TOUT EST DIT

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mardi 4 novembre 2014

Pourquoi la France coule

Depuis une quarantaine d’années, l’Europe et les entreprises françaises internationales ont permis de sauver la France du naufrage. Mais cela ne suffit plus pour nous maintenir à flot : nous coulons.
Le gouvernement français est passé sous le contrôle de la Commission européenne après n’avoir pas tenu sa promesse de réduire la dette publique. En réalité, depuis trente ans, les gouvernements se sont tous montrés incapables d’équilibrer leur budget. La contradiction entre cette gestion catastrophique de l’État et la relative prospérité de la France reste un mystère. « Le gouvernement français se trompe sur tout, et pourtant le pays fonctionne », me déclarait Milton Friedman dans les années 1980. Milton Friedman expliquait cette contradiction entre une politique économique étatisée et un taux de croissance relativement satisfaisant par la fraude et le marché noir. « On ne paye pas ses impôts et l’on n’applique pas les réglementations trop strictes : les entrepreneurs peuvent donc continuer à produire et à innover. »
Dans le cas où l’hypothèse de Friedman serait juste, le marché noir et la fraude ne suffisent pas, aujourd’hui, à maintenir la croissance. Pour décrire la tendance, les médias emploient une expression paradoxale : croissance négative. La population française augmentant de 1% par an, une croissance négative signifie que le revenu par personne décline. Pour la classe moyenne, le choc peut être moins violent – on hérite d’un capital ou d’une maison de campagne. Pour les plus jeunes, la croissance négative signifie moins d’espoirs et pas d’emplois. Même pour les enfants de la bourgeoisie, les stages non rémunérés sont devenus la norme.
Cet effondrement de l’économie française ne doit pas être imputé exclusivement au gouvernement socialiste. Il est vrai que François Hollande n’a guère amélioré les choses en déclarant, lors de son élection, qu’il considérait le monde de la finance comme son pire ennemi, pour clamer deux ans plus tard son amour pour les entrepreneurs. Si Hollande était un vrai socialiste, les entrepreneurs pourraient s’adapter : plus déstabilisant, il se montre imprévisible. Ses gouvernements promettent de réduire la dette publique, mais elle augmente. Hollande annonce aux entrepreneurs qu’il va leur simplifier la vie, mais ajoute de nouvelles réglementations au nom de la protection de l’environnement. Ces étranges politiques n’expliquent pas à elles seules la tragédie en cours : le déclin a vraiment commencé dans les années 1980, quand le gouvernement n’a pas vu que la mondialisation nouvelle allait détruire la manière française traditionnelle de gérer l’économie par des monopoles, des marchés fermés etun capitalisme de copinage. Au lieu de Margaret Thatcher et Ronald Reagan, les Français ont élu une série de présidents centralisateurs, de gauche comme de droite. Au lieu de déréglementation et de souplesse, tous ces dirigeants ont, sans exception, augmenté les impôts et les réglementations. Le paroxysme de cette tendance à contretemps fut atteint en 1998, avec la loi des 35 heures, qu’aucun gouvernement n’a encore osé supprimer.
la france coule rené le honzecIl nous faut aussi dépasser l’hypothèse de Friedman pour comprendre comment une poignée d’entrepreneurs français parvient encore à générer de la croissance. L’économie française ne s’effondre pas encore pour deux raisons essentielles. Tout d’abord, un nombre de très grandes entreprises parvient à contourner les restrictions en devenant globales. L’armement, les transports, les chaînes de distribution, le luxe, les banques et les compagnies d ‘assurance font la plupart de leurs affaires, et de leurs profits, à l’étranger. Seul leur siège social reste à Paris, pour bénéficier de l’image positive du « made in France ». Si leurs performances sont notables sur le marché international, il faut souligner que toutes ces entreprises ne datent pas d’hier. Parmi les 40 premières entreprises françaises qui dominent le marché, aucune n’a moins de 50 ans. En France, l’entreprenariat est davantage fondé sur un héritage bien géré que sur l’innovation.
Le second pilier qui maintient l’économie française est l’Europe. Les États européens restent les premiers clients de la France. La centralisation française est compensée par le marché libre de l’Union européenne : l’Europe limite la tendance française à tout réglementer et tout nationaliser. La Banque centrale européenne a mis un terme à la longue histoire d’amour entre la France et l’inflation. Si l’Euro semble fragile, le Franc était un fléau, menant, à travers l’inflation, à la déstabilisation répétée de la société.
Depuis une quarantaine d’années, l’Europe et les entreprises françaises internationales ont donc permis de sauver la France du naufrage. Mais ces bouées de sauvetage ne suffisent plus pour nous maintenir à flot : nous coulons. Le processus est probablement trop lent pour susciter un véritable sentiment d’urgence. Il est vrai que l’on parle de réformes, mais aucun leader politique et peu de commentateurs n’osent être précis sur le contenu de ces réformes. En un mot, la France aurait besoin d’une « destruction créatrice », le mot de Joseph Schumpeter (en 1940 quand il enseignait à Harvard) pour décrire le capitalisme en action. Manuel Valls ne va pas dans ce sens. Si le gouvernement était vraiment sérieux, il prendrait deux décisions radicales : abolir les 35 heures et autoriser l’exploitation du gaz de schiste, abondant. Ces deux verrous sont des freins à la croissance et des tabous politiques. Hélas ! Manuel Valls répète qu’il ne brisera pas ces idoles, mais se consacre à des « réformes », aussi insignifiantes que le nombre des régions. Il ne faut pas uniquement rejeter la faute sur sa lâcheté politique : il paraît impossible d’être élu en France avec un programme fondé sur le libre marché, quand un tiers de la population vit d’un emploi dans le secteur public ou de l’aide publique.

Voici pourquoi, pour la première fois dans l’histoire de France, des jeunes entrepreneurs quittent en masse leur pays pour commencer une nouvelle vie ailleurs : le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, l’Allemagne et la Chine étant leurs destinations de choix. Un tel exil volontaire est sans précédent. On estime à trois millions le nombre de citoyens français, la plupart jeunes et actifs, ayant choisi de rester français mais pas en France. Ils rentreront chez eux pour les vacances, rendre visite à leurs vieux parents ou pour leur retraite. Le futur de l’économie française pourrait bien se trouver hors de France.

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