TOUT EST DIT

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lundi 22 juin 2009

Les armes redoutables de la répression en Iran

En coulisse, plusieurs centaines de personnes auraient été arrêtées depuis dix jours.

À terre ou via les airs. À coups de matraque ou de gaz lacrymogènes. Par canons à eau ou à balles réelles. Les autorités n'hésitent pas à recourir à une très large panoplie de moyens pour réprimer sévèrement les manifestants, ou intimider les responsables politiques et les envoyés spéciaux des journaux étrangers, qui ont dû finalement plier bagages. Depuis le discours vendredi d'Ali Khamenei, le guide suprême, qui ordonna aux protestataires de cesser leur fronde, la bride a été lâchée sur les unités antiémeutes. «Le régime a intégré le fait que le bilan de la répression peut être lourd, ça ne lui fait pas peur, explique un diplomate arabe à Téhéran. Dans un régime autoritaire, la violence fait partie de l'exercice du pouvoir», ajoute-t-il.

Chez les forces de l'ordre, la confrontation est conduite par un mélange de policiers antiémeutes, de miliciens islamiques du bassidj, de gardiens de la révolution (pasdarans) et d'éléments non identifiés. Une fois les rassemblements dispersés à coups de trique, des motos foncent sur les manifestants, qui refluent dans les ruelles adjacentes. En tandem souvent sur leurs deux-roues, les miliciens n'opèrent pas seuls : ils sont guidés par les hélicoptères blanc et bleu de la police, qui tournoient au-dessus d'eux.

«Les hélicoptères rendent compte immédiatement de ce qui se passe dans la rue», souligne un expert. Lundi dernier, les appareils de la municipalité de Téhéran auraient évalué à trois millions le nombre des participants à la marche pro-Moussavi. Du jamais-vu depuis la chute du Shah en 1979. D'où, selon certains, ces actes de vengeance perpétrés, quelques heures plus tard, dans les dortoirs de l'université de Téhéran, où cinq étudiants - trois filles et deux garçons - furent sauvagement assassinés. Leurs familles auraient reçu l'équivalent de 240 euros de compensation… Ils avaient été «vendus» par des indics, ou repérés par des caméras de surveillance installées dans les rues de la capitale.

Armés de machette

Avec leur casque et leur barbe de plusieurs jours, les bassidjis sont facilement reconnaissables. Dans les manifestations, certains sèment la terreur avec leur machette. «Ils viennent d'attaquer une fille», s'écriaient samedi des badauds, sur le boulevard Fatémi, non loin de la place de la Révolution, où deux mille intrépides venaient encore de défier le pouvoir. Sur le trottoir, deux bassidjis se hâtaient pour reculer ; l'un d'eux, la tête enveloppée dans un bandage. Le pouvoir n'en parle pas. Mais il y aurait aussi des pertes parmi les forces de l'ordre. Ces derniers mois, profitant de la proximité des marchés afghan et irakien, de plus en plus de familles, en effet, se sont armées.

Depuis plus d'une semaine, des unités pasdarans sont disséminées dans toute la ville de Téhéran. La journée, leur présence passe inaperçue au regard du profane. Le soir, en revanche, certains quartiers nord, haut lieu de la contestation, sont littéralement quadrillés par les gardiens de la révolution, qui multiplient les barrages, à partir de 22 heures. Et dès qu'un groupe de jeunes crie sa colère, les pasdarans n'hésitent pas à les tabasser copieusement. Certains sont même allés jusqu'à pénétrer dans un hôpital pour empêcher les chirurgiens d'opérer des manifestants blessés, selon un habitant du quartier de Vali Asr.

Dans leurs basses besognes, ils sont épaulés par les agents du ministère des Renseignements, qui écument les maisons pour faire stopper les cris d'«Allah Akbar» (Dieu est grand), scandés chaque nuit par des milliers de jeunes, depuis le toit de leurs immeubles. Redoutables grandes oreilles iraniennes : malgré les sanctions qui frappent la République islamique, en raison de ses ambitions nucléaires, elles ont encore réussi à acquérir du matériel sensible auprès de sociétés allemandes, pour mieux écouter les téléphones portables.

À la répression et aux arrestations s'ajoutent les manœuvres d'intimidation. Contre les dirigeants politiques réformateurs, qui ne veulent plus parler à la presse étrangère, de peur des représailles. Mais surtout contre ceux qui ont été arrêtés : «Avant de les libérer, raconte un autre diplomate, on leur fait comprendre que s'ils continuent de soutenir les frondeurs, leurs familles seront alors sérieusement inquiétées.»

Les pressions ont également redoublé contre la presse étrangère. Samedi, deux policiers se sont déplacés à notre hôtel, porteurs du message suivant : «Votre visa expire ce soir à minuit. N'essayez pas de prolonger votre séjour, vous serez dans l'illégalité. Personne ne pourra alors garantir votre sécurité.» Tous les journalistes étrangers ou presque devaient quitter Téhéran, ce week-end. Dimanche soir, un journaliste canadien de Newsweek a été arrêté.

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