TOUT EST DIT

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jeudi 5 août 2010

Proche-Orient :
fragile statu quo


Faut-il craindre un nouvel affrontement au Proche-Orient ? En l'espace de quelques jours, des épisodes de violence se sont succédé. Des tirs de roquettes à partir de la péninsule du Sinaï, c'est-à-dire en territoire égyptien, ont atteint les villes d'Aqaba et d'Eilat, sur la mer Rouge, faisant des victimes dans la première, en Jordanie. Des fusées tirées du territoire de Gaza ont touché le sud d'Israël, entraînant une forte riposte israélienne.

Enfin mardi, à la frontière entre Israël et le Liban, de violentes escarmouches ont opposé les forces armées des deux pays, dans des circonstances encore confuses. Les Israéliens parlent de piège et de provocation délibérée, une version au moins partiellement confirmée par les forces des Nations unies, pour qui les Israéliens étaient dans leur territoire au moment des incidents. Les Libanais, eux, parlent de violation délibérée de leur territoire. Qui croire ?

Au Proche-Orient, les événements, bien souvent, imposent leur logique aux hommes, et pas l'inverse. Il y a des forces qui jouent avec le feu de manière quasi automatique. Des extrémistes, au sein du mouvement Hamas, s'inquiètent des rumeurs de reprise de négociations entre Israéliens et Palestiniens sous pression américaine. Au sein des forces armées libanaises, à la veille de la réouverture de la commission d'enquête sur l'assassinat de l'ex-Premier ministre Hariri, peut exister la tentation d'éviter l'éclatement du pays par le biais d'une « bonne escalade » avec Israël.

En réalité, à moins d'un développement improbable, mais toujours possible, ou d'une erreur de calcul grossière d'une ou plusieurs des parties, nous ne sommes probablement pas à la veille d'un nouveau conflit généralisé.

Quatre ans après la dernière guerre du Liban, en 2006, le Hezbollah a certes reconstitué ses forces, après une guerre qu'il n'a pas clairement perdue, et remportée de fait. Mais il ne peut souhaiter, pas plus que son protecteur et mentor l'Iran, un nouveau test avec une armée israélienne moins sûre d'elle-même et ayant tiré les leçons de 2006, sinon de 2009 à Gaza.

L'armée libanaise, encouragée ou non par la Syrie, peut prendre des risques, mais pas celui d'une guerre classique avec Israël. Le déséquilibre entre les deux armées est trop grand. Côté Israël, on peut penser que l'État hébreu est tombé de lui-même dans de trop nombreux pièges récemment, pour s'engager à la légère dans une nouvelle escalade. Tout autant que le précédent de la guerre en 2006, c'est l'épisode désastreux de juin, l'attaque sur la flottille au large de Gaza, qui doit inciter le gouvernement d'Israël à la retenue. Avec une économie au rythme de croissance presque asiatique, Israël n'a surtout pas besoin d'une nouvelle guerre.

Ce que démontre cette nouvelle escalade militaire, c'est la profonde fragilité du statu quo actuel. En l'absence de solutions durables, les hommes seront toujours à la merci d'événements qu'ils ne contrôlent pas. Sur le fond, le déséquilibre entre les parties est trop grand pour qu'elles parviennent seules à une solution de compromis raisonnable, mais douloureuse. Et la communauté internationale, derrière les États-Unis, est trop velléitaire, dispersée, sinon trop affaiblie pour imposer à des parties réticentes, mais qui seraient sans doute prêtes à s'y résigner, une solution indispensable. Les Palestiniens, en dépit d'un soutien arabe de surface, sont terriblement seuls ; les Israéliens sont comme paralysés par leur mémoire.


Dominique Moïsi

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