TOUT EST DIT

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vendredi 25 octobre 2013

La marinisation des esprits


La vague Marine annonce-t-elle un tsunami ? Le FN ne fait plus peur et le front républicain est bien mal en point : telles sont les deux leçons de l'élection cantonale partielle de Brignoles, dans le Var.
"C'est pas moi, c'est l'autre" : la gauche et la droite se rejettent mutuellement la responsabilité de la montée du FN. Il est heureux pour elles que le ridicule ne tue pas. Sinon, elles seraient déjà mortes depuis longtemps, et plusieurs fois de suite.
La France n'est pas moisie mais empéguée et démoralisée. Nuance. Si l'extrémisme et la xénophobie, maladies des peuples aux abois, sont à la hausse, il crève les yeux que la gauche et la droite qui nous gouvernent depuis plus de trente ans y sont pour quelque chose.
La gauche pavlovienne diabolise le FN en poussant le trémolo : c'est un métier. À part Manuel Valls ou quelques autres, elle refuse de reconnaître que la droite de la droite pose aussi quelques "bonnes questions", pour reprendre la célèbre formule de Laurent Fabius. Il y a sans doute pas mal de cynisme dans l'approche prétendument morale de tant de socialistes : à moins de vouloir renforcer son ennemi, rien ne sert de le combattre avec des anathèmes. Il faut simplement des solutions.
De plus, avec son sadisme fiscal et ses diarrhées législatives,la politique économique du pouvoir n'offre au pays aucune perspective autre qu'anxiogène. Bigots du dieu-impôt, nos gouvernants surtaxent à l'aveuglette pour remplir la panse d'un État-providence toujours plus gros, ce qui ne l'empêche pas de crier famine. Faut-il s'étonner, après ça, que le parti des déprimés soit désormais, avant le FN, le premier parti de France ?
La droite, elle, est en panne de stratégie, de projet, de vision. Ou bien elle court derrière le Front national au nom du principe de la triangulation, qui consiste à récupérer les thèmes des adversaires pour les asphyxier idéologiquement. Ou bien elle se contente de contrer le FN au nom de valeurs qu'elle se garde bien de définir, n'osant, par exemple, défendre à fond le dessein européen, qui, seul, peut permettre à la France d'exister encore sur notre planète mondialisée.
Pis encore, au lieu de préparer l'avenir, la droite, pourtant censée porter les espoirs d'une alternance, s'est claquemurée dans un appareil en voie de molletisation, du nom de l'ancien secrétaire général de la SFIO qui, dans les années 60, verrouillait à tour de bras pendant que la gauche dérouillait à tire-larigot. Résultat : l'UMP ne parle qu'à... l'UMP.
S'il faut chercher les parents du FN, ce serait quand même un tort de s'arrêter à la gauche et à la droite. Il y a aussi la peur de l'avenir, la nostalgie d'une grandeur passée ou la volonté de se protéger derrière des barbelés des coups de vent de la mondialisation. C'est pourquoi le phénomène est européen.
En attendant, le FN marinisé engrange. Tout lui fait ventre : l'immigration, l'insécurité, la désindustrialisation, le chômage, la corruption, les incivilités, les dufloteries, l'écotaxe, les tracasseries administratives, la hausse du prix des cigarettes, et on en passe. Sans oublier cette impression étrange d'un sol qui se dérobe sous les pieds. La lente et longue débine française n'est pas la moindre des causes de la percée lepéniste.
Dans un classique (1), l'universitaire américain Jared Diamond, physiologiste, géographe et biologiste, a montré que l'effondrement de beaucoup de civilisations passées fut provoqué par des dommages environnementaux qui ont déclenché en chaîne des pénuries, des famines, puis des guerres. Nous n'en sommes pas encore là, mais au stade du mal à l'âme : il y a bien quelque chose de métaphysique dans le sentiment de déclin qui envahit notre Vieux Monde en général et la France en particulier.
Un déclin généré notamment par ce mélange de fatigue et de fatalisme qui, à quelques exceptions près, affecte nos gouvernants depuis si longtemps. Il n'est de jour où ne tombe une mauvaise nouvelle qui nous met plus bas que terre.
Les Français sont des nuls : c'est ainsi la conclusion d'une étude de l'OCDE publiée la semaine dernière, qui les classe vingt-deuxièmes sur vingt-quatre pour la maîtrise des informations écrites. En matière de calcul, ils se retrouvent aussi parmi les cancres, au vingt et unième rang.
Quand il s'agit de compter, 28 % des Français ont un faible niveau de compétences, alors que la moyenne des pays de l'OCDE s'établit à 19 %. Dieu merci, les 25-34 ans obtiennent des résultats nettement meilleurs dans le palmarès, preuve que tout n'est pas pourri, il s'en faut, dans notre système éducatif.
La meilleure arme contre le FN ?L'optimisme, saperlotte ! Avec ses atouts en matière de luxe, d'aéronautique, de tourisme ou d'agroalimentaire, la France a de quoi retrouver le sourire. Pour faire mentir une fois pour toutes Jean Cocteau quand il disait que les Français sont des Italiens de mauvaise humeur. Encore que, depuis, ça ne s'est pas arrangé : ils font la gueule, pour le bonheur du FN !
1. "Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie", de Jared Diamond (Folio "Essais").

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