TOUT EST DIT

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mercredi 7 décembre 2011

CE de la RATP: pourquoi tout le monde a fermé les yeux

Après celui d'EDF ou d'Air France, c'est au tour du comité d'entreprise de la RATP d'être épinglé par la Cour des comptes. Une enquête pénale a même été ouverte. Reste à savoir si elle pourra mettre un terme à des pratiques régulièrement dénoncées mais jamais encadrées.

Et un de plus. Ce mardi, c'est le comité d'entreprise de la RATP, qui, après celui d'EDF, d'Air France ou encore de France Télécom, s'est fait épinglé par la Cour des comptes. Il est accusé par les magistrats de la rue Cambon de malversations, de mauvaise gestion et de détournements de fonds. "Les constats sont accablants et les dysfonctionnements généralisés", dénonce le rapport. Selon le Parisien qui a révélé l'information, des millions d'euros auraient disparu des caisses du CE, l'un des plus riches de France.
Dans le détail, tout a été passé au crible, de la gestion de la restauration collective (surfacturation des services, problèmes d'hygiène), à la gestion de l'activité vacances (anomalies dans la conduite des travaux, absence d'appels d'offres), en passant par les autres activités sociales et culturelle (dépenses exorbitantes pour certains évènements, disparition d'encaisses). La conclusion de la Cour est sans appel : "le caractère systématique des pratiques constatées, quel que soit le secteur d'activité analysé, conduit à penser qu'ils ne sont la conséquence ni de hasards malheureux, ni de défaillances humaines", estime ainsi le rapport.
Un système connu de la direction Côté direction, on se défausse de toute responsabilité. "La RATP ne dispose d'aucun instrument légal pour exercer un éventuel contrôle a priori", indique la direction, en déplorant que les comités centraux d'entreprise n'aient "pas l'obligation de faire certifier leurs comptes". Difficile pourtant de croire en l'ignorance affichée de la direction.
Selon les informations de L'Expansion.com, en février 2010, le PDG de l'entreprise aurait commandé un rapport d'audit à l'Inspection générale de la RATP sur la gestion du comité d'entreprise. On y retrouve les mêmes chiffres que ceux révélés par la Cour des comptes : le CE de la RATP est l'un des mieux doté de France (5,17 millions d'euros) après celui de la Poste, et d'EDF (270 millions d'euros) avec 113 euros en moyenne par salarié, soit 0,3% de la masse salariale. En y ajoutant les activités sociales et culturelles également gérées par le CE, la subvention totale s'élève à 53,7 millions d'euros, soit 3,11% de la masse salariale brute.
Mais ce n'est pas tout. Selon cet audit, la direction aurait tout fait pour "acheter " la paix sociale. Subventions indues, trafic de chèques syndicaux... l'audit interne, qui n'a jamais été rendu public, révèle que 37 millions d'euros auraient été versés en 2009 aux instances représentatives du personnel, dont 18 millions environ au terme de pratiques "opaques" et largement dérogatoires par rapport au droit commun. Pour ainsi dire illégales.
En réalité, à la RATP, comme dans d'autres grandes entreprises publiques, on préfère fermer les yeux sur ces dysfonctionnements. Régulièrement la Cour des Comptes épingle des entreprises comme EDF, la SNCF ou encore Air France en raison de la gestion douteuse de leur comité d'entreprise. Et depuis des années maintenant qu'elle fait le même constat, rien ou presque n'a bougé. En guise de justification, on invoque la paix sociale, plus importante apparemment que quelques milliers, voire millions d'euros égarés par ci par là. "Un système de fuite des fonds" que dénonce d'ailleurs la Cour des comptes, sans toutefois en désigner les destinataires. "Tant qu'on ne limitera pas le montant des subventions versées aux CE, et qu'on ne fera pas auditer leurs comptes, il n'y a aucune raison que les choses changent ", s'indigne Agnès Verdier-Molinié, vice-présidente de l'Ifrap, un think-thank libéral sur l'efficacité de l'action publique.
La justice prendra-t-elle le relais? Or c'est bien là tout le problème. L'Etat ne semble pas prêt à remettre en cause le fonctionnement de ces comités d'entreprises, éminemment puissants. Malgré les déclarations officielles, il privilégie un statu quo dont on se demande quelles sont les contreparties. Récemment, le député centriste Nicolas Perruchot, a rendu un rapport de la commission d'enquête parlementaire sur le financement des organisations patronales et syndicales. Il y détaille le système de financement des syndicats (les cotisations syndicales ne représentent que 3 à 4% des budgets des grandes organisations syndicales ouvrières), qui selon lui n'est pas tellement propice au changement. Or première en France, le rapport n'a même pas eu la chance d'être publié, une majorité des députés, UMP compris, ayant voté contre. "C'est très grave. En France, dès qu'on évoque l'argent des syndicats tout le monde ferme les yeux", témoigne à L'Expansion.com Nicolas Perruchot.
Alors, les choses finiront-elles un jour par changer? Aujourd'hui, le seul espoir réside du côté de l'institution judiciaire. Chose rarissime, la Cour des Comptes a en effet réclamé ce mardi que la justice pénale soit saisie dans l'affaire de la RATP. Quelques heures plus tard, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour "abus de confiance, mise en danger de la vie d'autrui, délit d'entrave et faux"..

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