TOUT EST DIT

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samedi 21 janvier 2012

L’arabisme n’est plus : voici l’oumma

Beyrouth, le 19 janvier 2012, 23 h. – C’est ce samedi 21 janvier que débutera le démantèlement du principal pont qui mène de Beyrouth vers Jounieh sur cet axe vital que les Libanais osent appeler « l’autoroute » Beyrouth-Tripoli. Conséquence immédiate de l’effondrement de l’immeuble d’Achrafieh dimanche dernier. Cela fait des années que nous savons que ce pont de Jal-El-Dib risque de s’effondrer à n’importe quel moment. Le trafic y est toujours aussi dense. Je l’ai même emprunté aujourd’hui. Nous n’avons guère le choix d’ailleurs. A partir de la semaine prochaine commenceront deux ans de très longs travaux, et pour les automobilistes qui n’ont pas d’autre choix, des heures noires au volant de leurs voitures. Ce pont est vraiment à l’image du pays. Mais là n’est pas vraiment mon propos de ce soir.

Notre actualité reste et demeure la Syrie, les suites des élections en Egypte, en Tunisie, la situation chaotique en Libye, la victoire réelle, certaine ou annoncée des Frères musulmans, la présence et le rôle incontournables de la Turquie sur la scène proche-orientale !

L’analyse du dernier discours de Bachar el-Assad nous a frappé par l’usage immodéré du terme « arabisme ». Mot devenu rare chez lui depuis son étroite alliance avec l’Iran. Avec les Perses comme l’axe adverse les nomme. « Arabisme », concept inconnu aussi dans les slogans et discours des révolutionnaires en Egypte, en Tunisie ou encore en Libye, mais que l’on retrouve encore au sein du Conseil National Syrien qui milite pour une « République arabe syrienne », perdant du même coup, comme nous l’avions vu la semaine dernière, le soutien de l’opposition kurde. Et le fléau de la balance de l’histoire penche inexorablement vers l’islamisme des Frères musulmans. Comme une revanche.

Quand à la fin du XIXe siècle l’Empire ottoman vit ses dernières heures, des voix turques se lèvent pour tenter de sauver l’empire au nom du Califat, au nom de l’islam… mais l’heure était aux nations. Au droit des peuples de disposer d’eux-mêmes. A Istanbul les Jeunes-Turcs prennent le pouvoir et abolissent tous les particularismes qui avaient permis aux nations de l’Empire de survivre. Les millets n’existaient plus. Et les Chrétiens en seront les premières victimes. Reconnus citoyens ottomans, alors que l’islam ne leur reconnaissait qu’un droit d’étranger vivant sur le territoire de l’empire, ils seront massacrés et les dates s’égrènent en un chapelet sanglant : 1840, 1860, 1905, 1915… et je ne les cite pas tous.

L’empire se disloque et les Etats du Proche-Orient sont créés. Ils n’ont pas d’histoire propre. Ce sont des parcelles d’empire. Seules ont une histoire les communautés qui les composent, leurs villes – les mortes et les autres – qui furent des royaumes… Mais ils ont un idéal, une « identité » : ils sont arabes. Les Ottomans sont turcs. Et au nom de cette arabité ils se sont battus contre les Ottomans. Oubliant en chemin que ce concept d’arabité avait été mis en avant par les Chrétiens qui se cherchant un point commun avec leurs voisins musulmans ont trouvé l’arabité. Les Ottomans pendront pour trahison des Chrétiens et des Musulmans à Damas comme à Beyrouth.

Peu à peu, les mots en isme étant la règle, c’est au nom de l’arabisme que les révolutions se firent au Caire avec Nasser, à Tripoli avec Khadafi, à Damas avec Assad Père… et à Bagdad, Saddam Hussein étant alors le vice-président de l’Irak. Nous étions loin de ces années d’entre-deux guerres où tout semblait encore possible. Ces révolutions et ces dictatures qui s’installent marquent toutes des dates noires pour les Chrétiens qui partent alors en masse pour les Amériques, l’Europe et l’Australie… Pour durer, ces dictatures n’hésiteront jamais à prendre à leur compte le discours et la logorrhée de leur principal ennemi, l’islam pur et dur des Frères musulmans.

Aujourd’hui la confrérie des Frères musulmans n’attend plus que la chute d’Assad. Et les rêves d’Oumma des Tunisiens et des Libyens seront alors possibles. Les rêves d’empire des Turcs aussi. Il n’est plus de mise aujourd’hui de se souvenir qu’ils ne sont pas arabes. Ils sont musulmans et puis c’est tout. Ils ont la puissance militaire et économique et même culturelle (!) : les feuilletons turcs sont sur toutes les chaînes, doublés en arabe.

Et encore une fois se pose la question de la place des Chrétiens dans le monde arabe de demain devenu un monde d’abord musulman…

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