Retrouvée dans l'armoire d'un retraité et authentifiée par une équipe de légistes, la tête momifiée d'Henri IV devrait rejoindre le reste de la dépouille royale à la basilique Saint-Denis, près de Paris, où sont enterrés les rois de France.
Leurs conclusions ont été publiées jeudi par le British Medical Journal: la tête brunie, où l'on distingue la trace d'une barbe et d'une moustache aux poils roux et blancs mêlés, est bien celle d'Henri IV, dont le cadavre avait été exhumé et décapité à Saint-Denis par les révolutionnaires en 1793.
Les détails des recherches scientifiques devaient être présentés jeudi à Paris lors d'une conférence de presse au Grand Palais. Des légistes, des historiens, des paléopathologues (spécialistes des pathologies, symptômes et maladies d'autrefois) mais aussi des parfumeurs ont participé à l'étude.
Ils se sont fondés sur les caractéristiques connues du visage d'Henri IV, qui avait une tache sombre sur le nez, portait une boucle d'oreille à l'oreille droite et avait une cicatrice aux lèvres datant d'une tentative d'assassinat en 1594.
Le crâne correspond au moulage fait juste après la mort du "Vert galant" conservé à la bibliothèque Sainte-Geneviève, à Paris, qui porte un grand front, un gros nez et un menton carré.
TRIBULATIONS ENTRE FRANCE ET ALLEMAGNE
Même si les techniques scientifiques les plus avancées ont été utilisées, aucune analyse ADN n'a pu être réalisée, peut-on lire dans le British Medical Journal.
"Il était impossible de retrouver des traces d'ADN mitochondrial non contaminé sur les échantillons et donc aucune comparaison n'était faisable avec les autres reliques du roi ou de ses descendants", explique l'équipe, dirigée par le Pr Philippe Charlier, déjà célèbre pour avoir révélé l'empoisonnement d'Agnès Sorel, favorite du roi Charles VII.
L'étude des méthodes d'embaumement a fourni d'autres indices décisifs, souligne l'étude.
Henri IV avait demandé avant sa mort, à 57 ans, d'être embaumé "selon la mode italienne", qui consistait à ne pas ouvrir le crâne et permettait une conservation dans le meilleur état de la tête.
Cette dernière a été retrouvée en 2008 par un journaliste-documentariste, Stéphane Gabet, chez un retraité de 84 ans habitant dans l'ouest de la France.
Cette découverte a mis fin à plus d'un siècle de "tribulations, réapparitions et disparitions" de la tête, entre la France et l'Allemagne, raconte Jacques Perot, qui préside la Société Henri IV.
"C'est la fin d'une vraie enquête policière avec de nombreux rebondissements", s'enthousiasme l'ancien conservateur du château de Pau, où était né Henri IV en 1553.
FUNÉRAILLES OFFICIELLES ?
Le crâne, qui était passé entre les mains de plusieurs collectionneurs au tournant du XXe siècle, était emballé dans un linge et rangé dans un coffret en bois sur l'étagère d'une armoire, à l'insu des enfants du retraité.
Après la décapitation de 1793, on perd la trace de la tête jusqu'au milieu du XIXe siècle.
En 1919, un antiquaire de Dinard, Joseph-Emile Bourdais, l'acquiert lors d'une vente aux enchères. Il la montre dans un "petit musée de Montmartre avant de la proposer au Louvre, qui la refuse, doutant de son authenticité", raconte Jacques Perot.
Le crâne est ensuite racheté à l'héritière de Bourdais et on perd sa trace. "Qu'on l'authentifie cette année est une sorte de couronnement du 400e anniversaire, un clin d'oeil de l'Histoire", souligne l'historien, qui a vu "en face-à-face" le roi à qui il a consacré "une grande partie de sa vie".
Si l'étude publiée à Londres évoque une "cérémonie de funérailles officielles" pour réunir la tête et le corps d'Henri IV, à la basilique Saint- Denis, nécropole des rois de France, on est encore sous le coup de la surprise totale.
"Pour l'instant, rien n'est prévu", dit Patrick Monod, administrateur de la basilique, "mais il ne serait pas anormal que ce crâne revienne ici d'une manière ou d'une autre".
La maison Bourbon, héritière des rois de France, serait favorable à un retour à Saint-Denis, cinq ans après celui, en grande pompe, du coeur de Louis XVII, le fils de Louis XVI et Marie-Antoinette.
Mais cela pourrait tourner au casse-tête juridico-administratif, note Patrick Monod.
"C'est à la fois un objet archéologique, le morceau d'une histoire privée et familiale et un objet mobilier qui appartient à l'Etat au titre des collections de la basilique", fait-il valoir.
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