TOUT EST DIT

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lundi 30 janvier 2012

La fin d'un quotidien national, symptôme d'une presse malade

C'est la dernière édition papier de « La Tribune ». Érosion des ventes, chute de la publicité, coûts de distribution et de fabrication, montée en puissance du Net sont autant de raisons expliquant les pertes de la presse quotidienne nationale.

Et de deux. Après « France-Soir » en décembre, au tour de notre journal « La Tribune » de publier sa dernière édition papier. Ces deux arrêts, coup sur coup, témoignent de la violente crise qui s'est abattue sur la presse quotidienne nationale depuis quelques années. Tous les titres souffrent : « Les Échos » et « L'Équipe », qui furent longtemps les seuls à gagner de l'argent, sont dans le rouge. « Le Monde » a dû sacrifier son indépendance pour éviter le dépôt de bilan, et appartient désormais à trois acteurs économiques, Xavier Niel (Free), Matthieu Pigasse (banque Lazard) et Pierre Bergé. Même le groupe Amaury a songé à se séparer du « Parisien-Aujourd'hui en France » l'an dernier. « Libération », qui a été mis sous sauvegarde par deux fois, se redresse mais reste fragile. Si le groupe « Le Figaro » gagne de l'argent, le quotidien est déficitaire. Système de fabrication obsolète et sous-capitalisation chronique, Internet a fait ressortir les faiblesses ancestrales de la presse quotidienne française.
La diffusion s'érode
Depuis les années 1960, la diffusion des quotidiens nationaux n'a cessé de reculer. Si un média n'en a jamais tué un autre, l'arrivée de la radio, puis de la télévision, a eu un impact direct sur la place des journaux dans l'information. L'émergence d'Internet a accéléré le phénomène : le citoyen accède sur la Toile à une multitude d'informations rendant chaque jour moins nécessaire l'achat d'un quotidien. Or les ventes des titres rapportaient encore, il y a quelques années, plus de la moitié du chiffre d'affaires total des journaux. Aujourd'hui, non seulement les journaux n'ont plus le monopole de l'information, mais, en plus, cette dernière est désormais gratuite. Dans ce paysage, « La Tribune », qui a longtemps cherché sa place face aux « Échos », a dû affronter une concurrence chaque jour renforcée sur le Web. « La presse est en passe de devenir le seul média d'information payant », notait le rapport Tessier de 2007.
Fonte des revenus
C'est le corollaire de la baisse de la diffusion. Entre 2004 et 2010, les recettes commerciales des quotidiens ont reculé de 28 %, selon l'Irep. La crise de 2009 a marqué un tournant important : l'annonceur n'est plus prêt à dépenser autant. Les revenus publicitaires du Web, bien qu'en forte croissance, ne parviennent pas à compenser l'érosion du chiffre d'affaires papier. Car sur la Toile, les tarifs sont très inférieurs. Autre problème, spécifique à la presse économique : les revenus de la pub financière, qui représentaient 70 % du chiffre d'affaires commercial de « La Tribune » en 2000, sont en train de disparaître.
Un premier décrochage est intervenu après l'éclatement de la bulle Internet, en 2001 : moins d'introductions en Bourse et des entreprises qui se tournent peu à peu vers le Web, moins onéreux, pour leurs communications légales. Le coup de grâce arrive en 2007, avec la transposition de la directive Transparence, qui oblige les sociétés cotées à communiquer sur support électronique. Ont alors fleuri des plates-formes comme Business NewsWire ou PR Newswire qui proposent la diffusion de communiqués financiers moyennant un abonnement de 3.000 à 4.000 euros par an, alors que les journaux facturent des campagnes plusieurs dizaines de milliers d'euros. Le petit actionnaire individuel se raréfiant, beaucoup d'entreprises cotées se contentent désormais de ces services. « La Tribune » n'est pas la seule touchée. « Les Échos » sont en perte depuis 2008, « Le Journal des finances » a été fondu dans l'hebdomadaire patrimonial « Investir », lui-même en difficulté.
Lourdeur du processus de fabrication et de distribution
La sous-capitalisation de la presse française s'explique d'abord par la lourdeur de ses coûts de distribution et surtout d'impression, qui représentent la moitié du prix de vente d'un quotidien, selon un rapport du Sénat de 2007. Héritage de la Libération, le Livre CGT possède toujours un quasi-monopole d'embauche dans les imprimeries de la presse quotidienne, un système unique en Europe. Il gère les effectifs et impose sa grille de rémunérations. Le Livre est aussi présent au sein du système de distribution de Presstalis (ex-NMPP) aujourd'hui au bord du dépôt de bilan. Au final, les quotidiens français sont les moins rentables d'Europe au niveau opérationnel - ce qui tend à n'attirer que les investisseurs en quête d'influence et non des industriels du secteur. Chroniquement déficitaires, les quotidiens n'ont pu ni investir dans l'offre éditoriale, ni anticiper les mutations technologiques.

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