La Grèce et l'Espagne l'annoncent, la France l'envisage, la République tchèque l'a fait, la Finlande voudrait le faire, le Royaume-Uni y pense : la réforme des régimes de retraite est à l'ordre du jour dans plusieurs pays européens, sous la pression de la crise économique.
Bien sûr, le mouvement n'est pas nouveau. Pressés par le vieillissement de leur population, de nombreux pays ont déjà procédé à des aménagements avant la crise de l'automne 2008, augmentant l'âge légal du départ à la retraite, réformant le calcul des pensions ou transférant au privé une part de l'épargne retraite. En Allemagne, en 2006, le premier gouvernement d'Angela Merkel a prévu de porter graduellement l'âge de la retraite de 65 ans à 67 ans entre 2012 et 2029. En Italie, il a été repoussé de 57 ans en 1995 à 65 ans à l'horizon 2013 pour les hommes.
Mais la récession a précipité ce processus de deux façons : elle a affaibli les régimes de retraite, d'une part, et elle en a fait un levier indispensable pour rétablir le crédit financier de certains Etats, d'autre part. A l'heure où les déficits publics se creusent et où la dette grève les perspectives financières des années à venir, les gouvernements se préoccupent de maîtriser un poste qui consomme, selon les pays, entre 5,7 % (comme en Grande-Bretagne) et 14 % (comme en Italie) du produit intérieur brut (PIB). En France, les dépenses publiques au titre des retraites ont représenté 12,4 % du PIB en 2005, selon l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
La crise a d'abord mis en lumière les fragilités des régimes privés. "Pour les régimes privés, explique Martine Durand, directrice adjointe à l'OCDE, la crise financière a joué immédiatement", la chute des Bourses abaissant notablement la valeur des investissements des fonds de pension. En Islande, où le système de retraites est fondé sur la capitalisation, y compris dans la fonction publique, l'effondrement de la Bourse a durement frappé les cotisants.
Certains pays en ont tiré des conclusions radicales. La Slovaquie, qui avait favorisé l'adhésion des cotisants à des régimes privés, a ouvert la possibilité de revenir dans le giron du régime public.
Puis la hausse du chômage et la baisse des rentrées des cotisations ont accru la pression sur les régimes publics. Dans les pays où ceux-ci sont dominants, la difficulté de la réforme tient au fait que si son impact sur les finances publiques est différé (repousser l'âgé légal de la retraite n'aura d'effet bénéfique sur la réduction des déficits qu'à terme), les inconvénients politiques, eux, sont immédiats.
Pourtant, elle est un des leviers essentiels pour lutter contre l'endettement. "La réforme est urgente, mais elle est pour l'avenir", résume Martine Durand. Le gouvernement finlandais s'est heurté à cette difficulté : il a tenté, début 2009, de relever l'âge légal de la retraite, mais il a dû reculer devant une forte opposition.
En Espagne, le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero, placé dos au mur par la défiance des marchés, mesure la difficulté politique du dossier. Le 29 janvier, il a fait valoir la pyramide des âges très défavorable du pays, qui ne garantit la pérennité du système actuel des pensions que jusqu'en 2023. La proposition du gouvernement inclut un recul de 65 ans à 67 ans de l'âge légal de la retraite, une mesure à laquelle 84 % des Espagnols sont opposés. Les syndicats la rejettent ; ils ont convoqué des manifestations contre le projet pour la fin du mois. Un autre volet de la réforme prévoit de porter de 15 à 25 le nombre d'années prises en compte pour fixer le montant des prestations, ce qui entraînerait une baisse du niveau des retraites. La mesure a provoqué une division au sein du gouvernement et du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE).
Le gouvernement tchèque a lui aussi agi. A partir du 1er janvier, l'âge de la retraite augmentera progressivement pour atteindre 65 ans en 2028 pour les hommes et les femmes sans enfants (entre 62 ans et 65 ans pour les mères de famille). D'autres modifications sont envisagées.
Au Royaume-Uni, les fonctionnaires continuent à profiter de retraites très avantageuses (généralement les deux tiers du salaire), tandis que les salariés du privé doivent se contenter de la pension forfaitaire de l'Etat, d'un montant de 560 livres (638 euros) par mois, à compter de 65 ans pour les hommes et de 60 ans pour les femmes. S'y s'ajoutent, dans moins de 40 % des cas, des fonds de pension d'entreprise, dont les revenus ont été mis à mal par la chute des Bourses.
Avec les élections législatives du printemps, le Labour et les conservateurs ont annoncé vouloir réduire l'écart entre le public et le privé. Le premier ministre travailliste, Gordon Brown, compte geler les retraites du public. David Cameron, le leader des tories, veut les plafonner à 50 000 livres par an. Aucun des deux ne prévoit d'augmenter la pension que verse l'Etat. Les conservateurs comptent même repousser l'âge auquel les Britanniques peuvent la toucher.
Cécile Chambraud (avec nos correspondants en Europe)
vendredi 12 février 2010
La récession pousse les Etats européens à réformer les retraites
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