Quoi de plus imprévisible et redoutable qu'une foule "exaspérée" ? Or c'est bien l'état dans lequel se trouvent les Français selon une note confidentielle.
mercredi 23 octobre 2013
Une France au bord de l'exaspération
Tranquillement installée devant mon petit écran, je sens depuis quelque temps monter d'un cran une certaine agressivité sur les plateaux télé. Chez Field, Calvi, Ferrari ou Elkrief on entend de moins en moins les arguments des intervenants couverts par le brouhaha, l'invective et parfois même les insultes. Seuls les discours bien "populistes" des "représentants de la société civile" parvenaient encore à déclencher les applaudissements d'un public livré aux "chauffeurs de salle". En toute candeur, j'ai déduit de ces manifestations de mauvaise humeur que la France est peut-être parcourue par des vents tourbillonnants de colère et peut-être même de révolte, soufflant en tout sens de façon sporadique et désordonnée comme une manif de lycéens improvisée surFacebook. J'y ai vu une sorte de ras-le-bol-tous-azimuts contre l'insécurité, la pauvreté, la précarité, le choc fiscal, l'immigration clandestine, les fermetures d'entreprise, l'impuissance de l'État, le chômage, la cacophonie gouvernementale, une Europe qui se retourne contre les intérêts des Français, l'impression que tout le monde s'en sort sauf nous, le sentiment qu'il n'y a plus de pilote dans l'avion, des partis politiques dépassés par les événements, un Front national en pleine forme...
Samedi, je postais donc sagement mon petit billet en ce sens, pas vraiment convaincue de l'imminence d'un chambardement majeur, lorsque, hier, dimanche 20 octobre, je découvrais, sur le même site du Point.fr un papier, beaucoup plus sérieux que le mien, intituléColère des Français : attention danger ! Il reprenait les conclusions d'un rapport confidentiel des préfets alertant le gouvernement devant l'exaspération grandissante des Français (impôts, délinquance, sentiment d'abandon...). Faut-il craindre le pire dans les mois à venir, s'interrogent les hauts fonctionnaires. Leur expérience du "terrain" les protège des conclusions hâtives.
Quelle n'est pas ma surprise lorsque je découvre que le mot-clef qui ressort de cette note confidentielle du ministère de l'Intérieur est celui d'"exaspération". Mazette ! Cette notion, qui relève habituellement de la psychologie individuelle, peut devenir inquiétante lorsqu'on l'applique à des impulsions collectives. Quoi de plus imprévisible et redoutable qu'une foule "exaspérée", prête à tous les lynchages ? Ainsi, est-il précisé, les élus "considèrent que les limites du consentement à l'impôt sont atteintes" que "le matraquage fiscal" est un véritable "choc psychologique" pour "les foyers jusque-là non imposables". Les préfets vont jusqu'à évoquer une menace de "désobéissance fiscale" ! Rien que ça !
Mais ce n'est pas tout. Pour la sécurité, c'est un peu du même tonneau : les préfets pensent "que la population est désormais prête (doux euphémisme) à s'impliquer davantage dans la lutte contre la délinquance à travers des opérations comme Voisins-vigilants ou Alertes-commerce !" Charmant ! Parlons-nous toujours de la France ou du Far West ? Heureusement, l'"exaspération" reste dans le périmètre de ce que les psys considèrent comme des "états d'âme" protégés par une belle couche d'inconscient salvateur qui, tel un édredon, amortit tous les chocs. Il suffit, pour se rassurer, de repenser au journal de Louis XVI écrivant à la date du 14 juillet 1789 : "Aujourd'hui. Rien", ou, encore plus freudien, de relire l'article, d'un onirisme prémonitoire, de Pierre Vianson-Ponté daté du 15 mars 1968, sur la France qui s'ennuie. On ne sait pas du tout ce qui nous attend, mais, pour le moment, en France, ce n'est pas l'ennui qui nous "exaspère" le plus.
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