La Sacem et l'Adami, les deux principaux organismes qui gèrent les droits des musiciens en France, se sont mis d'accord pour demander la création d'une nouvelle "contribution", prélevée sur les abonnements à Internet. Cette taxe est nécessaire, jugent les organisations, pour compenser les pertes subies par l'industrie musicale depuis le début des années 2000, que la Sacem estime à 750 millions d'euros depuis 2003. "En aucun cas cette contribution ne représentera pour l'abonné plus de 1 euro par mois", précisent les deux organismes, qui ont déposé une proposition en ce sens auprès de la commission Zelnik, chargée de réfléchir à "l'après-Hadopi", et notamment au développement de l'offre légale et au financement de la culture. Cette commission doit rendre ses conclusions à la fin de l'année, lesquelles pourraient déboucher sur un nouveau projet de loi.
"Nous avons décidé de jouer le jeu de l'Hadopi", explique Bernard Miyet, le président de la Sacem. "Nous souhaitons que cette contribution soit modulable : si le niveau des échanges non autorisés diminue, si les ventes légales décollent, son montant baissera." A contrario, si la situation de l'industrie musicale ne s'améliore pas, le chiffre pourrait monter. Au total, la contribution pourrait rapporter entre 250 et 500 millions d'euros par an. Car si elle doit être limitée à 1 euro pour l'internaute, les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) seraient eux aussi mis à contribution, pour un montant non précisé.
Les deux organisations assurent que cette nouvelle source de financement est essentielle pour leur permettre de soutenir la création sur la scène française. Elles travaillent actuellement sur de nouvelles clés de répartition pour que cette nouvelle recette ne soit pas seulement redistribuée en fonction des ventes de disques, mais prenne aussi en compte les diffusions sur le Web, notamment sur Dailymotion, "ce qui permettrait de mieux prendre en compte les artistes auto-produits".
LICENCE GLOBALE ET OFFRE LÉGALE
Si les représentants des artistes sont sur la même longueur d'onde, le SNEP, qui représente les producteurs, considère que cette proposition risque d'être perçue comme une forme de licence globale. "Sur le principe, nous ne sommes pas d'accord : pour nous, cela revient à envoyer un signal qui dit : 'c'est interdit de pirater mais vous payez pour le piratage.' Cela ne viendrait à l'idée de personne d'instaurer, par exemple, une taxe sur la drogue !", déclare David El Sayegh, le directeur du SNEP. Bruno Boutleux, le directeur de l'Adami, préfère utiliser une autre métaphore : "C'est plutôt comme l'éco-participation : ce n'est pas parce que je la paie quand j'achète un sèche-cheveux que cela me donne le droit de le jeter dans une forêt. En aucun cas il ne s'agit d'une licence globale."
Les producteurs préféreraient obtenir une incitation fiscale pour les fournisseurs d'accès à Internet, en échange de versements à un fonds de soutien. "Plutôt que d'aller contre les fournisseurs d'accès, nous voulons créer des synergies avec eux. Il ne s'agit pas de leur signer un chèque en blanc, mais d'obtenir qu'en échange d'une baisse de la TVA ils s'engagent à favoriser l'offre légale. C'est aussi dans leur intérêt : un système d'offre légale attractif, c'est un excellent moyen de retenir des abonnés", estime David El Sayegh.
Sans surprise, les fournisseurs d'accès à Internet ne sont pas vraiment favorables à la proposition de la Sacem et de l'Adami. "Ces idées de contributions ne sont pas nouvelles, et nous y sommes farouchement opposés", s'agace Yves Le Mouël, le directeur de la Fédération française des télécoms, le syndicat des FAI. "C'est essayer de reproduire des modèles anciens dans un monde qui est en train d'évoluer à toute allure : les problèmes du secteur de la musique sont liés à un changement de société. La seule solution, c'est d'inventer de nouveaux modèles économiques. Les FAI ont besoin d'investir pour développer l'accès à Internet, et plus le Web se développe, plus les Français auront accès à l'offre légale. Ça ne sera pas possible s'ils sont taxés pour pallier les difficultés du cinéma, de la musique, de la presse..."
QUI PAIERA, LE CONSOMMATEUR OU LE FOURNISSEUR D'ACCÈS ?
Rien n'est encore décidé concernant l'avenir de cette proposition. La prochaine échéance sera la remise du rapport Zelnik, prévue pour la mi-décembre. Si l'idée de la Sacem et de l'Adami est reprise parmi les suggestions de la commission Zelnik, il faudra ensuite passer par une nouvelle loi avant une éventuelle mise en application. D'ici là, la situation peut évoluer, mais, alors qu'une nouvelle guerre des prix sur les abonnements semble s'amorcer, avec le lancement par Alice d'un nouveau forfait Triple play (télévision, Internet, téléphonie) à moins de 20 euros, il semble peu probable que les FAI répercutent sur la facture de leurs abonnés une augmentation, fût-elle de 1 euro. La quasi-totalité des offres s'établissant aujourd'hui à 29 euros, il est vraisemblable que les opérateurs préfèrent ne pas la répercuter sur les factures pour ne pas dépasser le seuil psychologique de 30 euros par mois.
Plutôt qu'une contribution payée par les internautes, s'agirait-il alors davantage d'une contribution des fournisseurs d'accès ? Bernard Miyet le confirme à demi-mot : "Pour des raisons commerciales, les FAI souhaiteront peut-être assumer l'essentiel de cette contribution. En tout cas, nous le souhaitons."
Damien Leloup
samedi 5 décembre 2009
Une "contribution" de 1 euro sur les abonnements à Internet pour la musique ?
ET ALLONS-Y UNE TAXE DE PLUS, Y'EN A MARRE !
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