TOUT EST DIT

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samedi 9 octobre 2010

Suppression du bouclier fiscal et de l'ISF : quelles conséquences ?

Le bouclier fiscal et l'impôt sur la fortune, deux dispositifs à la portée très symbolique, sont sous le feu des critiques, à droite comme à gauche. De plus en plus de parlementaires appellent à leur suppression et à une véritable réforme de la fiscalité française.

* Quel était le but du bouclier fiscal ?
"Travailler plus pour gagner plus." Le bouclier fiscal, mesure phare des débuts du septennat de Nicolas Sarkozy, plafonne à 50 % des revenus les sommes versées à l'Etat par les contribuables au titre de l'impôt sur le revenu. Avec en filigrane deux objectifs : d'une part limiter la pression fiscale sur les hauts revenus afin de ne pas "pénaliser le travail", d'autre part tenter de faire revenir dans le giron du fisc français les fortunes évadées en Suisse ou ailleurs.

* En quoi consiste l'ISF ?
Le bouclier fiscal contrecarre directement l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), créé en 1989 sous la présidence de François Mitterrand, pour remplacer l'impôt sur les grandes fortunes, supprimé en 1987 par le gouvernement Chirac.

Souvent dénoncé pour son caractère idéologique, il est régulièrement l'objet de débats au sein de la classe politique, sans toutefois que sa suppression ne soit sérieusement envisagée.

 * Quel est le mécanisme de ces deux dispositifs ?
 Les impôts concernés par le bouclier fiscal sont l'impôt sur le revenu, les contributions et prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, d'activité et de remplacement ou sur les produits de placements (contribution sociale généralisée (CSG), contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), prélèvement social de 2 % et contribution additionnelle de 0,3 % à ce prélèvement), l'impôt de solidarité sur la fortune, la taxe d'habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties concernant la résidence principale et certaines taxes additionnelles à celles-ci.

Quant à l'ISF, il s'agit d'un impôt progressif assis sur la partie supérieure du patrimoine, à un taux allant de 0,55 % à 1,80 %. Il concerne les personnes physiques qui ont leur domicile fiscal en France et qui disposent d’un patrimoine dont la valeur nette en France et hors de France dépasse 790 000 € (seuil au 1er janvier 2010). Il en va de même des personnes physiques qui n’ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y possèdent des biens d'une valeur nette dépassant 790 000 €.

* Combien le bouclier fiscal coûte-t-il à l'Etat français ?
L'efficacité de ces deux dispositifs est largement sujette à débat. Selon les chiffres du gouvernement, le bouclier fiscal n'aurait coûté "que" 458 millions d'euros en 2008. Une somme qui a depuis fortement progressé : il a coûté 679 millions d'euros en 2009 et 700 millions cette année. Ce chiffre est appelé à décroître en 2011, a prévenu le gouvernement, avec un coût estimé à 665 millions d'euros. Quelque 35 millions seraient en effet économisés grâce à une mesure prise dans le projet de loi de finances 2010 concernant les modalités de prise en compte des dividendes dans le calcul du bouclier.

Il se peut néanmoins que le coût du dispositif continue à progresser au fil des années. Si le nombre de "rapatriés fiscaux" n'a pas augmenté dans les proportions espérées, le fisc doit cependant compter avec les efforts de certains contribuables, parmi les plus riches, pour tirer le maximum du bouclier.

Il n'en reste que ce dispositif reste moins cher que prévu, du fait du faible nombre de foyers théoriquement concernés qui ont fait les démarches pour en bénéficier. Les causes de cet engouement modéré sont claires : d'une part, prétendre au bouclier fiscal exige que le dossier du demandeur soit blanc comme neige. D'autre part, bénéficier du bouclier entraîne une rallonge de deux ans du délai de prescription au-delà duquel les contribuables ne peuvent plus être poursuivis en cas de fausse déclaration.

 * L'ISF est-il réellement inefficace ?
La droite accuse depuis toujours l'ISF d'encourager à l'exil fiscal, et donc d'être inefficace. Les chiffres démentent plus ou moins cette affirmation. En 2009, malgré la diminution du nombre de contribuables assujettis, la recette de l'ISF n'avait baissé "que" de 14,5 %, un chiffre à replacer dans un contexte de sévère crise économique. Il faut ajouter à cela les sommes investies par les contribuables au titre de la loi TEPA, qui permet de placer tout ou partie de son impôt dans une PME, une fondation de mécénat, un fonds collectif... Au final, entre les sommes versées au Trésor public et celles qui ont été investies, les contribuables assujettis à l'ISF ont versé 4,2 milliards d'euros en 2009.

Et ce produit devrait augmenter en 2010, selon les estimations annexées au projet de loi de finances 2011. La collecte de l'ISF devrait atteindre 4,1 milliards, estime Bercy, qui réévalue de 300 millions sa prévision du dernier collectif budgétaire. Une conjoncture économique en légère amélioration et une régularisation fiscale proposée aux évadés repentis ont généré 350 millions de recette supplémentaire. Cette régularisation fiscale n'étant pas appelée à être prolongée, le produit de l'ISF devrait donc légèrement baisser en 2011.

* Quelles seraient les conséquences de la suppression du bouclier fiscal et de l'ISF ?
Là encore, le débat est très vif entre majorité et opposition, ainsi que dans les rangs de la droite.

Le syndicat Union SNUI-SUD Trésor Solidaires s'est livré à une estimation chiffrée du coût de ce "tour de passe-passe" proposé par une centaine de députés UMP par le biais d'un amendement au projet de loi de finances 2011, qui consisterait à mettre à mort les deux dispositifs et à les remplacer par la création d'une nouvelle tranche d'imposition, à 46 %, pour les revenus supérieurs à 100 000 euros.

Selon les calculs du syndicat, "elle déboucherait sur un manque à gagner". Supprimer le bouclier représenterait une "économie de 679 millions d'euros" tandis que supprimer l'ISF reviendrait à "se priver de 3,4 milliards d'euros". Et "le rendement budgétaire d'une tranche à 46 % serait compris entre 700 millions d'euros et 1 milliard d'euros". "Il manquerait entre 1,7 et 2 milliards d'euros pour le bouclage budgétaire de cette réforme", relève le syndicat.

Le député socialiste Pierre-Alain Muet a qualifié cet amendement de "marché de dupes qui revient à remplacer des impôts sur la rente et les patrimoines les plus élevés par une plus forte imposition du travail". "L'ISF rapporte 4,1 milliards d'euros, le bouclier fiscal coûte 680 millions. Supprimer l'un et l'autre revient à alléger de près de 3 milliards et demi l'imposition du patrimoine (...)", a-t-il précisé.

Dans les rangs de la droite, la proposition n'a pas été forcément mieux accueillie.

Le premier ministre François Fillon a avertit que "dans la situation financière qui est la nôtre, je n'accepterai jamais que l'on supprime une recette de 3 milliards d'euros". "Il n'est pas question de perdre un centime d'euro", a quant à lui promis le président centriste de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, promoteur d'une telle réforme. Mais on peut combler le manque à gagner, "tout dépend où l'on choisit de placer les curseurs et comment on décide de taxer les revenus du patrimoine", assure-t-il, citant un éventuel relèvement des droits de succession, quasiment supprimés après l'élection de Nicolas Sarkozy.

"Pas question de supprimer l'ISF" en même temps que le bouclier fiscal, a lancé jeudi le patron des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, pour qui cela reviendrait à "faire un cadeau fiscal de 3,2 milliards d'euros". "Un cadeau 4,5 fois plus important" fait aux riches par rapport au seul bouclier, a de son côté prévenu Benoît Hamon, le porte-parole du PS.

* Va-t-on vers une profonde réforme des impôts ?
Le gouvernement a écarté vendredi l'hypothèse d'une suppression du bouclier fiscal et de l'ISF en 2012 malgré l'offensive de députés de la majorité. Mais l'idée du "Grenelle de la fiscalité" fait son chemin.

"Nous aborderons tout cela le premier semestre 2011 (...) avant un débat sur la loi de finances 2012 qui ne pourra pas acter des grands choix en définitive puisque naturellement ce seront les engagements qui seront les engagements du président élu par les Français en 2012 qui conforteront ces projections", a expliqué vendredi le ministre du budget, François Baroin, lors d'un déplacement au Forum de l'investissement, de l'épargne et du placement

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