TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 26 juillet 2010

Ouvertures à Cuba

Son sacrifice n'aura pas été vain. Les libérations successives de prisonniers politiques à Cuba, depuis dix jours, doivent beaucoup à Orlando Zapata Tamayo. Ce militant des droits de l'homme est mort en prison, le 23 février, à 42 ans, épuisé par sept ans de détention dans des conditions indignes et par une grève de la faim qu'il aura menée jusqu'au bout. Dans l'indifférence générale de ses geôliers.

Cinq mois plus tard, les remises en liberté des détenus de conscience se succèdent. Elles sont le fruit d'un accord passé entre le régime de Raul Castro, l'Église catholique cubaine, très active derrière le cardinal Ortega, et le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos. Cet accord prévoit la libération de cinquante-deux prisonniers politiques d'ici à octobre. Tous appartiennent à un groupe de soixante-quinze militants emprisonnés depuis 2003. Le régime, sous la contrainte des événements et les pressions internationales, lâche enfin du lest.

Le contexte, il est vrai, ne lui donne qu'une très étroite marge de manoeuvre. La crise économique est aussi sévère que celle de la « période spéciale » qui suivit l'effondrement du soutien soviétique, au début des années 1990. Les cours du nickel, premier produit d'exportation, ont chuté. La production de riz et de sucre a pâti de la sécheresse et des ouragans. Le tourisme a baissé. Les devises des émigrés de Floride sont plus rares. La crise est en fait plus redoutable qu'un embargo.

En outre, la colère rentrée d'une frange importante de la population s'exprime de plus en plus ouvertement depuis quelques mois. Les maigres libéralités instaurées par Raul Castro, depuis qu'il a succédé à son frère, Fidel, en 2006, ont ouvert, par Internet et les lignes téléphoniques internationales, de nouveaux espaces d'échange. Le mouvement des « Dames en blanc », épouses ou mères des détenus politiques, a pris de plus en plus de force.

Si l'on ajoute à cela la vigueur des réactions internationales (américaine, européenne et même, plus inhabituelle, du Mexique) à la mort d'Orlando Zapata Tamayo, on mesure l'isolement du pouvoir castriste. Les libérations actuellement en cours sont une façon de desserrer l'étau que peut constituer la conjonction d'une pression internationale et d'une vague d'opposition interne.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro, en 1959, des tonnes d'articles et de livres ont prédit la chute prochaine du régime castriste. En vain. Chaque fois, la silhouette imposante et le verbe intarissable de Fidel se sont dressés contre l'ennemi. Résistant à l'embargo américain, à la CIA, aux réseaux cubains de Floride, à l'exode des jeunes boat people cubains et même à l'effondrement de l'URSS. Au prix, chaque fois, d'un durcissement de la dictature. Et au nom, toujours, de la Revolucion. Survivra-t-il à la crise en cours ?

Tout le monde a remarqué, en tout cas, l'incroyable retour sur la scène cubaine du Lider Massimo. À cinq reprises, Fidel Castro est apparu en public tel qu'on ne l'avait jamais vu depuis sa sérieuse opération chirurgicale en 2006. Comme un totem moribond, dont le charisme peut encore avoir une fonction politique. Il aurait probablement géré différemment la crise des dissidents, dit-on à La Havane. En évitant, par exemple, la mort d'un dissident, pour ne pas structurer l'opposition, ne pas créer une relève pour la suite. Une relève! Le plus bel hommage que l'avenir pourrait réserver à Orlando Zapata Tamayo.

0 commentaires: