À l'occasion des européennes, la première secrétaire et l'ex-candidate jouent mercredi soir les retrouvailles devant les militants.
«Back to normalitude !» La formule est de Benoît Hamon. À moins que ce ne soit une plaisanterie… Pas de quoi faire un fromage, affirme-t-il, du meeting qui réunit Martine Aubry et Ségolène Royal, mercredi soir à Rezé, dans la banlieue nantaise. Ah bon ? Pourtant, depuis l'épilogue du congrès de Reims, ce sera la première fois que la numéro un du PS et l'ex-candidate à la présidentielle se reverront. Une affiche de rêve pour les militants qui n'aspirent qu'à l'unité du parti. Entre les deux rivales, la haine, la rancune, le ressentiment, l'incompréhension n'ont pourtant jamais disparu. Autant dire qu'à moins de deux semaines des européennes, ce meeting est un événement. Pour le PS, il sera, à n'en pas douter, l'un des temps forts de la campagne. Plus qu'un cliché, un symbole. Factice peut-être, ambitieux sûrement, fragile surtout. «En période de guerre froide, on appellerait cela une normalisation», plaisante à peine une proche de Royal. Pour qualifier l'état des relations entre les deux adversaires, les socialistes ont choisi leur expression : «la paix armée».
Mardi, elles se sont parlées au téléphone. C'est exceptionnel. Mercredi soir, après s'être entretenues en tête à tête, l'une et l'autre s'efforceront de donner le change à la tribune. «Il y a eu des meetings avec Laurent Fabius, Bertrand Delanoë, Vincent Peillon, François Hollande. On termine avec Ségolène. Il n'y a rien de plus naturel que le parti se réunisse pour les élections», assure Aubry. Ce meeting n'est pas «un sujet dans le sujet, affirme pour sa part Royal. Il n'y a pas de story entre nous. Le problème, c'est la mobilisation des électeurs.»
Pourtant, l'opposition de leurs deux caractères ne cesse d'alimenter la chronique. «Les choses sont beaucoup plus simples qu'on veut bien le dire», tempère Aubry. «Mais peut-être le fait qu'on soit des femmes attise» les commentaires sur leur rivalité, tente-t-elle d'expliquer. De son côté, Royal joue aussi l'apaisement : «Nous avons des relations normales, responsables. Même si ce n'est pas facile après le congrès. Mais je tourne vite une page. On souhaite normaliser les choses.» Plus facile à dire qu'à faire. Le chemin à parcourir est encore long.
Côte à côte, si ce n'est ensemble pour soutenir la tête de liste dans l'Ouest, Bernadette Vergnaud, Martine Aubry et Ségolène Royal se retrouveront sur la même estrade à 19 h 30. La réunion n'a pas été facile à organiser en réalité. Elles ont laissé leurs lieutenants, François Lamy pour Aubry et Jean-Louis Bianco pour Royal, régler les détails de l'organisation. Au PS, gérer les relations entre les deux femmes relève presque d'un job à temps plein.
Benoît Hamon en sait quelque chose. Ce vendredi d'avril, il est bien embêté. Depuis le matin, à la radio, on ne parle que de cela : Martine Aubry et Ségolène Royal pourraient participer à un meeting commun… C'est vrai, l'idée est dans l'air, rue de Solferino, depuis quelque temps. En tant que présidente de la Région Poitou-Charentes, l'ancienne rivale du congrès devrait logiquement être présente au meeting régional du Grand Ouest. Mais pour l'instant, personne, au sein de la direction du PS, n'a pris le soin de vérifier auprès d'elle ses intentions. «Je devrais peut-être appeler…», s'interroge le porte-parole du parti, qui se déplace ce jour-là dans le Pas-de-Calais. Il sort son téléphone, compose le numéro de Jean-Louis Bianco, principal interlocuteur des aubrystes chez les royalistes et plus fidèle soutien de l'ex-candidate. Il tombe sur le répondeur. «Bonjour, c'est Benoît Hamon… Je t'appelle à propos du meeting du Grand Ouest… Je ne suis pas en mission officielle… Mais je pense que ce serait bien d'en parler… Bon… À bientôt». Il raccroche. «Je pourrais aussi téléphoner à Rebs…» Le maire de Dijon, François Rebsamen, est un autre négociateur royaliste… Mais un négociateur retors. Benoît Hamon hésite, réfléchit encore un peu… «Est-ce qu'il faut que j'appelle Ségolène directement ?» Pas devant un journaliste en tout cas. Pour un membre de la direction de Martine Aubry, téléphoner à Ségolène Royal n'est pas un acte anodin.
Le vote de Reims, à 50-50, n'a rien tranché
Le contentieux est lourd. Elles se détestaient déjà lorsqu'elles siégeaient dans le gouvernement Jospin. «Elle me regarde toujours comme quand j'étais sa sous-ministre», confie Royal dans son dernier livre. D'ailleurs, elle n'a pas figuré longtemps sur la liste des invitées aux déjeuners des femmes ministres : les autres ne voulaient plus la voir. Depuis, les temps ont changé : Aubry a connu des échecs, Royal un succès en étant investie candidate à la présidentielle en 2007. Et au bout du compte, le vote de Reims sur le poste de premier secrétaire, à 50-50, n'a rien tranché.
L'organisation du rassemblement du 1er mai l'avait montré. La direction du parti avait annoncé la présence de Ségolène Royal dans le cortège socialiste à Paris. Mais la présidente de Poitou-Charentes a préféré manifester avec les salariés d'Heuliez, dans sa région. C'était l'excuse officielle. En fait Royal n'avait pas apprécié d'avoir été mise devant le fait accompli alors qu'elle n'avait pas été invitée au meeting de lancement de la campagne européenne des socialistes à Toulouse.
Tenue à l'écart, l'ex-candidate mène aussi sa vie en dehors du PS : colloque divers et variés avec son association Désirs d'avenir, voyages à l'étranger, déplacements de terrain dans sa région… «Aubry n'a pas souhaité traiter la question du rôle de Ségolène Royal dans le parti. Alors, Ségolène Royal n'a pas voulu faire une campagne parallèle. Si elle avait fait des meetings, cela aurait été interprété comme cela. C'est à la direction de campagne de dire ce qu'elle souhaite», explique Delphine Batho, membre de la garde rapprochée de l'ex-candidate. C'est dans ce contexte qu'a surgi l'idée du meeting de Rezé.
Mais avant de venir, Royal a tenté de négocier sa présence. «Il y a quinze jours, en réunion, elle nous a dit : “Je suis brave fille, quand on m'a demandé d'aller soutenir les candidats aux législatives j'y suis allée, aux municipales, pareil. On me demande toujours d'y aller mais je n'ai rien en retour”», raconte un de ses proches. Chez Aubry, on a répondu ne pas avoir connaissance des désirs de Ségolène Royal… Alors elle a envoyé un courrier. «J'ai reçu ses propositions la semaine dernière, expliquait mardi Martine Aubry. Nous en discuterons après l'élection. Je n'ai pas à gérer Ségolène. Je souhaite qu'elle se sente bien dans le parti.» Dans l'entourage de Royal, on commente sobrement, mais sans naïveté : «Martine a pris un engagement, nous n'avons pas de raison de ne pas la croire.» Autant dire qu'ils le lui rappelleront en temps voulu.
Ce que Royal veut ? Une responsabilité officielle au PS et «des moyens humains». De préférence, la présidence de l'Association des Régions de France. Sinon, la présidence de la Fneser, (la fédération des élus socialistes), qu'elle avait déjà demandée après Reims. «On nous a répondu que ces postes étaient déjà occupés. Heureusement !», dit-on chez les royalistes. Royal accepterait aussi une mission à l'internationale. En fait, n'importe quoi qui la sorte par le haut de l'isolement dans lequel Aubry a réussi à la cantonner. Toutefois, ce marchandage en pleine campagne n'a pas été apprécié par les militants. C'est pourquoi Royal a d'elle-même corrigé le tir : «Je viens sans préalable, dans l'objectif de l'unité du parti», explique-t-elle.
Mais la question du rôle de Royal au PS reste posée. «Je suis sûre qu'on trouvera la place qui lui revient, celle qu'elle souhaite», a promis la première secrétaire. Les tractations auront lieu après les élections. D'abord, parce que le score du PS aux européennes déterminera le poids politique de Martine Aubry face à Ségolène Royal. Mais aussi parce que pour l'heure, le PS ne veut pas donner l'image d'un parti qui ne parle qu'à lui-même. «Ces débats entre nous n'ont qu'un impact : renforcer l'idée que les socialistes ne s'intéressent qu'à eux-mêmes», soupire Manuel Valls, ex-proche de Royal.
«Obnubilés par Ségolène»
Pire que glaciales, les relations entre les deux dames s'étaient congelées après le congrès, avant de s'améliorer lentement sous la pression de la base. «Martine Aubry est la chef du PS et moi, je suis derrière», lâche Ségolène Royal fin février. Un signal pour Solferino comme pour ses proches. Dans la foulée, quelques royalistes intègrent la direction.
De son côté, Martine Aubry a elle aussi consenti à quelques efforts. Un mois et demi plus tard, lorsque l'ex-candidate s'excuse en Afrique pour les déclarations de Nicolas Sarkozy sur «l'homme africain», la chef du PS approuve et défend sa rivale attaquée par l'UMP. «Elle a eu raison de tenir un discours qui recrée un lien pas seulement affectif mais humaniste entre l'Afrique et la France», commente-t-elle. À ce moment, on pense alors à la direction du parti que Ségolène Royal ne représente plus un danger immédiat. «Le courant de Ségolène s'est décomposé. Il n'y a plus de porte-parole ségoliste agressif aujourd'hui dans le parti. Ségolène est dans une autre temporalité : se maintenir dans l'opinion pour la prochaine présidentielle. Martine n'en est pas là», assure un membre de la direction. Avant, pendant et après le congrès, les partisans d'Aubry s'étaient fixé une ligne de conduite à l'égard de l'ex-candidate : y penser toujours, n'en parler jamais. Voilà pourquoi tous ont pris soin de ne pas ironiser lors du deuxième pardon de Royal adressé à José Luis Zapatero. «On a bien tenu, on a refusé de s'exprimer», confiait alors un lieutenant d'Aubry.
«En fait, ils sont obnubilés par elle», se réjouit un royaliste. Aubry est-elle si sûre d'avoir réglé le problème Royal ? «Dès lors que je ne considère pas être à la tête du PS pour accomplir un destin personnel, mais pour suivre un chemin collectif, le résultat des élections sera collectif», assure Martine Aubry. Façon de dire qu'en cas d'échec, tout le monde au PS aura sa part de responsabilité. Royal compris. Martine serait-elle désormais prête à tout partager avec Ségolène ?
POUVU QUE SÉGO NE NOUS FASSE PAS ENCORE LE COUP DU GRAND PARDON
mercredi 27 mai 2009
Aubry-Royal : la réconciliation de façade
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire