TOUT EST DIT

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vendredi 15 juillet 2011

Otto de Habsbourg : un prince d’Europe

« II faut être bon patriote pour être bon européen. L’Europe est une communauté de nations, une communauté diversifiée. » L’homme qui s’exprimait ainsi dans un reportage inédit que lui consacrait FR3 en 1991 et dont j‘étais l’un des auteurs se trouvait particulièrement bien placé pour évoquer l’Europe, son destin et son avenir. L’Europe des Nations était sa passion, la défendre était sa mission. Il précisait :
« L’Europe est un dénominateur commun. Un patrimoine commun. Il n’y a jamais eu autant de musées des Arts et Traditions populaires que de nos jours et la jeunesse s’y intéresse. » Et, sur ce sujet sensible, il concluait, sans ambiguïté : « L’Europe sera chrétienne ou ne sera pas. » L’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine qui vient de s‘éteindre était né le 20 novembre 1912, fils aîné de Charles, dernier empereur d’Autriche-Hongrie et de Zita, née Bourbon-Parme. Il ne s’est pas contenté d‘être un héritier de l’Histoire, il fut aussi un acteur essentiel de son temps et un visionnaire qui redonna un lustre à son illustre patronyme, de l’entre-deux guerres à la guerre froide. La liberté en Europe lui doit beaucoup.
L’Europe coulait dans ses veines puisqu’il était à la fois un descendant de Charles-Quint, de l’impératrice Marie-Thérèse, de François-Joseph et aussi de Louis XIV par sa mère. Ce sont les tourments et les tragédies du XXe siècle qui ont façonné son destin, dans la douleur puis l’apaisement et l’espoir. Sa vie et sa personnalité étaient fascinantes. Le 30 décembre 1916, en pleine Première Guerre mondiale, il accompagnait ses parents à Budapest où ils étaient couronnés souverains apostoliques de Hongrie, dans la même église où l’avaient été François-Joseph et Sissi en 1867. Le jeune Otto, âgé de 4 ans, coiffé du traditionnel bonnet à plumes, était leur petit-neveu. Il a été témoin des efforts pathétiques de son père et de sa mère pour arrêter la tuerie et négocier une paix séparée. En vain… Clemenceau porte une gravissime responsabilité : par son obstination et son anti-monarchisme obsessionnel, « le Tigre » refusa une négociation avec Vienne. La guerre continua… Les idéologues pacifistes de 1918-1920 s’acharnèrent à détruire les empires, dont celui des Habsbourg, au nom de la fraternité. Ces négociateurs, aveugles et sourds, oublièrent l’avertissement de Talleyrand au Congrès de Vienne en 1815 : « Ne détruisons jamais l’Autriche : c’est le rempart de l’Europe. » La création d’ Etats artificiels, comme la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie, a pulvérisé ce rempart, laissant le champ libre à Hitler puis à Staline, avec les tragiques conséquences que l’on connaît. Otto grandit dans le spectacle d’une Europe qui s‘était suicidée et n’avait rien compris, ni aux lois de l’ Histoire ni à celles de la Géographie.
Jeune prince portant un nom honni et vivant dans la gêne (en exil ibérique, il lui est arrivé de ne pouvoir sortir de chez lui pendant trois jours, le temps nécessaire au cordonnier pour réparer l’unique paire de chaussures du descendant des souverains du Saint Empire romain germanique…), Otto fut l’un des premiers à lire Mein Kampf et à comprendre qu’Hitler voulait et aurait la guerre, sa revanche contre « le diktat de Versailles » et ses dramatiques illusions de paix. Otto prévint les dirigeants européens. Peu l‘écoutèrent. « Hitler fut, dans ma vie, le seul homme avec qui j’ai refusé d’avoir une conversation. » L’archiduc visionnaire devint la bête noire du national-socialisme. Un commando fut chargé de l’enlever mais il s‘échappa. Par vengeance, Hitler appela l’Anschluss de 1938 d’un nom de code explicite : « Opération Otto ». En 1940, Son Altesse Impériale et Royale est l’un des derniers à quitter Paris « ville morte ». Puis, ce fut Bordeaux, l’Espagne, les Etats-Unis. Un nouvel exil qui ne l’empêche pas de revendiquer auprès du Président Roosevelt son credo : « Je suis Européen. » Avant son départ, Otto avait réglé la situation de nombreux réfugiés autrichiens, y compris juifs et communistes. En 1944, Otto avertit Roosevelt, agonisant, et Churchill que Staline va avaler toute l’Europe. De nouveau, le plus discret et le plus remarquable des aristocrates se dresse contre une autre barbarie, le communisme stalinien et il permet à l’Autriche de survivre avant de retrouver son identité dix ans plus tard, en 1955.
En 1951, le prince, respectueux des particularismes et des langues (il en parlait parfaitement huit et le hongrois était son idiome préféré), il épouse, à Nancy, Regina de Saxe-Meiningen, disparue au début de 2010 et qui lui donna sept enfants. Aimant la France, il n’avait pas choisi la capitale lorraine sans raisons. « Nous sommes des Lorrains très attachés à cette région. Plusieurs de mes ancêtres sont enterrés dans la chapelle des Cordeliers. » Devenu député européen après bien des péripéties, esprit à la curiosité universelle, il maniait aussi un humour discret. Ainsi, au Parlement de Strasbourg, où il se faisait appeler simplement « Dr Habsburg », lorsqu’on lui signala un match de football Autriche-Hongrie, il demanda « Contre qui ? ». Conférencier étincelant, auteur d’ouvrages brillants, éditorialiste à L’Est Républicain, il refusa, après la chute du communisme, de diriger l’Etat hongrois comme on le lui proposait. Et il me dit : « Qu’est-ce qu’un conservateur ? C’est quelqu’un qui réalise les réformes dont les progressistes ne font que parler. Il faut retenir les faits, ne pas les masquer par les idéologies. » Une leçon lumineuse, à méditer du côté des technocrates froids et anonymes de Bruxelles. Au nom de l’Histoire dont ce prince humaniste et passionnant restera un étincelant symbole. Merci, Monseigneur. Reposez en paix. L’Europe, la vraie, la nôtre, ne vous oubliera pas.

2 commentaires:

metamag.fr a dit…

UNE MORT FAIT REVIVRE L’EMPIRE
L’Europe ne s’est jamais remise de la destruction de l’Autriche-Hongrie
Posté par:www.metamag.fr


La Deuxième guerre mondiale est la fille des paix ratées de la première. Un dogmatisme démocratique idéologique a conduit à la destruction, de manière inconsidérée, de l’Empire multi-ethnique et multi-confessionnel des Habsbourg qui, malgré bien des défauts, maintenait un équilibre au centre le l’Europe. Il y a eu une sorte de trou noir, qui a attiré les convoitises staliniennes et nazis.

Il y a encore, dans l’inconscient européen, une nostalgie de ce vieil équilibre continental qui, bien sûr, est plus fort en Autriche ou dans certains pays ayant appartenu à notre "empire du milieu" .

Cela s’est manifesté, de manière plus forte que prévue, lors des obsèques de Otto de Habsbourg, héritier de la dynastie, européen moderne et convaincu, mais aussi homme de culture, fier porteur de sa tradition. C’est pourquoi, à l’étonnement manifeste des journalistes présents, des milliers de personnes ont assisté, à Vienne, aux funérailles du fils aîné du dernier empereur d'Autriche.

Auparavant, le cardinal-archevêque de Vienne, Christoph Schönborn, qui représente le pape Benoît XVI, lequel a donné sa bénédiction apostolique à la famille des Habsbourg, a célébré un requiem à la cathédrale Saint-Etienne. Cette messe de funérailles a été co-célébrée par les archevêques de Prague et de Ljubljana, ainsi que par les évêques de Brno (République tchèque), Trnava (Slovaquie) et Banja Luka (Bosnie-Herzégovine).

Le cortège des nation sœurs

Au son des tambours de groupes traditionnels, portant bannières et uniformes colorés, représentant les provinces de l’ancienne Autriche- Hongrie, le cortège funéraire de 3 500 personnes a traversé, sur près d’un kilomètre, le centre-ville interdit, pour partie, à la circulation. Clin d’œil à l’histoire, il est passé devant l’ancien palais impérial de la Hofburg et a emprunté la célèbre avenue du Ring. 50.000 personnes ont assisté au défilé.

Les funérailles, aux allures d’obsèques d’Etat et retransmises en direct à la télévision publique ORF, ont rassemblé de nombreux représentants de la noblesse européenne, liée pour partie aux Habsbourg, et même un petit-neveu de l’empereur éthiopien Haile Selassie, le prince Asfa-Wossen Asserate. En tête, figuraient le roi Carl XVI Gustaf de Suède et la reine Silvia, le grand-duc Henri du Luxembourg, le prince Adam II du Liechtenstein, ainsi que les ex-rois de Bulgarie, Siméon II, et de Roumanie, Michel 1er, et le prince Hassan de Jordanie.

Le président autrichien, Heinz Fischer, son homologue géorgien, Mikheïl Saakachvili -une des filles d’Otto Habsbourg, Gabriela, est ambassadrice de Géorgie en Allemagne- les chefs des gouvernements croate, Jadranka Kosor, et macédonien, Nikola Gruevski, étaient également présents, tout comme le ministre tchèque des Affaires étrangères, Karel Schwarzenberg, et le président du parlement européen, le Polonais Jerzy Buzek.....


http://metamag.fr/metamag-329-Une-mort-fait-revivre-l%E2%80%99Empire-L%E2%80%99Europe-ne-s%E2%80%99est-jamais-remise-de-la-destruction-de-l%E2%80%99Autriche-Hongrie.html

le quotidien a dit…

Merci pour toutes ces précieuses precisions.