TOUT EST DIT

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dimanche 16 décembre 2012

John Maynard Keynes contre le socialisme

John Maynard Keynes est souvent l’économiste de référence des socialistes contemporains. Quelques citations du maître qui leur feraient bien mal…
John Maynard Keynes est un orphelin idéologique. Il suffit de lire des passages de sa Théorie Générale, pour s’apercevoir que le grand homme, sentant que son texte renforçant les prérogatives de l’État s’éloignait grandement du libéralisme, prît soin de flatter, autant que faire se pouvait  sans trahir son propos, la famille qu’il quittait, sans manquer d’attaquer le marxisme.
Orphelin idéologique, et mort à l’issue de la guerre, J.M. Keynes a été adopté post-mortem par les socialistes, alors que lui-même s’en était explicitement démarqué. À chaque fois qu’on nous préconise une nouvelle forme d’intervention de l’État dans les affaires économiques, J.M. Keynes semble donner, du ciel, sa bénédiction tacite. Plutôt que de laisser les étatistes s’approprier le nom d’un des grands hommes du siècle, nous devrions les mettre face aux écrits de leur héros, car ceux-ci ne cautionnent absolument pas leurs politiques.
Dans la conclusion de son magnum opus, J.M. Keynes explique que ses préconisations n’ont d’autre objet que la sauvegarde du « capitalisme » comme système économique, et de l’ « individualisme » comme système politique. Dans l’Europe d’aujourd’hui, seuls des libéraux défendraient avec autant d’attachement ces principes comme fondement de la société, tant une dimension péjorative s’y est désormais associée. Voici ce qu’écrit Keynes dans la conclusion de sa Théorie Générale.

Le contrôle central nécessaire au plein-emploi implique, bien sûr, un accroissement important des fonctions traditionnelles du gouvernement. Mais il laisse de vastes prérogatives à l’initiative et à la responsabilité privée. En leurs seins,  les avantages traditionnels de l’individualisme prévalent. Prenons le temps de nous remémorer ces avantages. Ils sont pour partie des avantages d’efficacité – ceux de la décentralisation et du jeu des intérêts personnels. Les avantages des décisions et responsabilités individuelles sont peut-être plus grands encore que ce que le XIXèmesiècle supposa : et la réaction contre l’appel des intérêts égoïstes est peut-être allé trop loin. Mais par-dessus tout, l’individualisme, purgé de ses excès, est le meilleur bouclier des libertés individuelles dans la mesure où, comparé à tout autre système, il agrandit considérablement le champ d’exercice du libre arbitre. […] Bien que l’élargissement des fonctions du gouvernement, induit par la tâche d’ajuster la propension à consommer et l’incitation à investir, paraîtrait à un journaliste du XIXème siècle ou à un financier américain contemporain être une entorse terrible à l’individualisme, je le défends, tout au contraire, à la fois comme le seul moyen pratique de sauvegarder le système existant dans son intégralité et la condition du bon fonctionnement de l’initiative individuelle.
– J.M. Keynes, Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie.
Si au regard de la communauté des économistes de son époque, John Maynard Keynes n’est pas vraiment un libéral, il n’est certainement pas non plus un socialiste. Parce que J.M. Keynes s’est démarqué des penseurs classiques, les socialistes en ont profité pour se l’approprier et ont abusé de son nom comme les capitalistes abusèrent du nom d’Adam Smith au siècle précédent. De même qu’Adam Smith n’est pas un libertarien, ni un défenseur de l’égoïsme comme principe de société, John Maynard Keynes n’est pas un socialiste qui croit au partage du travail. Maintenant que les interventionnistes se revendiquent de l’autorité du maître, confrontons quelques-unes de leurs guignoleries aux idées de l’économiste qu’ils vénèrent.

La relance par le déficit

En 1937, Keynes explique clairement que les préconisations budgétaires de sa Théorie Générale ne valent que pour les crises économiques. Pour résumer rapidement sa pensée, Keynes pense qu’il existe des moments où les anticipations des agents économiques sont si mauvaises qu’ils réduisent considérablement leurs investissements et leur consommation, de sorte que les entreprises anticipent peu de débouchés, ce qui enclenche un cercle récessif dont le marché ne peut, d’après Keynes, s’échapper tout seul. L’État peut, toujours d’après Keynes, prendre le relais via le déficit public, qui permet de relancer la demande sans taxer davantage le revenu des citoyens et des entreprises.
En somme, Keynes pense que le budget de l’État doit être contra-cyclique, déficitaire en période de crise, mais aussi équilibré ou excédentaire en période d’expansion. Il déclare ainsi en 1937 :
The boom, not the slump, is the right time for austerity at the Treasury.
Traduction : L’expansion, non la récession, est le bon moment pour l’austérité au Trésor.
Keynes n’est donc pas un penseur de la dette publique. C’est un penseur du déficit temporaire comme correcteur de la conjoncture économique. Sa théorie a deux versants : le déficit budgétaire en période de crise, l’austérité le reste du temps. Or depuis sa mort, la gabegie étatique a cumulé les déficits publics malgré la croissance économique. Mais dans l’esprit de Keynes, le déficit public en période de crise n’est possible que dans la mesure où les périodes d’expansion ont servi à l’assainissement des comptes publics.
Si Keynes préconiserait, aujourd’hui, probablement des déficits pour relancer la croissance, il s’affligerait qu’en son nom des politiciens ait creusé la dette publique quand tout allait bien. Car ce passif rend aujourd’hui le déficit extrêmement douloureux, voire impossible pour certains pays (cf. « Keynes : « à court terme nous sommes tous morts »)
Les déficits accumulés par l’État-providence au cours des cinquantaines dernières années ne trouvent donc aucun crédit dans la théorie de J.M. Keynes, tout au contraire vu qu’ils alimentent un déficit permanent depuis 1981.

Keynes contre le socialisme ambiant

D’autres politiques socialistes prennent toujours Keynes comme l’autorité leur accordant leur bénédiction. Prenons donc quelques exemples associés à des extraits de leur professeur d’économie préféré.
La hausse des salaires crée du chômage !
Les socialistes nous racontent que l’augmentation des salaires accroît la demande, et donc en définitif réduit le chômage. Or, si Keynes critique la capacité du marché à coordonner correctement la demande et l’offre de travail, il précise ne pas réfuter que le niveau des salaires et de l’emploi soient inversement corrélés. De quoi éclairer le débat sur le SMIC !
Cela signifie que, pour une organisation, des techniques et des équipements donnés, les salaires réels et le niveau de la production (et donc de l’emploi) sont inversement corrélés, de sorte qu’en général une hausse de l’emploi ne peut seulement intervenir qu’en parallèle d’une baisse des salaires réels. Ainsi, je ne conteste pas ce fait vital que les économistes classiques ont (avec raison) qualifié d’immuable.
– J.M. Keynes, Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie.
La régulation des prix détruit l’offre !
Peut-être Mme Duflot devrait aussi lire ce que Keynes penserait du blocage des loyers, et des prix régulés en général :
La préservation d’une valeur fictive de la monnaie, par la force de la loi s’exprimant dans la régulation des prix, contient en elle-même les graines du déclin économique final, et assèche rapidement la source de l’offre.
– J.M. Keynes, Les Conséquences Économiques de la Paix.
L’inflation, c’est du vol !
Les libéraux répètent que l’inflation est un impôt caché qui, n’étant voté par aucun Parlement, n’est que du vol. On les traite d’extrémistes sans pragmatisme. Voyons ce qu’en disait Keynes :
Sa conséquence la plus marquante est l’injustice pour ceux qui de bonne foi ont placé leur épargne sur des titres nominaux plutôt que dans des choses [réelles]. Mais l’injustice à cette échelle a de plus grandes conséquences. […] De plus, l’inflation ne se limite pas à réduire la capacité des investisseurs à épargner mais a aussi détruit l’atmosphère de confiance qui est une condition nécessaire de l’épargne volontaire. Pourtant, une population croissante souhaitant maintenir son niveau de vie a besoin d’une croissance proportionnelle de son capital. » [...] « Un gouvernement peut vivre longtemps […] en imprimant de la monnaie papier. C’est-à-dire, qu’il peut ainsi prélever des ressources réelles, aussi réelles que celles obtenues par les impôts. […] Le poids de [cet] impôt est largement étalé, ne peut être évité, ne coûte rien à collecter, et tombe, d’une manière rude, en proportion de la richesse de la victime. Pas de miracle à ce que ses avantages superficiels aient attiré les ministres des Finances.
– J.M. Keynes, Essai sur la Réforme Monétaire.
Toujours plus d’État ?
Dans une correspondance avec l’économiste Colin Clark à la fin de la guerre, Keynes admet que :
25 percent taxation is about the limit of what is easily borne.
Traduction : un taux d’imposition de 25 pourcents est la limite de ce qui peut être facilement supporté.
Aujourd’hui la dépense publique absorbe 56% du PIB. Que tous ceux qui se revendiquent de Keynes manifestent pour le limogeage de millions de fonctionnaires, et la réduction des dépenses de l’État d’un montant minimum de 600 milliards d’euros par an !

Conclusion

Les libéraux ne citent pas John Maynard Keynes. Ils ont leurs classiques, qu’on appelle d’ailleurs « Les Classiques ». Pourquoi les socialistes citent-ils Keynes ? Parce qu’en vérité, ils se trouvent, sur la question économique, dans un relatif désert idéologique qui s’étend de Karl Marx à John Maynard Keynes. Si en vérité ce désert a ses touaregs, aucun de ses habitants n’a la dimension intellectuelle d’un Karl Marx, d’un John Maynard Keynes ou d’un Adam Smith. Et comme Karl Marx ne se vend plus très bien auprès de l’électeur médian, le pauvre économiste britannique a été réquisitionné sans pouvoir donner son avis. Pourquoi donc les laisser faire ? Amusons-nous donc avec ce qu’il croit à tort être leur jouet !

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