TOUT EST DIT

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jeudi 28 juillet 2011

France - USA : je t'aime, moi non plus

« L'affaire DSK » aurait-elle recréé des fractures nouvelles entre la France et les États-Unis, fractures plus qu'atténuées au cours des dernières années ? En France, l'élection de Barack Obama avait profondément amélioré l'image de l'Amérique, après la période difficile de l'administration Bush. Aux États-Unis aussi, l'image de la France s'était améliorée avec la venue au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Pour Washington, « Sarkozy l'Américain » ¯ formule que le nouveau président français n'hésitait pas à utiliser ¯ était aussi beaucoup plus « atlantiste » que ses prédécesseurs.

Mais aujourd'hui, chaque pays semble retrouver « un doute existentiel » à l'égard de l'autre. Pour les Français, l'Amérique est-elle un pays vraiment civilisé, compte tenu de la « brutalité » de sa justice et de sa police ? Pour les Américains, la France est-elle un pays vraiment démocratique, compte tenu de l'autocensure de certain de ses médias à l'égard du comportement de ses grands et du laxisme incestueux de certaines de ses élites ? L'Amérique est-elle bien le pays de la liberté ? La France est-elle bien celui de l'égalité ?

Le fait que des cicatrices puissent se rouvrir ainsi à la première occasion sérieuse est significatif de la fragilité psychologique des relations entre la France et les États-Unis. Une fragilité d'autant plus grande que les deux pays traversent une zone de turbulence financière, économique et sociale plus que sérieuse. Plus l'on doute de soi, plus la tentation est grande de critiquer l'autre.

Nous sommes unifiés, désormais, par l'ampleur de nos dettes, l'enlisement de notre « aventure afghane », la montée de mouvements populistes au sein de nos sociétés divisées sur ce qui doit être fait pour faire face aux défis du présent. En 2012, Nicolas Sarkozy puis Barack Obama se retrouveront tous les deux aussi devant le jugement de leurs électorats respectifs.

De manière plus fondamentale, nos deux pays se voient contraints de repenser leur statut dans le monde face à la montée de la Chine et des pays émergents. L'Amérique n'a tout simplement plus les moyens financiers de ses responsabilités mondiales traditionnelles. Et ce qui est vrai pour l'Amérique dans le monde s'applique également pour la France, au niveau plus modeste qui est le sien.

Ce retour du soupçon par rapport à l'autre ne fait que traduire une double déception des deux côtés de l'Atlantique. Au fil des années, l'Amérique d'Obama a déçu pour partie les Français. Vue de Paris, l'élection du candidat de l'espoir n'a pas vraiment fait reculer le parti de la peur, et la société américaine apparaît plus divisée que jamais.

Vue de Washington, la France ¯ en dépit de son retour dans l'organisation militaire intégrée de l'Otan ¯ a déçu l'administration américaine, comme étant une partie intégrante d'un ensemble européen toujours plus problématique. Pour les États-Unis, l'Europe est incapable de surmonter ses divisions politiques pour relever ses défis économiques et financiers. Ces divisions, qui l'avaient conduite à l'autodestruction hier, ne risquent-elles pas de la conduire à l'auto-marginalisation aujourd'hui ?

Vue sous l'angle global des relations franco-américaine, « l'affaire DSK » n'est certes qu'un épiphénomène. Mais elle constitue aussi un signal d'avertissement de crises plus sérieuses à venir, au moment où chacun peut décevoir l'autre.



(*) Conseiller spécial de l'Ifri (Institut français de relations internationales).

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