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mardi 25 juin 2013

Russie: la fin du Poutinisme par consentement? - TRIBUNE


Depuis son retour au Kremlin, Vladimir Poutine procède à une ferme et progressive répression des espaces de liberté et de partole qui, hérités pour une part de la période Eltsine, ont participé activement aux mouvements de contestation de l'hiver 2012. Journaux, sites, blogs, associations, organisations non gouvernementales... Sur tout ces acteurs, la pression est constante. Par le biais d'enquêtes, d'arrestations ou par l'adoption de nouvelle loi. Est-ce la fin du "Poutinisme par consentement?", s'interrogeJulien Nocetti, chercheur à l'IFRI, dans cette tribune publiée dans Ouest-France....
Crédit Photo : Reuters - Un homme porte un portrait du président russe à une manifestation anti-Poutine à Stavropol - 2012

nocetti.jpgRussie : la fin du "poutinisme par consentement" ?
Le raidissement des autorités russes est à double tranchant.
Il n'aura échappé aux observateurs que la culture russe a l'art de combiner la plus grande anarchie avec un culte exacerbé de l'ordre. Les ONG en savent quelque chose : une loi, adoptée en juillet 2012, leur impose de se déclarer comme "agent de l'étranger" si elles perçoivent des financements de la part d'institutions non russes et si elles sont engagées dans des "activités politiques". Les différents organismes de contrôle ont lancé une série d'enquêtes dont des centaines d'ONG ont été l'objet dans le pays, depuis Memorial jusqu'au Centre Levada et à de multiples associations locales. Aux yeux des observateurs, cette disposition légale n'est qu'un prétexte pour réduire au silence les rares organisations qui manifestent une opposition au régime.
De fait, le mouvement de contestation, né à la suite des élections législatives de décembre 2011, s'est désintégré, et les espoirs d'ouverture politique avec. Les libéraux en vue sont en retrait et une douzaine d'activistes de l'opposition emprisonnés. Le durcissement de la législation sur les manifestations, la multiplication des arrestations des "fauteurs de trouble", en particulier, sont appelés à perpétuer le système existant, dans un contexte de retour à l'"ordre moral" orthodoxe, très conservateur sur les questions sociétales.

Il est toutefois un domaine où le Kremlin a tendu la main : la lutte anti-corruption. En avril, la Douma a voté une loi interdisant aux parlementaires de détenir des comptes bancaires à l'étranger, étendue depuis à l'ensemble des fonctionnaires. Si Vladimir Poutine sait que le thème "parle" aux Russes, paradoxalement, cette campagne anti-corruption risque fort de délégitimer in fine les autorités. Elle alimente le sentiment d'insécurité des élites, déjà irritées par les rumeurs sur la dissolution de la Douma, le renvoi du gouvernement Medvedev ou la liquidation du parti Russie unie. Or, les officiels corrompus incarnent le socle du régime.
Depuis la crise financière de 2008, Poutine ne peut plus acheter la "paix sociale" avec autant de largesses qu'auparavant. Les économistes estiment que les coûts d'organisation des JO de Sotchi en 2014 équivaudront à ceux de 1994, 1998, 2002, 2006 et 2010 réunis ! Le système Poutine est non seulement devenu tropcoûteux, mais aussi, comme l'ont montrées les manifestations à Moscou, incapable d'assurer la stabilité politique. En outre, le président sait que l'avocat-blogueur Alexeï Navalny est un opposant à prendre au sérieux. Si la rue de Moscou exigeait quasi-seule une "Russie sans Poutine", le message anti-corruption de Navalny a résonné bien au-delà de la capitale.
La campagne anti-corruption ne purifiera pas les élites, mais purgera celles qui sont les mieux intégrées aux réseaux économiques internationaux. Pour l'heure, cette campagne a affaibli les proches de Dmitri Medvedev - non parce qu'ils sont plus corrompus mais parce qu'ils sont jugés moins loyaux. Au final, deux facteurs sont susceptibles d'éroder le pouvoir de Poutine : la tendance naturelle des élites à se projeter au-delà du court-terme et, pour le président, un besoin accru de loyauté. Le risque pour lui est que ces élites cherchent des garanties en dehors du système qu'il a façonné autour de sa seule personne.

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