TOUT EST DIT

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samedi 17 avril 2010

Paralysé, Roissy se mue en royaume de la débrouille

"Des chiiips !" Sélène, 3 ans, se pend à la grosse valise de sa mère avec un regard enjôleur. Malina Marty se rendait à l'aéroport de Roissy en RER, avec ses bagages et ses deux filles, vendredi 16 avril, quand elle a reçu le SMS d'Air France, à 14 h 32, sur son Blackberry : "Le vol AF 2048 du 16/04 est annulé." Il est maintenant 16 h 30, Sélène veut des chips pour le goûter, et sa mère fait la queue depuis une heure et demie, sans savoir quand elles partiront à Barcelone.
Deux jours après le début de l'éruption du volcan islandais Eyjafjöll, le nuage de cendres baladeur bloque toujours la plupart des vols européens. Malina Marty, cadre dans une banque, craint que cela lui coûte cher. Elle a loué un appartement en Espagne pendant une semaine pour faire une surprise à ses parents, Boyan et Nelly, qui vont avoir 60 ans et sont bulgares. Elle a aussi invité son frère et sa belle-soeur et payé les billets de toute la famille. Elle fait grise mine quand elle apprend que l'aéroport de Sofia est, lui aussi, fermé : "Ma surprise d'anniversaire est ratée."

L'aéroport Charles-de-Gaulle est officiellement "fermé", mais les passagers peuvent s'y rendre. Bon nombre d'entre eux, en cette journée de départs en vacances - à 20 000 passagers par jour en moyenne, contre 16 500 en temps normal - ont choisi de tenter leur chance.

"ON N'EST PAS DES CHIENS"

Un homme s'échauffe en brandissant sa carte de handicapé : "Je suis là depuis cinq heures du matin. On n'est pas des chiens !" Son vol pour Tunis a été annulé par deux fois, dit-il, et son fils est reparti avec ses bagages. Une hôtesse propose de l'emmener vers un comptoir d'embarquement, car le vol pourrait finalement décoller. "Mais non, c'est mort !", vocifère-t-il. L'avion pour Tunis s'envolera pourtant. Une vingtaine de départs et une dizaine d'arrivées ont été autorisés par la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Les accès d'énervement restent cependant rares. Fatalistes, la plupart des voyageurs font preuve de calme, en patientant aux comptoirs des compagnies. L'aéroport paraît même fantomatique. Les guichets d'embarquement sont vides, les boutiques désertes, les portes automatiques des arrivées immobiles. Sur les panneaux lumineux, la mention "annulé" se répète en rouge. Les deux vendeurs du Relay H, au sous-sol du terminal 2F, se sont ennuyés ferme, ce vendredi. Ils ont à peine réalisé 10 % de leur chiffre d'affaires habituel.

Les loueurs de voiture, en revanche, ont fait des affaires. François Gruchet, un pharmacien de Grasse, et sa femme Angélique attendent les clés d'un véhicule, trop heureux d'en avoir enfin trouvé un, après trois tentatives vaines.

Ce couple de quadragénaires bronzés a quitté Tahiti, mercredi soir, a patienté sept heures à Los Angeles et devait prendre, vendredi matin, un vol de Roissy à Nice "pour aller chercher les enfants". Donné partant à 15 heures, le vol a été annulé deux heures plus tard. Après vingt heures d'avion, ils s'apprêtent donc à parcourir 960 km en voiture. En plein départs en vacances.

Etienne, Joël et les autres en feront à peine moins pour atteindre Milan, en s'entassant à sept dans leur Peugeot 807. Cette bande d'Angevins, venue en voiture à Roissy, n'a pas trouvé d'autre solution pour aller passer ces dix jours tant attendus en Calabre, chez une amie. De Milan, ils prendront l'avion pour Lamizia Terme, au lieu de passer par Rome. Alitalia leur rembourse le Paris-Rome et le Milan-Paris du retour. Ils se relaieront pour conduire. "Je m'en doutais que ça allait être "Koh-Lanta", notre truc", rigole Martine. L'humeur reste joyeuse.

Maria Bonifacio, 46 ans, venue vendre sacs et chapeaux à Paris, espère retrouver bien vite Florence et la Toscane. Elle ne comprend pas pourquoi elle resterait bloquée à Paris, "puisque le nuage de cendres est censé se trouver au nord de l'Europe". Son billet échangé, elle va s'inscrire sur la liste d'attente, espérant encore partir samedi matin. Elle ignore que la DGAC va prolonger la fermeture des trois aéroports parisiens. Si elle ne retrouve pas d'hôtel, elle fera "il barbone !" (le clochard).

Quant à Erkan Tuncay et Izzet Tanyol, deux hommes d'affaires turcs qui pensaient regagner Istanbul vendredi soir, ils cherchent aussi un hôtel en banlieue.

De son côté, Bruno Victor-Pujebet, après neuf heures d'avion entre Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, et Osaka (Japon), puis quatorze heures de vol entre Osaka et la France, a atterri à Lyon au lieu de Roissy. Il a calé quand on lui a proposé un retour en car à Paris et a préféré tenter le TGV, malgré les grèves à la SNCF.

Eurostar a mis en place huit trains supplémentaires pour Londres. Mais à Roissy, un petit malin se balade avec une pancarte, proposant quatre places en voiture pour Calais. "C'est 80 euros par personnes, j'en ai déjà trois. Venez, on sera à Calais à 20 h 30." Il paraît que le dernier ferry était à 23 heures.
Béatrice Gurrey

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