Le 9 juin 2014, l’Europe pourrait se réveiller avec une sacrée gueule de bois, voire, pire, dans un état de coma éthylique dont elle ne se relèverait que très – très, très – difficilement. Franck Guillory joue les Cassandre.
Dans les 18 mois qui viennent, l’Europe a un calendrier électoral chargé
En octobre prochain, Angela Merkel tentera de rempiler pour un troisième mandat à la tête de l'Allemagne. A tout moment, les Italiens ou les Grecs pourraient être contraints de retourner aux urnes. Dès l’an prochain, David Cameron, après quatre années de mandat, commencera à chercher la fenêtre d’opportunité électorale la plus propice à sa coalition. En mars, aux municipales, les Français se prononceront pour la première fois en deux ans sur l’action de François Hollande à l’Élysée.
Autant de rendez-vous qui s’annoncent difficiles pour certains, fatals pour d’autres. Et, pourtant, il semble bien que le pire - collectivement - restera encore à venir.
Aux urnes, citoyens européens !
Du jeudi 5 au dimanche 8 juin 2014, 388 millions d’électeurs dans les 28 pays de l’Union – les 27 actuels plus la Croatie, membre à part entière à compter du 1er juillet prochain - éliront les 751 députés au Parlement européen. Ce sera la 9ème fois depuis 1979 que les citoyens européens éliront leurs représentants au suffrage universel direct.
Pourtant, cette neuvième élection sera l’occasion d’une grande première. Le Traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1erdécembre 2009 – cinq mois après le dernier scrutin communautaire – a introduit une grande nouveauté : pour la première fois, c’est le Parlement européen élu en juin 2014 qui, au cours du second semestre de l’année, élira le président de la Commission européenne sur proposition du Conseil européen.
Sur proposition du Conseil européen… Mais, le Traité de Lisbonne stipule expressément que le Conseil européen devra prendre en considération les résultats des élections européennes qui viendront de se dérouler et c’est cette disposition qui pourrait plonger l’Europe dans une crise sans précédent.
La fin du consensus
Jusque-là, le choix du président de la Commission européenne a toujours reflété le rapport de force en vigueur au sein du Conseil. Si la majorité des exécutifs était de centre-droit – comme en 2004 et 2009 – la Commission était présidée par un homme de centre-droit – José Manuel Barroso en l’occurrence -, si la majorité des exécutifs étaient plutôt de centre-gauche, celui-ci était issu du centre-gauche – ce fut le cas lors de l’élection et de la réélection de Jacques Delors en 1984 et 1989.
Au Parlement européen, l’entente va même au-delà puisque, dans le cadre d’une quasi-grande coalition, Parti populaire européen (PSE) et Parti socialiste européen (PSE), et leurs alliés respectifs, se partagent à l’amiable le perchoir et les nombreux postes honorifiques.
Tout cela a tenu – et ne peut tenir – que si ces forces, globalement favorables à la construction européenne et au pouvoir dans la quasi-totalité des pays membres, sont majoritaires au sein du Parlement. C’est le cas dans le Parlement actuel où PPE, PSE, Verts et libéraux disposent d’une large majorité de plus de 600 sièges sur 754.
Rien ne permet de dire aujourd’hui qu’il en sera naturellement de même au lendemain du scrutin européen de juin 2014. Et pour une raison simple, ces élections s’annoncent bien périlleuses pour les partis de gouvernement actuels.
Pire, et si les forces opposées à l’Union européenne telle qu’elle est - libérale politiquement et économiquement mais, surtout, trop hésitante, insuffisamment volontaire et tiraillée entre les tentations centrifuges et centripètes – sortaient vainqueurs et, éventuellement, majoritaires ?
Eurosceptiques et populistes
Impossible ? Rien n’est moins sûr. Pour preuve, les scénarios possibles dans les principaux pays européens.
Les résultats des élections italiennes des 24 et 25 février laissent présager une bérézina pour les pro-européens en juin prochain. Avec un quart des suffrages, le Movimento 5 Stelle de Beppe Grillo a obtenu 163 élus. Combien en aura-t-il sur les 73 députés européens italiens élus en juin 2014 ? 15, 20 ou 25… Les Grillinis ne sont pas à proprement parler anti-européens mais ils ne se satisfont pas plus du fonctionnement du pouvoir à Bruxelles et Strasbourg qu’à Rome… Autre visage du populisme, sur quels terrains seront contraints de s’aventurer les Berlusconistes d’ici là ? On les imagine mal se satisfaire du statu quo européen après le traitement que l’eurocratie a réservé à leur Cavaliere… Et puis, il y aura la gauche de la gauche, chaviste, altermondialiste, anti-libérale dont on peut prévoir la progression après un an de pouvoir centre-gauche.
Cette coalition des mécontents – une coalition qui n’en est pas une tant elle apparait hétéroclite – se retrouve ailleurs… En Espagne – avec les Indignados -, en Grèce – à la gauche de la gauche, autour de Syriza, et à la droite de la droite, avec la montée des néo-nazis -, au Royaume-Uni – où les souverainistes de UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni) et les néo-fascistes du BNP ne cessent de progresser dans les sondages – et, partout, dans les anciennes républiques populaires de l’Europe centrale et orientale… En Allemagne aussi, et en France…
En France, elle a deux visages, bien connus, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, le Front National et le Front de gauche. François Hollande l’aurait compris et c’est pour cela qu’il aurait renoncé à modifier le mode de scrutin pour troquer la proportionnelle dans de vastes circonscriptions suprarégionales contre la proportionnelle avec des listes nationales. Avec une telle réforme, dans le pire scénario, le FN aurait pu dépasser l’UMP, le Front de gauche le PS et, à deux, récolter plus de la moitié des 74 députés européens français.
Au total, ces populistes de tous poils ne sauraient constituer une majorité en mesure de se mettre d’accord sur un candidat et un programme commun. La perspective d'une cohabitation à l'échelle européenne apparait encore improbable. En revanche, ils pourraient bloquer l’Europe, empêcher – ou retarder autant qu’ils le souhaiteraient – l’élection du 13ème président de la Commission européenne.
Treizième, mauvais présage pour l'Europe ou promesse d'une crise salvatrice...
lundi 11 mars 2013
Européennes 2014: quand l'Europe découvrira la démocratie...
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