TOUT EST DIT

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lundi 21 janvier 2013

Les inégalités : des indicateurs trompeurs

Fondé sur des indicateurs à la pertinence discutable, le débat sur les inégalités est largement surfait et biaisé.

De nombreux articles et livres fleurissent pour nous démontrer que les inégalités s’accroissent en France et dans le monde. Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz publiait ainsi récemment un livre intituléLe Prix de l’inégalité. Ces publications rencontrent traditionnellement un bon accueil dans notre pays car les Français se sentent très concernés par ces problématiques. L’égalité est en effet, avec la liberté et la fraternité, l’un des trois piliers de la devise républicaine : il serait donc naturel de lutter contre les inégalités.
Ce serait faire là une terrible confusion et manquer l’ambiguïté qui existe dans le terme d’égalité, dont jouent ceux qui poussent à toujours plus de redistribution. Référons-nous à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. L’article 1 dispose que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » alors que l’article 2 rappelle que le but de toute association politique doit être «la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme », identifiés comme étant « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ». Selon l’article 1, l’égalité est donc bien celle des droits, pas celle des résultats. La loi doit donc être la même pour tous et il ne doit pas exister de passe-droit. L’égalité des revenus et des possessions est même indirectement exclue par l’article 2 puisque celle-ci permet la conservation de la propriété.
Ceci étant posé, examinons tout de même ces « inégalités ». Il existe de nombreux indicateurs statistiques tentant de mesurer les inégalités mais deux d’entre eux sont couramment utilisés : le rapport inter-décile et l’indice de Gini. Le premier consiste à faire le rapport entre le neuvième et le premier décile [1] : plus ce ratio est élevé, plus l’inégalité des revenus est importante. Le second est issu d’une formule plus complexe [2] mesurant les écarts par rapport au revenu moyen. L’indice est compris entre 0 et 1, 0 correspondant à l’égalité parfaite et 1 à la situation où tous les revenus seraient gagnés par un seul individu.
Notons d’abord que contrairement aux idées reçues et malgré les quelques rémunérations exorbitantes dont peuvent bénéficier certains sportifs, chanteurs, acteurs ou patron du CAC40 faisant les gros titres des journaux, les inégalités de revenus en France sont globalement stables depuis 30 ans et largement en baisse par rapport aux années 1970 :
Source : INSEE.
Soulignons cependant que ces indicateurs présentent des faiblesses presque insurmontables car ils mesurent des groupes qui ne sont pas statiques. Par exemple, dans le cas du rapport inter-décile, la composition des déciles varie d’une année l’autre. Ainsi, imaginons la situation suivante. À un instant donné le ratio inter-décile est élevé, signe de fortes inégalités. Quelques années plus tard, on mesure de nouveau D1 et D9 : ils sont inchangés (ou affichent le même taux de progression). Quand on regarde ce que sont devenus les individus composant le premier décile à l’origine, on s’aperçoit qu’ils sont désormais tous dans le dernier décile, et vice et versa. Et pourtant l’indicateur statistique conclura à des inégalités importantes et constantes ! De la même manière, si la hiérarchie des revenus était inversée en conservant les rapports d’ordre de grandeur, l’indice de Gini demeurerait inchangé et conclurait de manière similaire à des inégalités fortes et constantes.
Évidemment, ce sont deux situations extrêmes qui n’ont aucune chance de se produire, mais cette mobilité est loin d’être négligeable. On apprend par exemple ici que les revenus moyens des Américains qui se situaient dans le plus bas quintile en 1996 avaient augmenté de 91% en 2005, mais qu’en revanche ceux du premier percentile – c’est-à-dire les 1% ayant les revenus les plus élevés – avaient diminué de 26%. En outre, plus de la moitié de ces derniers ne figuraient plus dans le premier percentile en 2005.
Une autre étude de l’Université du Michigan a démontré que seulement 5% des individus situés dans le cinquième quintile des revenus (mesurant les revenus les plus faibles) en 1975 y était encore en 1991, alors que 29% d’entre eux avaient atteint le premier quintile à cette date. Plus de la moitié des individus du dernier quintile en 1975 avaient été dans le premier quintile pendant au moins une année entre 1975 et 1991.
Conclusion similaire dans cet autre article : une première étude montre que 86% des Américains les plus pauvres en 1979 ne le sont plus neuf années plus tard. Une seconde étude, portant sur une durée un peu plus longue (de 1975 à 1991) conclut à 95% de personnes sortant des 20% aux revenus les plus faibles.
On observe le même phénomène quand on tente d’observer les inégalités de revenus non plus entre les individus mais entre les différents peuples. Le rapport mondial sur le développement humain 2000/2001 préconisait ainsi une comparaison entre les 20 pays les plus riches et les 20 pays les plus pauvres, et ce ratio était passé de 23 en 1960 à 39 en 2000. Toutefois, en effectuant le calcul sur le même ensemble de pays (c’est-à-dire en conservant la répartition des pays les plus riches et les plus pauvres en 1960), un résultat radicalement opposé était observé puisque le ratio diminuait à 9,5.
Le débat sur les inégalités est donc largement surfait, biaisé, et se réalise de plus à l’aide d’indicateurs à la pertinence largement discutable.
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Sur le web. Publié initialement par 24hGold.
  1. Le premier décile (noté généralement D1) est le salaire au-dessous duquel se situent 10% des salaires. Le neuvième décile (noté généralement D9) est le salaire au-dessous duquel se situent 90% des salaires. 
  2. Indice de Gini : G = 1 - 2B 

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