TOUT EST DIT

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samedi 8 octobre 2011

Ivan Levaï, dernier avocat de Dominique Strauss-Kahn

Il ne lui consent qu'une faute. Ne lui adresse qu'un seul reproche, et encore, glissé du bout des lèvres. "Dominique, je lui en veux d'avoir fait pleurer Anne. Je ne supporte pas de voir une femme pleurer." Ivan Levaï a posé sur la table du bistrot Chronique d'une exécution (Cherche Midi, 190 p., 15 €), le livre qu'il vient d'écrire, au fond, pour Anne Sinclair, cette ex-femme qu'il appelle sa "soeur". Sur la couverture de l'ouvrage sourit un Dominique Strauss-Kahn du temps de sa splendeur. Sans menottes. Un DSK d'avant ce 14 mai, jour où ce scandale planétaire a étêté d'un même coup le Fonds monétaire international (FMI), la gauche française... mais aussi cette "famille recomposée" où lui, Ivan Levaï, tient la place étrange du confident, de l'ex-mari, du tuteur, du journaliste politique, du grand-père et du lobbyiste.

Il a posé un autre livre devant lui : Le viol, un crime presque ordinaire, de deux femmes, Audrey Guiller et Nolwenn Weiler, à paraître le 20 octobre au Cherche Midi (224 p., 15 €), son éditeur. "Notre société a une fâcheuse tendance à excuser les violeurs", énonce l'argumentaire. Qui égrène : "Une femme sur six victime de viol ou de tentative aujourd'hui en France"... "Moins de 10 % d'entre elles portent plainte..." De ces statistiques, Ivan Levaï n'a retenu qu'un chiffre : 10 % des plaintes concernent d'abord des viols imaginaires. C'est à ce pourcentage et à son "intime conviction" qu'il s'accroche. "Sur Dominique, j'ai le regard de nos enfants qui est un éclairage intéressant. C'est un bon père et un bon grand-père." Et, puis, surtout, une certitude : "Anne ne resterait pas avec un violeur."
En trente-cinq ans, Ivan Levaï ne s'est jamais éloigné d'elle. Quand la star de "7 sur 7" a rencontré celui qui n'était encore qu'un jeune économiste du Parti socialiste, le couple Levaï a divorcé "sans une fâcherie, sans un cri. Nous avions pris un seul et même avocat". C'est à Anne qu'il a présenté en premier sa "dernière épouse", Catherine, au Divellec, le restaurant parisien fétiche de François Mitterrand. C'est ensemble que les deux couples sont partis en vacances ou en week-end à Marrakech. Et c'est aussi ensemble qu'ils ont fêté dans les appartements de Bercy la nomination de DSK au ministère de l'économie, en 1997. Ivan Levaï se réjouissait de l'ascension du couple Strauss-Kahn comme s'il s'agissait de la sienne. Le journaliste avait vécu le 10 mai 1981 dans la chambre d'hôtel de François Mitterrand, à Château-Chinon (Nièvre). Il comptait bien vivre dans la même intimité l'élection de DSK à l'Elysée. D'ailleurs, le livre qu'il devait initialement écrire s'appelait La Troisième Victoire de François Mitterrand. Ce devait être celle du mari d'Anne.
Pour elle, le journaliste a longtemps bâti des plans sur la comète. "L'été prochain, tu iras à Brégançon ou à Rambouillet ?", riait-il. Elle, gênée et inquiète : "Arrête, Ivan... Tu imagines, première dame ?" Des faiblesses de DSK, ils n'ont jamais parlé, dit-il, que de manière fugitive. Après la liaison, révélée au grand jour, avec une économiste du FMI, Piroska Nagy, Ivan Levaï avait glissé à Anne Sinclair : "Tu es dans la situation de Simone quand Montand avait eu une liaison avec Marilyn.""Pas du tout !" s'était insurgée cette dernière. Depuis, Ivan Levaï comptait les jours qui le séparait de mai 2012, convaincu que l'Elysée est ensuite un abri sûr. "Dans notre système, un président monarque a les moyens d'un "parc aux cerfs" où personne ne va voir. La dissimulation perdure pour les puissants."
Mais voilà "Dominique", son champion, exhibé "en boucle" sur ces télés "tenues par des pharisiens". "Dominique" jeté en prison à Rikers Island, "sans rien, même pas un rasoir, Anne m'a raconté. Le marquis de Sade, sous Louis XVI, à la Bastille, était mieux traité". Sans la prévenir, elle qui était partie en catastrophe à New York, il a pris rendez-vous à l'Elysée. "Je bouillais. Je tournais en rond. Et je n'imaginais pas un moment que Nicolas puisse se réjouir", justifie-t-il.
Nicolas Sarkozy le reçoit dans le parc, la chemise ouverte, sans cravate. "Nous nous connaissons depuis longtemps. Il est d'origine hongroise, moi aussi. Pour moi, d'ailleurs, ce n'est pas un homme de droite." Le chef de l'Etat demande des nouvelles d'"Anne". Ivan Levaï se risque à l'ironie : "Tu es tranquille, maintenant !""Ne crois pas ça", élude le président, énigmatique, avant de rappeler qu'il avait mis "plusieurs fois en garde Dominique" contre ces aventures d'un soir qui, aux Etats-Unis, peuvent vous traîner devant les tribunaux. "T'inquiètes, je fais", rassure Nicolas Sarkozy avant de prendre congé. Quoi, comment ? Mystère. Le journaliste notera seulement que "le consul, en tout cas, est allé voir Dominique en prison".
Avant, il comptait les jours le séparant de mai 2012. Son calendrier a été chamboulé. Dans l'agenda d'Ivan Levaï, une nouvelle éphéméride soulignée de jaune fluo est venue se substituer au calendrier grégorien. Au 14 mai, à 5 heures du matin, il a écrit : "Sofitel Manhattan (hélas). Jour 1." En ce jour 142, devant sa tasse de café, il constate : "Cette histoire m'a changé. Dans quelques jours j'arrête la promo, je ferme le magasin. Mais si je n'avais pas écrit ce livre je me serais considéré comme un salaud." Et de dénoncer le nouveau "maccarthysme sexuel ambiant", de se demander si un jour on osera encore publier en France Milan Kundera, chantre du "libertinage et de la fidélité", de rappeler opportunément les mésaventures de Bill Clinton, victime de "tant de menteuses", comme Juanita Broaddrick ou Paula Jones.
"Cette histoire va changer la politique, vous n'imaginez pas. Il y aura des tribunaux d'inquisition, ceux de l'opinion. Pour être élu président, il va falloir obéir à des critères nouveaux. Les qualités qui seront exigées, peu d'hommes les possèdent."
En ce week-end de primaire, l'homme de gauche rêverait d'une femme présidente. Au fond, il aimait cette époque où, journaliste politique, il passait ses week-ends à Latche (Landes), chez le président François Mitterrand, dont il avait écrit, le 10 mai 1981, la déclaration d'élu à l'hôtel du Vieux-Morvan. A 74 ans, il garde la nostalgie de ces temps où, de retour à Paris par la nationale, il déposait le président rue Jacob, au pied de l'appartement d'Anne Pingeot, sans poser de questions. "Ne vous mettez pas à la place d'Anne Sinclair", conjure-t-il.
Il ne veut pas croire que "Dominique" soit rayé pour toujours de ce Paris qui l'a tant courtisé. Avec sa belle voix grave, il raconte, le regard de nouveau pétillant, cette scène qui lui a tant plu. Il déjeunait avec Jean-François Kahn, un autre ami des Strauss-Kahn, chez L'Ami Louis, célèbre bistrot gastronomique du coeur de la capitale. A quelques tables d'eux, Bill Clinton partage un coûteux poulet-frites avec sa fille, Chelsea. Les deux journalistes ne parlent anglais ni l'un ni l'autre, impossible d'aborder l'ex-président américain. "Mais au moment où ils ont quitté le restaurant, toute la salle s'est levée et a applaudi bruyamment, raconte-t-il radieux. Cet homme dont Le Monde avait publié le rapport du procureur Kenneth Starr, avec tous les détails de sa relation avec la stagiaire Monica Lewinsky !" Un tel épilogue, on le devine, Ivan Levaï, dernier avocat de la famille Strauss-Kahn, en rêverait

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