TOUT EST DIT

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lundi 19 octobre 2009

Les absences de M. Hulot

TRIBUNE - Professeur au Cnam, Jean de Kervasdoué, auteur du livre Les Prêcheurs de l'apocalypse* réagit au film «Le Syndrome du Titanic».

Avec son «Le Syndrome du Titanic», une fois encore, Nicolas Hulot fait la une de la médiasphère bien-pensante. Cinéaste de talent, pédagogue hors pair, avec lui j'ai voyagé et gardé en mémoire la splendeur de montagnes que je ne gravirai jamais, j'ai ressenti la douceur de petits matins quand, dans la brume légère, s'élevait sa montgolfière, et admiré des fonds marins dans lesquels je n'aurai jamais plus l'audace de venir battre des palmes. Comme lui, la misère du monde me scandalise et l'obscène abondance me révulse d'autant qu'elle côtoie souvent la très grande misère. La biodiversité me passionne et, avec lui encore, quand il n'est pas trop tard, je pense qu'il faut tout faire pour préserver les espèces qui peuplent notre planète. Il dit ne pas être né écologiste, mais l'être devenu. Cela se voit quand on a fait, dans ce domaine, des études longues et tenté d'agir sur des écosystèmes fragiles, comme ceux du Sahel. Il est écologiste avec le cœur, il est écologiste «politique». Or, l'écologie politique n'est pas plus scientifique que ne le fut le marxisme, qui pourtant l'a longtemps prétendu et en a retiré, plusieurs décennies, une partie de sa triste légitimité.

Les cycles de l'eau, du carbone, de l'azote étaient déjà complexes, et pas encore toujours bien compris, avant que l'homme, semble-t-il, vienne y jouer un rôle significatif. Ceci rajoute un extraordinaire degré de complexité. Les sciences du milieu deviennent donc aussi des sciences sociales. Or, 40 ans d'analyse des politiques publiques me conduisent à… la modestie, même quand les politiques paraissent «évidentes». En science, le juge de paix n'est jamais l'hypothèse seule, c'est sa vérification. Donc si l'on veut agir sur l'homme pour que cette réaction ait éventuellement un impact sur le milieu, il faut décrire une chaîne de causalité complexe dans laquelle les bons sentiments sont exclus, aussi nobles soient les objectifs. Il faut certes vouloir, mais cela ne suffit jamais, il faut pouvoir et notamment savoir et donc ne pas se tromper de cible, d'ordre de grandeur et d'hypothèses. Or les montages cinématographiques ne sont jamais à ce niveau d'abstraction. Ils parlent au cœur et pas à la raison. Déjà, Al Gore juxtaposait dans son film des images de chaleur sèche et de prolifération d'insectes. Or ce qu'aiment les insectes, c'est l'humidité, avec ou sans hausse de température.


Les bienfaits de la modernité



Supposons que pour Nicolas Hulot, comme pour nous, ce soit l'homme qui compte. Sa remise en cause de la modernité à l'aide d'images catastrophiques ne peut pas prendre auprès de ceux qui ont plus de 20 ans dans le tiers du monde et plus de 50 ans dans les pays développés. Car les seniors occidentaux savent que depuis la guerre l'espérance de vie en France a augmenté de plus de vingt ans et que ces années furent aussi des années passées en meilleure santé. Nous nous souvenons aussi que le prix de la nourriture a fortement baissé, qu'elle est également d'infiniment meilleure qualité qu'à la fin des années 1950, grâce à la chaîne du froid, aux transports, aux engrais et aux pesticides. Soulignons une évidence qui semble oublier : les pesticides sont destinés à tuer des «pestes», certes on ne peut plus naturelles, mais néanmoins dangereuses pour l'homme car elles produisent des toxines dont la quasi-disparition a fait notamment baisser de manière spectaculaire les cancers gastriques. Peut-on également oublier que nous jouissons aujourd'hui du fait de ne plus avoir chaud ou froid. Qui peut prétendre que la climatisation en voiture par une belle journée d'été n'est pas un confort ? Le retour en arrière ne serait pas très populaire, sauf si effectivement on trouve, ce qui est souhaitable, des moyens d'avoir un confort analogue avec moins d'énergie. Techniquement, nous en sommes loin.

Pour les pays du Sud, à l'exception des pays en guerre et des pays sans État - souvent les mêmes d'ailleurs - les bienfaits de la modernité sont encore plus spectaculaires. La Chine a ainsi depuis 1948 gagné près de quarante années d'espérance de vie grâce aux vaccinations, la qualité de l'eau et surtout la révolution «verte» - la sélection de nouvelles variétés végétales - les engrais et les herbicides. De dramatiques inégalités demeurent dans ces pays. Mais nier la modernité en bloc est d'autant moins crédible que les alternatives proposées sont discutables.

Quelques exemples. Pourquoi manger bio dans les cantines scolaires, ou chez soi ? Deux études, l'une française, l'autre anglaise, montrent qu'il n'y a aucun bénéfice en termes de santé ou en termes de goût à manger «bio». Chacun sait aussi que non seulement les produits «bio» sont plus onéreux mais qu'ils se conservent mal du fait de la présence de parasites «naturels». Certes les cultures «bio» protègent plutôt bien l'environnement, mais à quel prix ! Il faudra bien nourrir les 2,5 milliards d'humains qui s'annoncent. Ne peut-on pas protéger l'environnement autrement ? Cela est possible, notamment par les améliorations génétiques et les herbicides qui peuvent dès aujourd'hui diviser par neuf le gasoil utilisé par hectare. Mais les croyants aux bienfaits du «bio» préfèrent l'invective au dialogue. On n'est pas dans l'ordre du débat scientifique, mais dans celui des croyances quasi religieuses : les partisans du «bio» excommunient plus facilement qu'ils n'argumentent.


Sus à la désinformation



De même, la désinformation sur les OGM est considérable. Les Français ignorent ainsi que l'amélioration du traitement des diabétiques vient d'un OGM. Que les cochons nationaux sont nourris au soja américain génétiquement modifié. Mais les porcs ne deviennent pas phosphorescents et il m'arrive d'en manger ! Contrairement à ce que prétend Nicolas Hulot, les 120 millions d'hectares d'OGM plantés dans le monde (quatre fois la surface cultivable de la France) ne sont pas dangereux pour l'homme. Enfin, faut-il l'accompagner dans son soutien de la taxe carbone ? Supposons qu'il soit urgent et nécessaire de limiter la croissance des gaz à effet de serre. On est alors en droit de se demander si c'est le moyen le plus efficace pour y arriver. On peut en douter. En effet, on sait que chaque milliard de dollars de production en Inde et en Chine s'accompagne d'un rejet de gaz à effet de serre 15 fois supérieur à une production comparable en France. Ne faut-il donc pas mieux aider ces pays plutôt que de taxer les Français ?

L'idéologie française que symbolise Nicolas Hulot, celle qui a conduit au principe de précaution est une idéologie politique, une idéologie de peur, une idéologie de passion, une idéologie qui colle au monde des images, où seule l'émotion passe et avec elle la paralysie. Ne pas prendre de risque conduit toujours à en prendre un et Nicolas Hulot donne une image sympathique, généreuse, humaine à des idées plus… discutables. Elles pourraient aboutir à l'opposé des buts recherchés. Certes, il faudra bien que l'homme se désapprenne des énergies fossiles, et le plus tôt sera le mieux, mais ce n'est pas en regardant en arrière, ce ne sera pas par la peur et ce ne sera pas non plus par un déversement d'une facile dégoulinade de bons sentiments qui ignorent le débat scientifique et les intérêts de chacun, sinon de tous.

* Plon 2007

AVEC LA TÊTE DE CON DE JOLIVET DERRIÈRE LUI, IL EST D'UN RIDICULE HULOT, IL MÉRITE DES VACANCES.

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