TOUT EST DIT

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dimanche 12 septembre 2010

Paradoxes européens... et turcs

L'Europe sait condamner au nom des grands principes : jeudi dernier au Parlement de Strasbourg, la France en a fait la déshonorante expérience pour sa politique d'expulsion des Roms. Moralement, les eurodéputés ont raison en donnant la priorité aux droits de l'homme et non à la froide légalité de la réglementation, même consacrée par les traités de l'UE.
Mais les grands principes peuvent aussi se transformer en arme à double tranchant, à manier avec précaution. Ainsi, l'UE salue avec force congratulations le référendum constitutionnel qui se déroule aujourd'hui en Turquie. Au nom des avancées démocratiques car la Turquie, candidate à l'Union européenne, mettrait enfin sa loi fondamentale en conformité avec les standards européens !
Dans les faits, les électeurs vont se prononcer sur la modification d'une vingtaine d'articles, la plupart sans véritable portée. Cependant, ce flot de propositions soumises à approbation populaire dissimule quelques chausse-trappes dans leur formulation. En clair : au nom du «plus de démocratie» voulu par l'UE - selon l'argument avancé par Ankara - le gouvernement turc voudrait réduire, voire porter à néant, les prérogatives des institutions garantes de la laïcité sous prétexte de redéfinir les rapports entre les pouvoirs politique et judiciaire.
Par exemple, comme pour les juges du Conseil supérieur de la magistrature, le nombre des membres de la Cour constitutionnelle serait augmenté et leur mode de sélection modifié. Or il s'agit d'instances qui jusqu'à présent ont su s'opposer au parti islamo-conservateur AKP dans ses tentatives de mettre fin à la laïcité héritée de Kemal Atatürk. Et cela va jusque dans les détails, jusqu'au port du foulard que le gouvernement veut autoriser dans les espaces publics et que les juges interdisent...
Ce référendum, loin d'être acquis d'avance puisque les sondages annoncent le « oui » et le « non » au coude à coude, aurait pour seul but d'accélérer l'« islamisation rampante » de la société turque, accusent les partis hostiles aux Premier ministre Erdogan. Avec l'aval hypocrite de l'Europe qui encouragerait la Turquie dans ces réformes tout en ne voulant pas d'elle. Avec la complicité non moins hypocrite des islamo-conservateurs AKP qui mettraient l'Europe en avant tout en refusant ses valeurs sur le fond pour les exploiter exclusivement sur la forme.
Et Bruxelles s'en contente... Finalement, les grands principes se réduisent à peu de choses quand tonne la realpolitik. A des résolutions votées à peu de frais. Comme jeudi dernier à Strasbourg...


Jean-Claude Kiefer

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