TOUT EST DIT

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samedi 4 juin 2011

Convivialité

À la question « quel est aujourd'hui le taux de croissance de la Chine ? », Den Xiaoping était d'abord resté silencieux. Il avait ensuite craché dans le pot destiné à cet effet et, pensif, avait répondu : « Qu'est-ce que la croissance ? ».

Nous devrions nous reposer sans cesse cette question. Si la croissance n'est qu'économique, matérielle, est-elle une croissance satisfaisante ? Et si elle est faite pour le bonheur des gens, alors « après deux siècles de croissance et une multiplication colossale de la production, nous devrions nager dans le bonheur ! », écrit Serge Latouche dans le livre De la convivialité. Dialogues sur la société conviviale à venir (1).

Or, d'après les sondages, c'est plutôt un malaise, un mal-être que nous constatons dans les sociétés riches. D'où vient donc cette insatisfaction, ce sentiment de frustration diffus ? Peut-être de notre nature profonde, qui souhaite toujours avoir plus en croyant ainsi trouver son « bien-être » ? Mais peut-on être « bien » si l'on a toujours l'impression qu'il nous manque quelque chose de ce qui est produit et commercialisé tout autour de nous ? Si l'on a l'impression de toujours courir après son temps pour faire plus et avoir plus ?

À cela, s'ajoute le sentiment que la croissance matérielle ne peut être illimitée, qu'elle finit par mettre en péril la nature, qu'elle ne pourra pas résoudre tous nos problèmes. On s'aperçoit que « les grands appareils techniques de la modernité » deviennent de moins en moins efficaces, de moins en moins conviviaux. On constate qu'au-delà d'un certain seuil, les coûts de la croissance sont supérieurs à ses bénéfices. Pire encore, on éprouve le sentiment d'être contraint, sinon asservi, par l'énorme machine socio-économique aux instruments surdimensionnés, qui nous happe, nous entraîne, qui chosifie tout, qui gaspille en jetant par exemple au lieu de réparer.

Une condition de surviede l'humanité

Tout cela contribue à rendre nos sociétés inhumaines, dans la mesure où elles oublient « la commune humanité et la commune socialité de tous les êtres humains ». En effet, elles sont riches. Elles ont ce qu'il faut pour maintenir leur richesse ou l'augmenter, tandis que les plus pauvres se voient paralysées par leur manque de moyens.

Gandhi observait : « Il y a suffisamment de ressources sur cette planète pour répondre aux besoins de tous, mais il n'y en a pas assez s'il s'agit de satisfaire le désir de possession, l'avidité, la cupidité, fût-ce de quelques-uns. » Il faudra donc lutter contre la démesure pour parvenir au partage comme pour respecter la nature et l'avenir et donc, il faudra apprendre à s'autolimiter.

Mais où donc chercher le bonheur que nous croyons trouver dans la croissance, sinon en faisant croître aussi d'autres valeurs : « C'est une loi de l'univers que l'on ne peut pas faire notre bonheur sans faire celui des autres », écrit l'économiste américain Richard Easterlin. Quant à Ivan Illich, il estimait que « nous serions plus heureux si nous pouvions travailler ensemble et prendre soin les uns des autres ». Telle est la base de cette société de convivialité à laquelle aspirent quelques-uns mais, pour y parvenir, il s'agit de changer radicalement d'optique et de pratique, c'est-à-dire de ne plus tout penser en terme de compétition et de dominer notre avidité.

Marc Hubert, l'un des auteurs du livre cité, conclut : « C'est peut-être là une condition de survie de l'humanité ».


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