vendredi 30 août 2013
M. Hollande et le syndrome de Gulliver
M. Hollande et le syndrome de Gulliver
Où va la France ? Elle n'a pas envie de le savoir, mais elle y va d'un pas traînant, la digestion troublée, sur fond de pessimisme, d'aigreurs et de jérémiades.
Longtemps après que Montesquieu se fut demandé comment on pouvait être persan, il n'est pas interdit de se demander comment on peut être français. Qu'est-il arrivé pour que notre pays, pourvu de tant d'atouts, dégringole lentement mais sûrement la pente des peuples fatigués ?
C'est une chute lancinante que nos gouvernants, de droite comme de gauche, cherchent à adoucir sans jamais oser prendre les mesures qui nous permettraient de remonter cette pente. Comme si leur diagnostic sur la France était si terrible qu'il la condamnait aux soins palliatifs. Comme s'ils ne croyaient plus eux-mêmes en l'avenir qu'ils nous promettent à longueur de discours.
La France se retrouve ainsi à la croisée de trois discours lamentables. Celui de la gauche, affublée du manteau noir de la Mère Fouettard : depuis un an, elle n'a cessé d'augmenter les prélèvements obligatoires, ralentisseurs de croissance, sans songer à baisser les dépenses publiques, alors qu'elle aurait dû commencer par là. Celui d'une partie de la droite, déguisée désormais en Père Noël avec la hotte afférente : par la voix de M. Copé, elle vient d'annoncer fièrement, en attendant le rasage gratis, une "baisse massive des impôts" dès qu'elle reviendra au pouvoir. Oui, "massive". Le farceur !
Ne riez pas, le pire est à venir : le discours Front national, dont les voiles gonflent sous le vent de la sinistrose, prétend régler tous nos problèmes de déficits, de désindustrialisation ou de balance commerciale en sortant de l'euro et en instaurant un nouveau protectionnisme. Une stratégie de l'apocalypse que vante aussi la gauche de la gauche et qui, au temps du communisme, avait en effet si bien "réussi" à l'Albanie.
Il n'y a qu'en France que le comique "modèle albanais" semble avoir de beaux jours devant lui, ce qui, somme toute, est bien en phase avec cette rentrée politique qui nous ravale au rang de petite province égocentrique perdue dans l'immensité du monde. Tel est notre pays : rhumatisant et nombriliste, avec une mentalité de prince en exil.
Le vrai-faux débat sur les retraites est symptomatique de notre état d'esprit. Élevant l'âge légal de la retraite à 62 ans seulement, la tintamarresque réformette de Sarkozy a eu à peu près autant d'effet qu'une goutte d'eau dans le tonneau des Danaïdes : elle ne faisait que retarder un peu l'inévitable explosion du déficit de notre système. Pour boucher le trou qui se creuse, le gouvernement a mollement hésité, tel l'âne de Buridan, entre une hausse de la CSG et une augmentation des cotisations sociales, avant d'envisager leur baisse, ce qui prouve qu'il ne faut jamais désespérer de rien. Si le pouvoir commence à envisager de baisser le coût du travail, bonne nouvelle...
Mais pourquoi ne pas décider aussi d'allonger à 65 ans ou plus, comme dans la plupart des autres pays européens, l'âge légal de la retraite en alignant, pendant qu'on y est, les régimes du public et du privé ? Parce que ce serait trop simple, en contradiction avec les dogmes du PS, et que ça pourrait donner des vapeurs à une partie de la gauche qui, après s'être bien gavée, commence à se découvrir des problèmes de conscience.
Tout le mal français est là, résumé : idéologie, conservatisme et déni de réalité. Avec un président qui, à la manière de ses prédécesseurs, se retrouve déjà cloué au sol comme Gulliver enserré sous les fils des Lilliputiens, métaphores de nos routines, nos peurs et nos paresses collectives.
Qu'est-ce qui pourrait libérer la France de ses entraves et redonner envie à tous nos jeunes diplômés de faire leur vie ici au lieu de partir en masse à la conquête de Londres, New York ou Shanghai ? Du courage, de la lucidité et des réformes. Un peu de jugeote, aussi. Enfin, rien de surhumain. Mais, apparemment, c'est encore trop demander.
La France a toujours entretenu un rapport particulier avec la vérité et force est de constater que, les années passant, ça ne s'arrange pas. Au nom de la protection de l'emploi, nous avons mis au point un système qui fabrique surtout du chômage. Au nom du principe d'égalité, nous produisons de plus en plus d'exclusion. Au nom de l'équité, nous massacrons les entreprises pourvoyeuses de richesse. Au nom de l'éducation pour tous, nous rejetons des générations dans le malheur social, sans formation professionnelle.
Le plus navrant est qu'une grande partie du pays semble trouver son compte dans ce désastre général et s'accroche comme un mollusque à cette table pourrie qu'il faudrait renverser. L'éditeur Claude Durand vient de publier un nouveau roman grinçant et enlevé, Le pavillon des écrivains (1), sur la perte de nos repères à travers le destin d'une commune de banlieue. Sur la quatrième de couverture, une trouvaille à méditer : dans notre pays, selon Durand, les mots sont désormais "devenus les alias de vérités opposées à celle que recelait leur usage premier".
C'est peut-être quand on aura su définir et nommer les maladies françaises que l'on pourra commencer à les éradiquer vraiment.
1. Éditions de Fallois.
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