TOUT EST DIT

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mercredi 19 mars 2014

Il faut sauver le sarkozysme !

Si Nicolas Sarkozy a enfreint la loi, il devra en répondre. Mais, pour l'heure, il est un homme au casier judiciaire vierge. Et le sarkozysme est une proposition utile pour notre pays.

Si Nicolas Sarkozy a enfreint la loi, il devra en répondre comme tout le monde. Il ne saurait y avoir d'impunité pour lui, car il n'y a pas d'impunité pour les autres. Si l'État libyen a participé au financement de sa campagne de 2007, s'il a joué un rôle dans l'affaire Karachi, s'il a apporté son concours au scandaleux arbitrage dont a bénéficié M. Tapie, s'il a tenté de faire pression sur des magistrats de la Cour de cassation, il devra s'en expliquer. Pour l'instant, M. Sarkozy n'a fait l'objet d'aucune condamnation : il est donc, pour l'heure, un homme au casier judiciaire vierge. Nul ne sait s'il le restera ou non, ni dans quelle mesure.
Il y a Nicolas Sarkozy d'une part, l'homme qui est à la fois un homme politique et un chef de bande, un ancien président et un candidat putatif, un chiraquien et un balladurien, un bourgeois de Neuilly et un aristocrate hongrois, un libéral et un colbertiste, et il y a Nicolas Sarkozy d'autre part, l'incarnation et l'animateur d'un courant de pensée et d'action, d'une façon de voir les choses, d'une perception de la France et du monde. Parce que je pense que le sarkozysme existe, que c'est une proposition utile aujourd'hui pour notre pays, et qu'il est assez isolé sur l'échiquier politique, je pense qu'il ne faut pas le passer par pertes et profits, qu'il faut le sauver.
"La France est un pays sinistre", écrit Michel Houellebecq, qui ajoute : "Administratif et sinistre." La France est aussi un pays merveilleux, notamment parce que la France enfante des écrivains comme Michel Houellebecq, mais il y a une donnée incontestable : c'est un pays qui va mal. Or, qu'il s'agisse de ces derniers mois ou des expériences du passé, tout démontre que ce n'est pas avec le socialisme qu'on s'en sortira. Ledit écrivain a d'ailleurs confié à son retour d'Irlande : "Je suis revenu pour voir sombrer le socialisme."

"Il me donnait de l'énergie"

En dépit de ce qu'affirment de nombreuses belles âmes, le socialisme ne fait pas de nous, Français, un peuple en avance, par rapport aux Anglo-Saxons notamment. Il ne fait pas de nous un peuple plus généreux, même si dans les faits nous sommes un des plus solidaires, sans être pour autant, loin de là, le plus heureux. Le socialisme est une idéologie comme une autre, éprouvée, à laquelle on adhère ou non, qui correspond à un modèle de société, qu'on peut avoir envie d'atteindre ou non. Je pense qu'en son état actuel le socialisme n'est pas compatible avec la mondialisation pour un pays comme la France, qui a besoin du contraire.
J'avais dix-sept ans en 2007 et Nicolas Sarkozy me fascinait. Il me donnait de l'énergie. Littéralement. J'étais un grand dadais un peu gros, un peu excentrique, assez mal dans sa peau, mauvais au lycée que j'ai quitté avant terme et, tandis que je montais ma première petite entreprise juste après le bac, Nicolas Sarkozy me donnait l'envie de me lever tôt, de travailler, de réussir. Ce que pouvaient dire les autres, à droite ou à gauche, ne m'atteignait pas : je n'aimais écouter que ce type au ton de voix tranchant, au pas pressé et aux traits tirés, qui avait des réformes et du changement plein la bouche. Il parlait aux banlieues, aux usines, aux jeunes. Il proposait quelque chose pour la France, lui donnait une réalité, nous faisait ressentir notre appartenance à un ensemble. Nos destins étaient liés. 
Pour atteindre ses objectifs, Nicolas Sarkozy disait qu'il allait falloir se battre. Si chacun se retroussait les manches, la France demeurerait un pays prospère. On avait topé là, à 53 %. Et puis il y a eu la crise et tant d'autres embûches, et rien n'a changé. C'est finalement un représentant de l'exact contraire de la "France d'après" dont parlait le patron de la droite avant son élection qui a été élu. Hollande 2012, c'était l'antithèse de Sarkozy 2007 : on avait rêvé de mouvement, on a eu l'immobilisme. On avait manqué d'énergie, on a eu la mollesse. On avait voulu travailler plus, exporter, inventer, bâtir, on a eu des concepts progressistes, sans matérialité. À l'enthousiasme a succédé le découragement : la France de 2014 a les bras ballants.

"Garder son idéal, perdre ses illusions"

" Le vrai politique, c'est celui qui sait garder son idéal tout en perdant ses illusions", a dit un jour John Fitzgerald Kennedy. L'idéal sarkozyen était simple : un peu plus d'Amérique en France. Un peu moins d'impôts, un peu plus de travail. Un peu moins de jalousie, un peu plus d'ambition. Un peu moins de puissance publique, un peu plus d'initiative privée. Cela voulait dire aussi un peu moins d'égalité contre un peu plus de liberté, ou un peu moins de rééquilibrage contre un peu plus de loi du plus fort, mais c'était ce par quoi il fallait passer pour faire cette espèce de grand territoire dynamique et solide que vantaient les clips de campagne. La France étant un pays dépressif, il faut bien trouver une solution : faire ce que font en ce moment les socialistes, rien, est de ce point de vue irresponsable. Il faut au moins essayer une voie : c'est ce que propose le sarkozysme.
À droite, et ce fut sans doute pour en réunir tous les courants, il est le seul à proposer ce chemin bonaparto-atlantiste. On a beaucoup caricaturé Nicolas Sarkozy en le rattachant à la droite de l'argent, celle de Balladur, qui ferraille depuis plusieurs siècles contre la droite de l'État, celle du général de Gaulle, des grandes entreprises publiques, du sens de l'intérêt général, de l'ENA. Mais Jacques Chirac appartenait à cette frange-là et, comme l'a assez justement pointé ledit Balladur, "Sarkozy, c'est Chirac". Il faut bien voir qu'au-delà des mots Nicolas Sarkozy n'a pas fait de la France le territoire dont rêvent Nicolas Bazire ou Alain Minc. Souvent il disait qu'il voulait bien renverser la table, mais pas qu'elle lui retombe dessus. Finalement, il ne l'a pas renversée, mais elle lui est quand même retombée dessus. Le peuple, qui attendait qu'on remette tout le monde au boulot, qu'on supprime tous les petits privilèges indus, qu'on baisse substantiellement les impôts et qu'on défriche à la tronçonneuse les ronces de règles qui ont poussé depuis cinquante ans en France, ce peuple a été déçu. Dans les faits, Nicolas Sarkozy a été beaucoup plus mesuré que l'on pouvait craindre ou espérer. Il n'a été ni le fasciste que promettait Télérama ni la Thatcher qu'attendaient Les Échos. Il a été un homme politique assez classique, avec un peu plus de gueule que la moyenne. Ça n'a pas suffi en 2012.
L'idéal que porte la droite sarkozyste n'est peut-être pas l'idéal suprême que des patriotes anachroniques de mon espèce pourraient avoir au fond de leur coeur. Mais il a au moins le mérite de se détacher des vieilles lunes d'un service public mythifié, de prendre le contexte mondial avec lucidité, de permettre une forme de justice fondée sur la récompense du travail de chacun, et surtout il contient les vraies clés de la prospérité que sont la sueur et la liberté de suer. La meilleure illustration du sarkozysme, c'est le jogging. Comme le disait Picabia, "la seule façon d'être suivi, c'est de courir plus vite que les autres". Qui l'aime...

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