jeudi 14 avril 2011
Libye : l'Otan divisée
Dans l'histoire de l'Alliance Atlantique, c'est une première qui n'est pas sans surprendre les habitués des couloirs de l'Otan. L'organisation dirige une opération militaire sans que les Américains y tiennent un rôle vraiment dominant. On pourrait s'en réjouir si cet effacement relatif était compensé par une plus grande cohésion de l'Alliance, ou de son pilier européen. Or, c'est tout le problème : si l'opération menée en Libye s'appelle « Protecteur unifié », rarement les divisions ont été aussi apparentes au sein de l'Otan.
Deux pays essentiels dans le dispositif atlantique, l'Allemagne et la Turquie, rament en sens inverse. L'Allemagne s'est non seulement abstenue au Conseil de sécurité lors du vote de la résolution 1973 qui a autorisé le déclenchement, dans l'urgence, de l'opération. Elle a aussi décidé de retirer ses quatre navires du dispositif de contrôle de l'embargo sur les armes à destination de la Libye. Ce retrait rend encore plus évidentes les divisions européennes en matière de politique étrangère et de défense.
Quant à la Turquie, pièce maîtresse des équilibres stratégiques américains en Méditerranée, elle mène une diplomatie de plus en plus autonome. Après avoir rompu l'axe qui l'unissait à Israël, elle tente de jouer les médiateurs entre Kadhafi et les rebelles, freinant en cela les prises de décisions au sein de l'Otan.
« Pas de solution militaire »
On pourrait ajouter les réticences italiennes ou suédoises. Ces deux pays envoient des avions qui peuvent participer activement au respect de la zone d'exclusion aérienne (et donc abattre des avions ennemis), mais ils refusent que leurs appareils tirent sur des cibles au sol. Or, les avions de Kadhafi sont de plus en plus rares dans le ciel libyen et c'est justement au sol que se joue actuellement la bataille. Que se joue aussi le drame humanitaire des 300 000 habitants de Misrata, assiégés depuis maintenant cinquante jours.
Tous ces éléments expliquent pourquoi l'impression initiale d'assister surtout à une opération franco-britannique est corroborée chaque jour davantage par les faits. À tel point que Londres et Paris ont jugé nécessaire de tirer la sonnette d'alarme cette semaine, Alain Juppé, le ministre de la Défense, estimant que l'Otan ne joue « pas suffisamment » son rôle.
La réunion de l'Otan qui se tient aujourd'hui à Berlin promet donc d'être assez tendue. D'autant que le secrétaire de l'organisation est le premier à affirmer qu'il « n'y a pas de solution militaire à ce conflit ». Pour une raison très simple, connue depuis le début. Les rebelles sont trop faibles et désorganisés militairement, et si l'Otan compense l'avantage des troupes de Kadhafi, la résolution 1973 interdit explicitement le déploiement de troupes au sol, pourtant indispensables pour porter l'estocade finale. La Côte d'Ivoire vient d'en fournir une illustration.
Alors, une solution politique ? Bien sûr. C'est, tôt ou tard, le passage obligé. Mais les protecteurs de Benghazi ne sont pas plus unis sur ce volet. Les rebelles font du départ de Kadhafi une condition non négociable. Encore faut-il déloger le Guide. En outre, la méfiance continue de régner autour du Conseil national de transition et des forces qui le soutiennent (ou pourraient profiter de sa montée en puissance). Pendant ce temps, l'heure tourne et l'enlisement guette.
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