TOUT EST DIT

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samedi 24 avril 2010

« Les imams formés chez les curés »


Voilà, inexactement résumée, la démarche de l'Institut catholique de Paris (1) qui a lancé une formation spécifique sur les cultures, la laïcité, les religions.

Dans les années 1990, certains souhaitèrent créer, en France, en plus des centres confessionnels formant des cadres religieux musulmans, une structure universitaire promouvant « l'islam des Lumières ». Mohamed Arkoum, professeur à la Sorbonne, proposa alors la création d'un institut où des problèmes anciens et nouveaux, inabordables dans les pays musulmans pour des raisons politiques, feraient l'objet de recherches en pleine liberté de penser, d'écrire et de publier, tous droits garantis par la Constitution française.

Plusieurs universités ont refusé ce genre de projet au nom du respect de la laïcité. C'est finalement la faculté des sciences sociales et économiques de l'Institut catholique de Paris qui accepta de former des étudiants de confession musulmane. Comme le dit son doyen : « Nous sommes des laïcs qui n'avons pas peur du fait religieux et de ses représentants. »

Cette formation unique donne droit à un diplôme universitaire. Elle est ouverte à tous, sans discrimination de religion ni de croyance, avec priorité aux étudiants musulmans qui ne sont pas accueillis par d'autres organismes d'enseignement.

Cet enseignement est sans contenu théologique. Il est complémentaire des sciences islamiques enseignées dans les instituts confessionnels : culture générale, expression orale et écrite, droit, institutions judiciaires, droits de l'homme, connaissance du fait religieux en France et de la situation des différentes confessions dans une société laïque, tout cela dans le but de favoriser l'ouverture et la compréhension mutuelles. Une trentaine de personnes suivent ces cours. Elles sont d'opinion, de formation très variées : animateurs sociaux, imams en exercice, employés, retraités, etc.

Former des cadres citoyens

Cette initiative a suscité des réactions accusant l'Institut catholique de Paris de collaborer avec les « barbus » ou, inversement, de vouloir noyauter la religion musulmane. En réalité, il s'agit de contribuer au dépassement des tensions par une meilleure connaissance mutuelle. Il s'agit de conjurer les défiances, les peurs réciproques et même les haines plus ou moins ouvertes pour pacifier et réconcilier. Apaiser, faciliter la rencontre, dans une meilleure compréhension des valeurs et des codes de la République, comme le disait Jaurès ¯ « Aller à l'idéal et comprendre le réel » ¯ et ainsi former des cadres citoyens.

Tout cela est d'autant plus important que, dans une France laïcisée, les fidèles musulmans sollicitent sans cesse leurs imams pour répondre aux interrogations que soulève leur vie dans notre société.

Il existe, en France, un peu plus de deux mille lieux de culte musulman et autant d'imams. Connaître la société française et ses institutions permet d'être plus médiateur. La Grande Mosquée de Paris et l'Union des organisations islamiques de France sont favorables à une telle formation. Un imam, pensent-ils, ne peut ignorer la laïcité et son histoire en France. Autrement dit, les musulmans de France sont « demandeurs », affirme Mohamed-Ali Bouharb (2).

C'est, en effet, un véritable bagage de culture générale que les étudiants reçoivent. Une telle formation, élargie aux cadres cultuels musulmans associatifs, peut trouver une application au coeur même des banlieues et des quartiers où se joue la question sociale de l'intégration républicaine, où se font ressentir les besoins urgents d'une éducation à la citoyenneté. De plus, ce pourrait être un champ ouvert à la création d'un nouveau corps de médiateurs conscients du fait religieux et du fait politique.



(1) Institut catholique de Paris, 21, rue Assas, 75006 Paris.

(2) Former des imams pour la République, sous la direction d'Olivier Bobineau, CNRS Éditions, 15, rue Malebranche, 75005 Paris.



François Régis Hutin

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