TOUT EST DIT

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mardi 22 décembre 2009

Ségolène Royal, cauchemar du Parti socialiste


Ségolène Royal n'est plus Ségolène Royal. Deux ans et demi après sa défaite, la candidate à la présidentielle de 2007 a changé de statut. Non seulement elle n'a plus les faveurs de l'opinion, mais une majorité de Français désapprouvent désormais ses choix, son discours, sa stratégie. Elle ne passe plus, loin de là, pour la meilleure opposante à Nicolas Sarkozy, pire, elle est perçue comme un handicap pour l'opposition. Réalisée en décembre pour Canal+, une enquête BVA (1) montre que, pour trois Français sur quatre, Ségolène Royal est « plutôt un handicap » pour le Parti socialiste. Les deux tiers des sympathisants de gauche le pensent et 70 % des seuls sympathisants du PS. C'est surtout son positionnement, en fort décalage avec la formation de la rue de Solférino, quoique non en rupture avec elle, qui est sanctionné. Ainsi, 60 % des sympathisants de gauche et 62 % des Français interrogés pensent que la présidente de la région Poitou-Charentes devrait « soutenir les positions de son parti ».

Plus préoccupant encore : si elle apparaît comme un mauvais service rendu au PS, la stratégie de Ségolène Royal est aussi perçue comme jouant en sa défaveur. Sa cote de popularité est tombée à des niveaux qu'elle n'avait pas connus depuis de nombreuses années. Dans le baromètre politique de décembre TNS Sofres - Logica pour « Le Figaro Magazine » (2), seuls 28 % des Français disent souhaiter lui voir jouer un rôle dans les mois et les années à venir. Deux points seulement devant François Hollande et 10 points derrière la première secrétaire, Martine Aubry. Son fonctionnement très personnel et le privilège donné au temps court, celui du coup médiatique, sur le temps long, celui de la réflexion politique, ont lassé au-delà de ses plus fidèles soutiens. Sa glissade dans l'opinion a fini par persuader de nombreux ténors socialistes que Ségolène Royal ne constitue plus ni une menace pour eux-mêmes ni une chance pour 2012. Ceux qui, au PS, la croient politiquement finie sous-estiment la puissance de ses ressorts et surestiment leur propre capacité à rassembler les galaxies de la gauche. La « femme debout » a un genou à terre, mais elle peut tout à fait se relever.

Trois solides constats plaident en ce sens. Le premier est assez contre-intuitif : c'est le socle de crédibilité sur lequel peut encore s'appuyer Ségolène Royal. Avoir affronté Nicolas Sarkozy au deuxième tour et avoir réalisé un score plus qu'honorable continue de la qualifier pour la fonction auprès d'une part de l'électorat. Selon BVA, 39 % des sympathisants de gauche pensent qu'elle ferait « un bon président », à égalité avec Martine Aubry (40 %), derrière Dominique Strauss-Kahn et Bertrand Delanoë mais loin devant tous les autres.

Le deuxième constat est celui de son positionnement particulier, voire unique, à l'épicentre de trois univers de la gauche, ceux que l'institut Viavoice identifie comme la « gauche antisystème écologiste », la « gauche anticonsumériste » et la « gauche sociale-libérale ». Pour François Miquet-Marty, directeur général adjoint de Viavoice, « personne d'autre ne pourra parler dans les mois à venir à toutes ces familles à la fois ». Rester sur ses thèmes de prédilection, la famille, l'éducation et l'écologie, lui permet de renforcer cette position, potentiellement plus rassembleuse que celle d'une Martine Aubry (« gauche interventionniste ») ou d'un DSK (« gauche sociale-libérale »).

Au service de cette situation politique, Ségolène Royal, dispose d'une intuition intacte de ce qui monte de la société. Exemples : elle a été l'un des rares dirigeants politiques à se saisir de la question du stress au travail, juste avant que n'éclate la polémique autour des suicides en série à France Télécom, la première à identifier l'impopularité de la taxe carbone… Ce serait un tort de négliger ce lien particulier avec une « France d'en bas » si prompte à se détourner de la politique. Même s'il ne croit plus guère dans les chances de celle dont il a été très proche, le sénateur François Rebsamen observe : « On verra si notre prochain candidat fait autant de voix qu'elle dans les quartiers populaires… » Enterrer politiquement l'ancienne présidentiable socialiste serait d'autant plus prématuré qu'elle a déjà montré sa capacité de rebond. En septembre 2005, elle plafonnait à 30 % d'opinions favorables dans les sondages, à peu près son niveau actuel.

Le troisième élément est ce que son ancien directeur de campagne, Jean-Louis Bianco, appelle une « ténacité indestructible ». C'est cela qui inquiète le plus ses concurrents au PS : peut-elle conduire une Ségolène Royal qui donne de plus en plus de marques d'indépendance à se présenter en 2012, au besoin en s'affranchissant des primaires ? François Rebsamen doute qu'elle fasse cavalier seul : « Elle ne finira pas sa carrière politique en dehors du parti. » Mais tous ne partagent pas cet avis. Pour Pierre Moscovici, animateur des Ateliers du changement du PS, « il faut absolument internaliser Ségolène Royal », sous peine de la voir faire cavalier seul. Une peur souvent inavouée mais largement partagée au PS, car elle ressuscite le « cauchemar » de 2002, celui d'une double candidature dans la famille socialiste et radical-socialiste, synonyme d'absence au deuxième tour. « Si elle voit qu'elle n'a aucune chance aux primaires, ce qui est probable, ou si elle pense que le processus n'est pas sérieux, ce qui est possible, elle est capable de partir sous sa propre bannière, même pour faire 10 % », résume un hiérarque du parti. C'est l'un des grands enjeux internes des régio-nales : la perte d'une ou plusieurs régions (Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Ile-de-France pour citer les plus « fragiles ») et un large succès de Ségolène Royal en Poitou-Charentes la relanceraient pour 2012. Avec ou sans le PS.


JEAN-FRANCIS PÉCRESSE

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