TOUT EST DIT

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lundi 11 juillet 2011

Bataille diplomatique en Syrie

Il y a trois ans, le 14 juillet 2008, le président syrien Bachar El-Assad dominait de son long cou la tribune officielle installée place de la Concorde, à Paris. On célébrait alors la naissante Union pour la Méditerranée. La stabilisation du Liban, l'antagonisme avec l'Iran, tout plaidait pour ce rapprochement spectaculaire avec Damas. Paris jouait les éclaireurs pour que la Syrie ne fût plus perçue par Was-hington comme un État voyou. C'était une volonté occidentale, c'était aussi une visée stratégique syrienne, sous la férule d'un président Bachar, alors encore soutenu par son peuple pour ses proclamations d'ouverture.

Trois ans plus tard, changement de décor. Changement brutal. Ce ne sont plus les soldats français qui défilent pacifiquement devant le grand Bachar, mais les ambassadeurs de France et des États-Unis en Syrie. Ils étaient, non sans courage, jeudi et vendredi, dans les rues de la ville d'Hama, un des hauts-lieux de l'insurrection en cours depuis quatre mois, assiégée par l'armée syrienne. Une ville où fut perpétré en 1982, loin de toute caméra, le pire massacre contre les Frères musulmans par le régime d'Hafez El-Assad, le père de l'actuel président.

En envoyant leurs ambassadeurs, Paris et Washington ont posé un acte politique dont il est difficile de mesurer tous les ressorts. Les deux hommes ont pu sonder la poche de résistance la plus irréductible au régime en place. Cela pourrait ne pas être anodin si les événements devaient s'accélérer, dans les prochaines semaines.

Mais, avant tout, il s'agit clairement d'un signal de soutien à la population civile, alors que les manifestations ne faiblissent pas dans toute la Syrie et particulièrement à Hama, semée de barricades. Un signal qui a sans doute permis, vendredi, de retenir le bras répressif de l'appareil sécuritaire.

À l'égard du régime, ce geste a, en revanche, tout d'un défi. Depuis quatre mois, Damas agite la théorie du complot étranger et dénonce les infiltrations salafistes qui attiseraient la révolte pour déstabiliser le pouvoir alaouite. C'est une figure classique de tout pouvoir autocratique menacé.

Ce que le régime refuse pourtant de voir, c'est que la fermeture du pays à tout média étranger et la férocité de sa répression, qui aurait fait plus de 1 400 morts depuis quatre mois, réduisent chaque jour davantage les chances d'une transition. Le simulacre de dialogue national ouvert, hier, à Damas, boycotté par les opposants tant que les chars menacent la population civile, n'a aucune chance d'aboutir si Bachar El-Assad ne renoue pas avec le semblant de vélléité de réforme qui lui a valu de succéder à son père avec un certain consensus.

Le peut-il ? À Paris comme à Washington, on a le sentiment que la marge est devenue très très faible. Pour ne pas dire presque nulle. L'onde de choc du Printemps arabe a rendu caduques les stratégies de statu quo. Or, une Syrie instable est un poison pour toute la région. À un tel degré que l'Iran, Israël et l'Arabie Saoudite ont, sur ce point, le même avis.

L'impasse dans laquelle se trouve le pays, c'est en fait celle du parti Baas. Sa nature laïque a pu faire office de garantie contre l'éclatement communautaire à la libanaise, mais son fonctionnement liberticide le rend incapable de se réformer pour espérer perdurer dans le changement. Assad tente ainsi de gagner du temps. Paris et Washington de conjurer une alternative redoutable entre la répression féroce et le chaos.

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