qu'on dit souvent trop étroite, est plus vaste que chacune des régions belges ou hollandaises, mais aussi que la plupart des régions allemandes ou italiennes ou même que l'État du Mississippi !... Leur démographie ? Pas davantage : les Pays de la Loire, souvent présentés comme de taille trop modeste, sont plus peuplés que la Galice ou le Pays Basque. Et la Basse-Normandie compte presque autant d'habitants que bien des pays de l'Est (Lettonie, Slovénie, Estonie...) Leurs productions ? Toutes les statistiques montrent que nos régions supportent aisément la comparaison... Bref, sur la base de tous ces critères, les territoires de l'Ouest ne sont ni plus petits ni plus grands que la moyenne européenne.

En revanche, il existe une mesure qui traduit, mieux que toute autre, la vraie taille des régions : c'est l'importance de leurs pouvoirs et de leurs budgets. Là, effectivement, nos régions apparaissent comme des nains. Dans les nations où l'État est très centralisé et délègue peu de compétences, comme en France, les ressources des régions sont automatiquement limitées, puisque leurs obligations sont faibles ; inversement, au coeur des nations décentralisées, où l'État fédéral a transféré bon nombre de ses prérogatives aux régions, leurs ressources soient importantes.

Il apparaît ainsi que le gabarit-type de la « région européenne » n'existe pas. La vraie dimension d'une région est avant tout affaire de pouvoirs, c'est-à-dire d'aptitude à définir des stratégies et de capacité à les mettre en oeuvre. Cette dimension peut s'estimer, d'une part, à l'aune de l'ampleur des compétences qui leur sont attribuées (enseignement, santé, infrastructures...), d'autre part, au regard de la réalité des pouvoirs qu'elles détiennent, tant sur le plan juridique (peuvent-elles s'imposer aux autres collectivités ou édicter des normes ?) que sur le plan financier (possèdent-elles une autonomie fiscale ? Peuvent-elles lever des impôts ?).

Vouloir accroître la taille des régions, au prix de redécoupages, réunifications ou fusions en tous genres, est certes concevable, mais ce serait en pure perte si on n'accroissait pas simultanément leurs compétences et leurs pouvoirs : « Trois grenouilles, même bien gonflées, n'auront jamais la puissance d'un boeuf. » En France, toute évolution dans ce sens constituerait évidemment un profond changement dans notre organisation politique et territoriale.

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