TOUT EST DIT

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mercredi 30 avril 2014

Alstom : Ce que le gouvernement aurait pu faire pour éviter le ridicule


Le conseil d’administration d'Alstom a donc voté pour la solution proposée par General Electric. C’était prévisible. Les deux entreprises travaillent déjà ensemble depuis des années et leurs directions préparaient la négociation depuis plusieurs mois. Siemens va sans doute essayer de plaider son offre, mais ça parait mal engagé. Le gouvernement dans cette affaire a été en dessous de tout. Il y avait pourtant des solutions.

Dans cette affaire Alstom, le gouvernement aura touché le comble de l’incompétence et du ridicule. Non seulement le ministre de l’Économie a encore une fois trop parlé. Il a même pour justifier sa méconnaissance du dossier reproché à Patrick Kron le PDG d’Alstom, de ne pas l’avoir informé… Pire, il l’a accusé de lui avoir dissimulé l’information. On rêve, ou on est au cirque.  Mais ce n’était pas son job que de le faire.


Le principal actionnaire d’Alstom, Martin Bouygues n’a pas cessé de voir Arnaud Montebourg pour essayer d’arracher SFR à vivendi. Peine perdue. Vivendi n’a pas vendu à Martin Bouygues en dépit des menaces du ministre de l’Économie. Cela dit, on a du mal à imaginer que les deux hommes n’aient parlé que de SFR. Ils se sont vus sans discontinuer pendant deux mois. Ils ont parlé de quoi ? De TF1… sans doute mais pas seulement. Passons.
Le plus grave dans cette affaire c’est que le gouvernement n’ait aucune solution alternative autre que d’appeler au dernier moment Siemens pour laisser entendre qu’il y aurait une solution européenne. Sauf que tout le monde sait que Siemens ne peut pas s’entendre avec Alstom depuis des lustres et qu’en plus, la commission de Bruxelles aurait sans doute retoqué un projet de rapprochement entre Siemens et Alstom pour abus de position dominante.
Des solutions alternatives, il y en avait pourtant. Et si le gouvernement s’était senti concerné par ces questions de politique industrielle, il aurait forcément trouvé quelques experts à Bercy qui ont planché sur le dossier. Il suffisait de se poser les bonnes questions. Pas besoin de mettre des micros dans le bureau de Patrick Kron.
Première question : Pourquoi fallait-il adosser Alstom a une grande entreprise internationale ?  Après tout Alstom vivait seule jusqu’à maintenant. Certes, mais Alstom était décidément trop petit pour affronter les grands marchés émergents sur le rail (TGV) comme sur l’énergie. Trop petit pour assumer la concurrence. Trop petit et trop spécialisé pour supporter des endettements croissants. La production Alstom nécessite des financements clients très lourds. Le rail comme les turbines qui produisent l’énergie ont des cycles de production très longs. Entre la commande et la livraison, il faut tenir un an, voire deux. Il faut donc financer ce cycle. Surtout que les clients sont souvent des clients publics. Ils paient mal. Sans compter les besoins de financement pour l’investissement industriel. Alstom a toujours eu un problème d’endettement, et a toujours cherché à s’adosser à un groupe qui pouvait amortir ce besoin de financement. Le rapprochement avec Siemens était compliqué parce que les deux groupes sont dans la même situation ; ils produisent la même chose. Le rapprochement avec General Electric parait beaucoup plus cohérent parce que GE est un conglomérat dont les activités lui permettent de mutualiser les besoins de financement. GE a les moyens de répondre au problème d’Alstom sans casse sociale. Bien au contraire. 

Deuxième question, Martin Bouygues n’est-il pas vendeur de sa participation.La réponse est oui. C’est l’autre raison qui explique la nécessite de trouver un partenaire, la décision de Bouygues de revendre sa participation dans Alstom a été prise de longue date. Cette participation n’avait pas de sens pour Bouygues qui risquait de perdre beaucoup.  Bouygues possède 29,6 %  et difficile de vendre un tel paquet sur le marché. Il fallait donc trouver un acheteur.
GE répond aux deux questions. Il apporte une stratégie industrielle et une solution de liquidité à Bouygues. Maintenant, si l’état avait été habité par cette préoccupation de politique industrielle, il avait des schémas disponibles. Les projets existaient depuis des mois à Bercy. Aucun politique ne s’en est emparé.
Le projet le plus abouti qui est dans les cartons de Bercy, se déroule en trois étapes.
Première étape : Puisque Martin Bouygues voulait vendre, ce qui n’était un secret pour personne, l’État français pouvait très bien racheter à titre provisoire et libérer Martin Bouygues. Dans ces conditions l’État pouvait alors piloter un projet d’adossement.
Deuxième étape : L’intérêt d’Alstom n’étant pas d’aller dans les bras de Siemens, l’État français pouvait lancer un appel à candidature dans le secteur du rail ou de l’énergie. Il y a en Europe plusieurs groupes industriels qui auraient été intéressés.
Cette opération de Monopoly n’était pas très éloignée de celle que Nicolas Sarkozy voulait initier entre Bouygues, Alstom, EDF et Areva. Nicolas Sarkozy  voulait créer un groupe mondial spécialisé dans l’énergie nucléaire (et pas seulement). La pression politique et la crainte de se voir accusé de favoriser un de ses amis la paralyse. La crise aussi est passée par là et a écrasé cette sorte d’imagination. N’empêche que le projet industriel tenait la route et que c’est la politique qui l’a tué.
Le gouvernement aurait pu reprendre cette même logique. Les services d’EDF ont d’ailleurs planche sur cette opportunité en l’élargissant à l’Europe toute entière. Il y a en Allemagne et en Italie des groupes qui cherchent comme Alstom une taille critique pour partir à l’assaut du marché chinois. On aurait pu créer une sorte d’Airbus de l’énergie.
Alors pourquoi, le gouvernement n’a-t-il rien préparé ?
Parce que pendant un an il ne s’est occupé de rien sur le front de l’économie. Parce que la gauche a cru que les patrons étaient tous des voyous et qu’il ne fallait surtout pas les fréquenter. Parce que la France n’avait pas de politique énergétique, elle n’en a toujours pas. Et enfin, parce qu’il n’y a sans doute plus la compétence nécessaire dans les cabinets ministériels

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