TOUT EST DIT

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mardi 15 janvier 2013

La phobie ecclésiale de la « récupération » politique

La phobie ecclésiale de la « récupération » politique


Sous le titre « L’Eglise catholique entre prudence et résistance », avec un sous-titre encore plus éloquent :« Les évêques adoptent un profil bas pour ne pas être récupérés politiquement », voici  cette analyse de Jean-Marie Guénois dans Le Figaro au sujet de la grande manifestation contre la dénaturation du mariage :
« … (l’Eglise) a paradoxalement tout fait pour ne pas apparaître comme une force d’opposition “politique”, au sens d’un parti, mais “éthique” au sens d’une entité morale. C’est toute la force de la manifestation de dimanche, mais aussi son risque d’être récupérée. Et par là, son ambiguïté possible dans le cadre d’une stricte lecture politique. Ce qui explique, précisément, cette parcimonie épiscopale. En “aucun cas”, affirme le cardinal Vingt-Trois, l’Eglise catholique ne veut tomber dans un piège politique. Après avoir mis hors-jeu l’accusation d’homophobie, l’Eglise catholique doit toutefois à présent éliminer le reproche de “faire de la politique”. »
Cette (autre) « phobie » de la « récupération politique » a quelque chose d’autant plus pathétique qu’elle ne s’exerce toujours que dans un sens unilatéral : en direction de la « droite » et l’« extrême-droite » ainsi désignées par la gauche dominante. Les évêques n’exprimaient pas la même crainte, par exemple, vis-à-vis de la gauche, lorsqu’ils « se manifestaient » ouvertement contre la politique d’immigration du gouvernement supposé de droite sous Sarkozy ou quand ils faisaient de Jacques Delors un modèle a posteriori de l’esprit du Concile ! On se souvient en revanche de cette autre peur significative de Mgr Jean Honoré (alors président de la Commission épiscopale du monde scolaire et universitaire) pendant le combat pour la liberté de l’enseignement catholique sous Mitterrand : « Ce que vos évêques redoutent… Si (le pouvoir actuel) devait succomber à une crise dont l’origine apparaîtrait imputable d’abord à la défense de l’enseignement privé, ce serait pour l’avenir un risque considérable. A la fois pour l’école catholique, pour les catholiques de France, pour l’Eglise. Dans la “mémoire historique” de la nation, un gouvernement serait tombé à cause de l’école catholique. Et ce gouvernement était celui qui portait les espoirs des couches populaires du pays ! » (1)
Comme l’« homophobie », la « récupération » est un mot dialectique, épouvantail inventé par l’ennemi pour faire peur et neutraliser dans un seul sens. La « récupération » temporelle d’une saine mobilisation par Civitas fait peur à beaucoup d’évêques (2), mais moins celle de Frigide Barjot. Non pas parce que cette dernière offre une surface ou une crédibilité sociale et ecclésiale plus large que Civitas, comme dit Mgr Aillet (Présent de samedi), mais parce que sa « récupération » médiatique se revendique comme aconfessionnelle et apolitique. Mais en quoi ladite « récupération » de cette large mobilisation par des mouvements ou des partis réputés « à droite », se coalisant ensemble avec les associations du pays réel, serait-elle gênante ou honteuse dans la mesure où, selon notre régime actuel, cela demeure le moyen le plus direct et le plus efficace pour faire tomber une loi contre nature ? La retirer sans s’attaquer au gouvernement en place (de gauche) qui la porte, s’avère trop souvent être un leurre comme on a pu le constater dans le passé, notamment avec la liberté de l’enseignement.
Cette stratégie non seulement de dépolitisation mais aussi de déconfessionnalisation de la religion n’est pas propre cependant à l’Eglise catholique. Elle a été paradoxalement avalisée, nous l’avons déjà signalé, en septembre dernier par la Conférence des représentants des cultes en France (CRCF) qui les réunit tous, dont Mohammed Moussaoui, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) : culte théocratique par nature ! Elle a été fermement réitérée à l’issue de la cérémonie des vœux avec François Hollande par le grand rabbin Gilles Bernheim (Présent du 10 janvier). Lequel l’a encore redit vendredi dernier sur Europe 1 : « Je refuse l’idée d’une coalition des religions contre cette loi. Cela donnerait l’impression que les religions monothéistes s’opposent au pouvoir, notamment du Parti socialiste, ce qui n’est pas le cas ! »
Le parallèle de cette citation du grand rabbin avec la triste formule historique du futur cardinal Honoré, cité plus haut, est frappant. Ce qu’il faut bien appeler aujourd’hui cette connivence des religions de France entre elles et avec le socialisme au pouvoir, au point d’exclure en l’occurrence le plus sain et légitime œcuménisme en matière de loi naturelle (résumée par le Décalogue) sous le prétexte de « ne pas faire de la politique », vient mettre un léger bémol sur le changement cardinal dont nous parlions hier. Il demeure en effet chez nos prélats certains tics mentaux, dictés par la pensée unique et manipulatrice de l’adversaire, dont il faudrait vraiment se libérer. Sans offenser pour autant la saine et légitime laïcité de l’Etat et la juste distinction des ordres temporel et spirituel…
(1) On se souvient alors du dessin de Chard montrant un évêque intimant à l’immense manif des parents de l’école libre un énorme CHUT !
(2) Ils ont dénoncé pareillement la « récupération » de Jeanne d’Arc par le Front national, le seul grand mouvement politique alors à lui rendre hommage. Comme si les autres ne pouvaient pas se l’« approprier » également, la « récupérer » conjointement dans une allégeance non exclusive, coopérant au bien commun national, une bonne cause n’appartenant par nature à personne mais à tous, en les dépassant !

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