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lundi 22 septembre 2014

Quinquennat de Nicolas Sarkozy : un droit d'inventaire

Maxime Tandonnet, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, dresse le bilan du quinquennat de l'ancien chef de l'État alors que celui-ci a fait son retour politique sur France 2 ce dimanche.
Le bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy fait l'objet d'une sorte de
tabou. Un leader socialiste affirme qu'il est «son boulet» mais sans la moindre esquisse de démonstration tandis que les partisans de l'UMP n'en parlent que rarement et ne cherchent pas à le défendre. Chacun semble préférer l'oubli. La défaite électorale de mai 2012 a marqué une sanction populaire, dans un contexte économique extrêmement difficile, à la suite de la crise des subprimes et de plusieurs années d'augmentation continue du chômage. Cet échec, dans un climat de forte impopularité - mais loin d'atteindre celle de son successeur - ne suffit pas à caractériser un bilan. L'histoire montre que l'on peut perdre une élection sans avoir démérité, à l'image de Valéry Giscard d'Estaing en 1981, à l'origine de grandes réformes et d'une gestion économique sérieuse, dernier président sous lequel le budget a été voté en équilibre et qui a laissé la France dans une sitution financière saine.
La vision que l'on peut avoir du mandat de Sarkozy est double: un volontarisme et un courage qui se sont traduit par un travail de réforme profonde du pays, mais aussi une pratique du pouvoir, un style, «une gouvernance» qui ont conduit sa politique dans une impasse, expliquant sa défaite de mai 2012.
Le président Sarkozy avait été élu en 2007 sur un programme détaillé, particulièrement précis qui a servi de feuille de route à son mandat. Il se considérait comme personnellement responsable devant les Français de sa réalisation et suivait lui-même, au jour la jour, sa mise en oeuvre, mettant le Gouvernement et sa majorité au Parlement sous pression afin de tenir ses engagements. «Nous sommes en train de transformer le pays comme il ne l'avait jamais été depuis 1958» avait-il coutume de déclarer, se référant aux grandes réformes institutionnelles du Général de Gaulle. Dans le contexte de la crise planétaire, la modernisation du pays a progressé à un pas accéléré: libération des énergies avec le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux, l'allégement de la fiscalité de l'héritage, la défiscalisation des heures supplémentaires, la suppression de la taxe professionnelle, véritable boulet pour les entreprises; grandes réformes de structures, autour du service minimum ou de l'autonomie des université; action en profondeur sur la sécurité des Français, une priorité absolue chez lui avec le rapprochement police/gendarmerie au ministère de l'Intérieur, la loi anti-bande, la sanctuarisation des établissements scolaires, la police de l'agglomération parisienne, les peines planchers pour les multirécidivistes, la rétention de sûreté; le renouveau de la politique de l'immigration autour d'une quinzaine d'accords de gestion concertée avec les pays d'origine. Le chef de l'Etat des années 2007-2012 a été le premier depuis le début des années 1980 a réussir une réforme sociale de grande ampleur en refusant de céder à des manifestations de masse et blocages multiples en octobre 2010 avec l'indispensable relèvement de l'âge de départ à la retraite à 62 ans.
Alors, qu'a-t-il manqué à son mandat, expliquant l'échec de 2012? Le mode de sa présidence a gâché, aux yeux des Français, l'excellent travail de fond qui était en cours. Sans doute est-ce là le revers de la médaille de son engagement, mais sa présidence a été ressentie comme beaucoup trop personnalisée. En voulant gouverner le pays depuis l'Elysée, le chef de l'Etat s'est exposé personnellement, concentrant sur sa personne le malaise d'une époque et les inquiétude des Français. Le Premier ministre s'en est trouvé effacé et dans l'incapacité de jouer son rôle de fusible, protégeant le président de la République. D'où les polémiques à répétition, visant l'Elysée, qui ont affaibli Nicolas Sarkozy. Le chef de l'Etat a été perçu comme exagérément clivant, leader d'une majorité et non pas, comme le veut la Constitution, en arbitre au dessus de la mêlée, au-dessus des partis, incarnant la Nation. Sa politique «d'ouverture», consistant à promouvoir des personnalité de l'opposition a mécontenté tout le monde, ressentie comme tactique plutôt que consensuelle. Cette dérive des institutions vers une personnalisation excessive, généralement attribuée au quinquennat, a pris une ampleur particulière sous la présidence Sarkozy, du fait de l'activisme et de l'omniprésence de celui-ci. Le passage de «l'hyperprésidence» à la présidence «normale» n'a rien changé à la surexposition présidentielle, à la dérive partisane de l'Elysée, à une personnalisation des enjeux qui confine à l'absurde. Peut-on concilier volontarisme dans la réforme et une pratique des institutions plus conforme à la Constitution: le président préside avec la hauteur et le recul nécessaires, trace les grandes orientations, dirige la politique étrangère, dans un climat de relatif consensus, de paix civile autour de son image, tandis que le gouvernement gouverne, accomplit des choix et s'expose? Faute d'un retour au septennat, peu probable, beaucoup dépend des comportements personnels à venir et de l'équilibre entre l'Elysée et Matignon, sur le fondement de la Constitution de 1958 qui confie sans aucun doute possible la responsabilité du gouvernement de la France au seul Premier ministre.

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