TOUT EST DIT

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mardi 30 août 2011

Libye, l'anti-Irak

Jusqu'à présent, la Libye a été un « anti-Irak ». La chute de Tripoli en a constitué la parfaite illustration. Ce sont les Libyens qui, après des combats meurtriers, se sont libérés eux-mêmes. À la différence de Bagdad, hier, aucun soldat étranger n'a planté de drapeau occidental sur la statue déboulonné du leader déchu. L'étendard de la rébellion libyenne flotte désormais sur la quasi totalité du territoire.

Certes, l'intervention de l'Otan a été décisive. Mais elle s'est faite à la demande de l'opposition libyenne et dans le cadre d'une résolution de l'ONU. En intervenant comme elle l'a fait en Libye, l'Amérique de Barack Obama a souhaité tirer toutes les leçons négatives de l'intervention américaine en Irak. Il fallait trouver des partenaires régionaux, mêmes modestes comme le Qatar, afin d'avoir une légitimité dans le monde arabe.

Il convenait de se situer presque en deuxième ligne, derrière des alliés européens comme la France et la Grande-Bretagne désireux et capables d'assumer des responsabilités majeures. Il fallait, enfin, utiliser pleinement le cadre d'une institution militaire comme l'Otan, en quête d'une légitimité nouvelle, compte tenu de ses difficultés en Afghanistan.

Jusqu'à présent, le pari a fort bien fonctionné. Les révolutions arabes retrouvent un nouveau souffle. La Syrie de Bachar el-Assad devrait s'ajouter à la liste des régimes rejetés avec succès par leurs peuples. Pourtant, le plus dur reste à faire. Il faut « gagner la paix après avoir remporté la guerre ». La première difficulté est d'ordre psychologique. Sur un plan émotionnel, la présence de Kadhafi au pouvoir pendant plus de quarante ans pouvait constituer une forme d'humiliation pour les élites du monde arabe mais, une fois de plus, leur Histoire est partiellement au moins écrite par d'autres. Leur « libération » et la chute d'un despote particulièrement rusé et cruel n'auraient pas été possibles sans la contribution décisive du monde occidental.

À Tripoli, aujourd'hui, devant la pénurie de médicaments, d'eau et de biens de première nécessité, les Libyens en appellent plus que jamais à l'aide internationale. Mais s'ils ne peuvent pas faire « sans nous », ils éprouvent un malaise qui ne pourra que grandir face à cette situation de dépendance. Quand pourront-ils enfin se réapproprier leur destin ? Si l'on veut tenter une comparaison audacieuse avec l'Europe de l'Est au lendemain de la chute du communisme, la Libye est au monde arabe ce que pouvait être la Roumanie à « l'autre Europe », avec Kadhafi dans le rôle de Ceaucescu, mais sans la carotte de l'intégration dans l'Union européenne.

Plus le pouvoir a été détenu longtemps par un leader baroque et cruel, plus la transition vers la « normalité » est difficile. Depuis plus de quarante ans, la concentration du pouvoir a été absolue en Libye. De plus, les divisions tribales, sinon régionales, s'ajoutent à toutes les formes de corruption morale. En Libye, les contre leçons de l'Irak s'imposent tout autant après la chute du régime que dans le processus qui a mené à son effondrement. Tout comme l'Irak hier, la Libye aujourd'hui a besoin d'ordre et de sécurité. C'est à partir de l'amélioration de la vie quotidienne que, progressivement, les Libyens se rallieront pleinement à un nouveau régime. Dans l'accomplissement de cette tâche, la Libye a besoin de tous ses enfants ou presque. Ainsi, démanteler l'ensemble de l'armée et de la police serait un contresens tragique. La marge de manoeuvre de la communauté internationale est étroite. Il lui faut rester engagée, sans être trop présente.

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